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  • : Le blog d'eve anne, Madrid.
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Premiers Extraits

Rencontre en forêt

tn Foret

J’ai fait une sortie  hier soir en fin d’après midi, et je ne sais pas pourquoi, j’ai pris mon VTT plutôt que le vélo. Dans les chemins de la forêt j’ai été doublée plusieurs fois par le même gros 4x4.  J’ai eu l’impression que le mec voulait attirer mon attention. J’ai remarqué, au moment où il me doublait, qu’il ne portait rien, il était torse nu. Nos regards se sont croisés, Puis il est parti loin devant. Il faisait doux, pas de vent, la forêt sentait bon. . . . . . . . .

La Devise du Québec

tn parlement quebec

Québec hiver 1876, en fin de matinée le soleil donnait à la ville gelée, les mille feux du diamant. Le froid était vif et les passants emmitouflés étaient peu nombreux. Pourtant, sur le trottoir ensoleillé, un homme ne semblait pas ressentir de gêne à déambuler tête nue, normalement vêtu, ou plutôt anormalement vêtu dans l'air glacé. Il n'avait pas de gants, et son regard bleu était perdu dans le rêve où il flottait. Il tenait à la main un petit rouleau de papier, et ce feuillet enroulé faisait de lui l'homme le plus heureux de la terre..............................

Le Testament de Benjamin Briggs

tn 200501454

 

Les arbres du Square Victoria commençaient à dérouler leurs feuilles. Florane-Marie D'Auteuil avançait à pas légers le long de la bordure du trottoir de la rue du Square Victoria. Malgré le soleil qui avait embelli la journée, l'air était encore frais. Elle tenait bien fermé contre sa gorge le col de fourrure de son manteau d'hiver. Florane était la fille d'un diplomate  français décédé au cours de l'hiver dernier. Après un séjour de trois ans en Bavière. Elle vivait à Montréal depuis deux ans......................

Les Jours de Liesse.

tn Milani

Il faisait un temps superbe ce jour là. Dans la petite bourgade de Saint André, ce village touristique de Haute Provence près du lac du Castillon, la saison touristique était à peine commencée. Pourtant, il y avait pas mal de monde en ville, et déjà quelques nageurs courageux dans les eaux glacées. Pour certains c'était déjà les vacances, mais pour d'autres, le travail était encore d'actualité. Il faisait déjà chaud. Pourtant, le bourg est à neuf cents mètres d'altitude. Le soleil comme toujours dans cette région était de la partie. Derrière les baies vitrées des bureaux, les employés commençaient à souffrir de la chaleur. .
.


La Chapelle Saint Domice

tn amiens chapelle st domice

Depuis que Karen avait disparu, Adrianne vivait l'enfer.
Elles étaient amies de longue date, ce qui semblait être pour les autres une camaraderie d'adolescentes, était en réalité un grand amour partagé. Karen et Adrianne poursuivaient avec brio leurs études de médecine. L'une serait Sage femme, et l'autre voulait être gynéco. Elles n'en étaient pas encore là,  elles avaient encore quelques années à travailler comme des esclaves pour espérer arriver à quelque chose.

Noire d'écume

tn cadiz cate

Les voyages sont sûrement ce qui me motive le plus. Lorsque j'ai choisi de faire ce métier, je n'y avais pas pensé réellement, ou alors, ce n'était pas l'élément fondamental de mon choix. Et pourtant, c'est ce qui m'apporte le plus. J'adore voyager. Me rendre au pied levé dans telle ou telle ville, ou dans ce pays ou un autre, est pour moi le plus grand des plaisirs. Ce n'était pas à priori évident. Il faut apprendre à voyager, comme il faut apprendre l'envie de voyager

Le Chemin de Badajoz

tn Teresa

Teresa fatiguée, s’arrêta au bord de la route sur un petit refuge, à un kilomètre environ du carrefour de la route nationale,
à la sortie de Talavera de la Reina.   Elle hésita un moment avant de prendre une carte dans la boîte à gants. Elle était de mauvaise humeur. C’était un geste machinal, car en fait, elle connaissait bien la route. Mais en cette fin de journée, elle ne se sentait pas bien, ni dans son corps, elle avait froid, ni dans son esprit, elle était là à contrecœur.


L'infirmière d'Ambazac.


tn Ghylaine 9

Excusez moi de vous déranger, je m'appelle Ghylaine, et je suis infirmière à Ambazac. » Elle était un peu plus grande, très mince, les cheveux mi-longs, coiffés à la diable. Le maquillage assez discret, un rouge à lèvres  framboise, les sourcils très noirs, les paupières ombrées. Un grain de beauté sur la lèvre supérieure à gauche. Le premier examen était favorable. Ghylaine souriait, Laurence lui rendit son sourire.


Un douze Avril

tn Joelle et moi

Un 12 avril …. Oui c’était un 12 avril, je m’en souviens très bien, c’était le jour d’anniversaire de ma maman, et j’étais allée déposer une potée de tulipes sur sa tombe, des tulipes perroquets rouges et blanches, ses préférées. C’était la fin de l’après midi, à l’heure où le soleil, bas sur l’horizon, allonge les ombres, et colore la nature du vert jaune des feuilles naissantes, du bleu de ciel et de blanc nuages. Il faisait beau, il faisait doux. Sur l’autoroute il y avait peu de circulation ou du moins elle était fluide

Le Chaos de Targasonne

tn Pisc


Sur les hauteurs des Pyrénées-Orientales, la Cerdagne est un vaste plateau  ensoleillé, un encorbellement entre le mont du Carlit, et celui de Puigmal, tous deux culminants aux alentours de 3000 mètres. La Cerdagne est à une altitude de 1600 mètres en moyenne, et elle a la particularité d'être une région fertile, bien que de haute montagne, puisque l'on y récolte des céréales, du blé principalement. On y vient de Perpignan par la route qui monte à Font Romeu, ou par le côté Espagnol en traversant l'Andorre.

Le Coupe Chou

tn Le coupe chou 1

La Gare de Lyon à l’heure des grands départs, est habitée d’un esprit particulier. Peut être est-ce simplement la concentration des voyageurs en attente. C’est cette odeur particulière, faite d’humanité, d’ozone et de poussière. Ce grand espace qui fait face aux quais, animé de ses panneaux affichant les horaires, et les milliers d’yeux, levés vers les chiffres verts qu’ils ne semblent pas comprendre .Et puis ce sont tous ces jeunes avec sacs au dos, assis sur les murets des escaliers descendant au sous-sol .Ils fument, ils mangent d’énormes sandwiches, vident quantité de boîtes de bière ou de Coca. Ils dorment ou s’embrassent, l’amour des fois, se fout du décor .

La Mante


tn aigumidi

 Je la reconduisis à la porte. Les quelques pas qu'elle fit devant moi suffirent à provoquer mes plus secrètes fêlures. Sa démarche, ses bottines à hauts talons, son jean élimé aux fesses, ses fesses rondes perchées sur des jambes interminables, ce perfecto, qui était choisi sans doute uniquement pour mettre ses fesses en valeur, et cette chevelure de jais, coupée court, très bas sur la nuque, avec cette mèche savamment rebelle qu'elle remettait en place d'un mouvement de tête des plus étudié. Deux anneaux dorés apparaissaient alternativement au rythme de son pas décidé..Elle s'arrêta sur le palier, se retourna.

 

 Les Etoiles Eteintes
VII


Les Follatières
 

Le parcours de Saint Gervais à Passy ne parut pas très long à Sarah. Le temps était au beau fixe, ce qui ne voulait pas dire qu’il faisait chaud. Il fallut descendre dans la vallée, jusqu’au Fayet, de là, traverser la vallée jusqu’à Chedde, et ensuite entamer la longue montée vers Passy. Curieuse, cette vallée rigoureusement plate au milieu de ce chaos de montagnes. Le docteur expliqua qu’il y avait quelques millions d’années c’était le lit d’un glacier dont l’épaisseur atteignait quelques centaines de mètres. A Passy on s’arrêta à l’Hôtel du Chamois Gris, qui était un établissement très modeste, très rustique, où la gentillesse des hôtes compensait la rudesse des lieux. Il y avait un grand feu dans la cheminée. Le docteur Lecloarec et Sarah étaient les seuls clients de la soirée. Le docteur était un homme affable, qui se montra un compagnon de route fort agréable. Il parlait un français accentué de Savoyard, et quelques fois, par surprise, des mots en patois surgissaient dans la conversation. Il se reprenait avec le sourire en s’excusant. Le panorama de la vallée de l’Arve n’avait plus aucun secret pour Sarah, elle connaissait maintenant la cartographie de l’endroit dans le détail. Après un repas copieux, fait de Matafan et de Reblochon arrosé de Mondeuse, ils se regroupèrent devant la cheminée, pour une courte veillée arrosée de Génépi. Oui, il fallait partir tôt le lendemain. La patronne était allée mettre le moine dans les lits, et allumer un feu dans les chambres. Sarah pensa se retrouver au chalet de Mayères, sauf que là, il n’y aura pas de Mathilde pour l’amour, et ce sera bien triste. La chambre était propre, et les draps sentaient très fort la lavande. La cheminée éclairait la pièce de couleurs changeantes, elle ne fumait pas, mais l’odeur de feu de bois était sensible. Elle dormit comme une marmotte. Il était cinq heures quand la patronne tapa à la porte pour la réveiller. Le feu était éteint, mais les braises encore chaudes permirent de réchauffer l’eau pour la toilette. C’est vrai que de toute sa vie, excepté dans le refuge, elle n’avait jamais été logée dans de pareilles conditions. Peut être quand même à bord de la goélette ? Sarah ne se plaignait pas. Elle admirait plutôt, que ces gens se sentent heureux dans des conditions aussi rudes. L’Hiver doit être très dur et très long. Elle songea en un éclair qu’elle passerait l’hiver là-haut, où le climat sera encore beaucoup plus rude. Le Docteur Lecloarec attela le cheval, et c’est bien enroulés dans de chaudes couvertures qu’ils reprirent la route en direction du Plateau d’Assy. Sarah avait été généreuse avec les hôteliers, elle leur avait donné bien plus qu’ils n’en demandaient. Une fois pour le logement, une fois pour l’accueil. La patronne lui sauta au cou pour l’embrasser.
« Que dieu vous garde Madame, je prierai pour vous. »
Le cheval était robuste, et il ne semblait pas avoir de peine à tirer la charrette pourtant bien chargée. Le Docteur reprit la conversation avec tact et intelligence. Il parla de la vie dans le pays, du courage des gens, de la misère qu’il voyait tous les jours. Il s’étonna qu’une dame aussi élégante se rende elle-même en altitude pour rencontrer une amie perdue de vue depuis trente ans. Sarah lui plaisait bien, outre sa beauté indéniable, il admirait sa conversation et sa culture.
« Si ce n’est pas trop indiscret, Madame,
- Appelez-moi Sarah,
-Si vous le souhaitez, n’êtes vous pas mariée ?
-Je ne suis pas à marier si c’est ce que vous voulez savoir.
-Je vous demande pardon, mais si vous aviez été mariée vous ne voyageriez pas seule !
-J’ai été mariée une première fois avec un officier de marine qui a péri en mer. J’ai eu deux enfants. Je me suis remariée, et je n’en suis pas très fière. Nos destins ont été liés, mais l’amour n’a duré que deux semaines. Il a disparu depuis trente ans.
-Est-ce possible ?
-Je pense que nous aurons l’occasion de nous revoir Monsieur, et peut être vous saurez notre histoire. Mais vous ? Monsieur ?
-Je suis veuf depuis cinq ans, mon épouse est décédée de tuberculose.
-Mon dieu, pourvu que ça ne soit pas le mal de Florane.
-N’ayez crainte, il y a longtemps que ce mal l’aurait emportée.
-En attendant, je peux simplement vous révéler que le lien qui me lie à Florane d’Auteuil, s’appelle de l’amour. Et cet amour là, a survécu à trente années de séparation.
-Je ne voulais pas être indiscret Sarah,
-Je préfère que les choses soient dites. Sinon vous serez bientôt assailli d’histoires burlesques nous concernant. L’homosexualité existe depuis la nuit des temps, mais on ne sait pas encore en parler. L’hypocrisie est un mal éternel.
-Vous avez raison Sarah, je vous remercie de votre franchise. C’est vrai qu’il est bon de pouvoir lutter contre les racontars les plus sordides. Mais pourquoi avoir attendu trente ans ?
-Je pourrais vous donner des tonnes de raisons, mais je vous répondrai simplement : je ne le sais pas. La vie est à sens unique. Même si l’on regrette, on ne peut rien recommencer. Prise par les affaires, je me suis contentée de scruter l’horizon, espérant que mon cœur se mettrait à battre en voyant une voile gonflée de vent. Mais la voile n’est pas venue. Puis j’ai passé la main des affaires, et j’ai voulu mettre à jour ma vie sentimentale. Le déclic fut l’annonce de la mort de Florane. Je me suis mise en chemin pour aller demander pardon sur sa tombe à Saint Benoit. En arrivant dans l’île de la réunion, j’ai appris que c’était une fausse nouvelle. Après de nombreuses pérégrinations, je suis là, espérant lui être utile à quelque chose.
-Je suis sûr que vous serez la clé de sa guérison.
-Dieu vous entende, mais j’ai très peur.
-Je n’en crois rien, vous êtes une battante, je le sens comme ça.
-J’ai soixante ans, et ça on ne peut rien y faire !
-Soixante ? Je n’y crois pas un seul instant !
-Vous êtes un vil flatteur. Mais avec moi ça ne marche pas.»
Pendant cette discussion ininterrompue, le cheval tirait la charrette courageusement, et efficacement. Au détour d’un lacet du chemin, Le Docteur Lecloarec fit un geste vers l’avant.
-Nous sommes arrivés au plateau. Nous allons nous arrêter chez le docteur Petitjean, il saura nous renseigner. Et si vous le voulez bien, nous ferons un arrêt casse croûte.
-Je vous suis Monsieur.
-Victor, ne vous l’ai-je dit ?
-Non, Victor, ce nom vous va très bien.
-C’est vous qui me flattez maintenant. »
L’attelage s’arrêta devant un joli chalet, avec un nom gravé au fer rouge sur une planche de sapin : L’Hermitage. Le docteur Petitjean ouvrit lui-même la porte. C’était un homme grand et maigre, avec des cheveux grisonnants et une moustache impressionnante.
« Ha voilà mon confrère ! Quelle bonne surprise ! Tu as de la chance j’allais partir.
-Je ne te retiendrai pas longtemps, juste quelques renseignements.
-Entrez, mettez vous à l’aise, je vous sers un apéritif ?
-Avec plaisir, la route a été agréable en compagnie de Sarah, mais un apéro n’est pas de refus !
-Quel bon vent vous amène ?
-Voilà. Sarah est à la recherche d’une femme, son amie, qui serait venue ici prendre quelques soins, et surtout respirer l’air pur des montagnes.
-Oui, c’est à la mode, beaucoup de gens viennent ici, et dans l’ensemble ils se sentent mieux. Savez vous où elle se trouve ?
-Pas du tout, c’est ce que nous aimerions savoir.
-Comment s’appelle-t-elle ?
-Florane d’Auteuil.
-Oui, je vois qui c’est. Je l’ai examinée à son arrivée, et encore tout récemment. C’est une personne assez déroutante, qui ne dit rien de son passé, mais je n’ai pas réussi à cerner ce dont elle souffrait. Je suis absolument catégorique, elle n’est pas atteinte de phtisie, son état est stationnaire, Elle a une volonté farouche de s’en sortir, je crois que c’est cela qui la tient en vie.
-Et vous savez où elle se trouve ?
-Oui, à deux heures de cheval d’ici. Elle est arrivée dans le chalet des Follatières, sur le plateau au dessus d’ici. Elle voulait avoir de la place. Le chalet n’avait plus de pensionnaires. Alors elle a acheté le chalet, les gens avec, elle a commencé quelques travaux. Elle a l’air d’avoir de gros moyens. Et elle sait ce qu’elle veut !
-Pouvez-vous répéter comment s’appelle le chalet ?
-Comment il s’appelait ? Les Follatières ! Mais elle l’a rebaptisé. Il s’appelle maintenant « Le chalet Bocharas ! Avec un « S » Personne ne sait pourquoi, ni ce que cela signifie. »
Sarah pouffa de rire, à l’étonnement des deux médecins.
« Il fallait lui demander, je vais vous le dire ce que signifie Bocharas.
-Alors ?
-C’est l’anagramme de mon nom ! Je m’appelle Sarah Cobb ! Elle m’a fait une apocope qu’elle devra me payer ! » Sarah était joyeuse de toucher enfin au but de ses recherches. Les deux hommes se regardèrent, sans comprendre vraiment.
« On se mange un Diot et on y va ! »
Le docteur Petitjean se laissa tenter par le Diot, et les accompagna dans l’auberge du village. Sarah se laissa tenter par le Diot sans savoir ce que c’était. En fait c’était une saucisse fumée aux pommes de terre écrasées cuites dans le lard. Cela fut servi après une salade de champignons, des trompettes de la mort, des girolles et des cèpes. Sans oublier la Roussette bien entendu. Le Reblochon termina le repas. Pendant ce temps là, le cheval mangeait tranquillement son picotin d’avoine. Après les adieux avec promesses de revoyure, ils reprirent le chemin. Ils arrivèrent sur un plateau entouré de sapins, Sarah trouva le lieu magnifique. La chaîne du Mont Blanc, totalement enneigée, brillait de tous ses feux.
« Nous sommes à Plaine Joux. Un endroit absolument remarquable. Un peu plus bas, il ya un petit lac, Le Lac Vert, de toute beauté. Personne ne sait pourquoi il est vert.
-A-t-on vraiment besoin de le savoir ? Il suffit qu’il soit vert ?
-Vous avez raison Sarah. Votre logique va me manquer énormément !
-Vous reviendrez me voir peut être ? Je vous reverrai avec grand plaisir. C’est vrai que la route est longue, mais à votre âge, ce n’est pas un problème ! »
A la sortie de Plaine Joux, Victor fit un geste montrant une direction vers le nord. « C’est là haut, nous y serons dans une petite heure. On voit les toits des chalets. Vous les voyez ?
-Oui, je les vois. C’est le bout du monde !
-Le bout du monde est partout en montagne. Il faut apprendre à y vivre, quand on sait, on est presque au paradis. »
-J’admire votre sérénité Victor. Je suis contente de vous avoir comme ami. Parce que vous êtes mon ami n’est ce pas ?
-N’en doutez pas un seul instant. Nous allons arriver dans quelques minutes. Je vais vous laisser seule retrouver votre amie. Pendant ce temps, j’irais visiter un copain de chasse. C’est mon vice, j’adore la chasse aux chamois.
-Alors je vous hais !
-Je reviens dans deux heures, avant la nuit.
-Merci Victor, à tout à l’heure. »
Sarah descendit de la charrette. Elle avança un peu, et elle découvrit le chalet aux lignes basses, à peine visible dans le relief tourmenté, parsemé de rochers épars.


 


Elle s’arrêta, retenant son souffle. Elle se rendit compte qu’elle n’avait prévu aucun cadeau à offrir. Elle mesura qu’elle venait de boucler une période de trente ans, presque jour pour jour. Elle gravissait le sentier conduisant à l’entrée du chalet. Sur le côté du chemin, faite d’une coupe de bois en équilibre sur un rocher, une table d’orientation avec, gravée au fer rouge, une rose des vents bien particulière. Sur cette rose des vents étaient indiquées les directions et les distances de Paris, Saint Benoit, Adélaïde, Montréal et Buenos Aires. Cinq villes qui sont des lieux d’amours partagées. Cinq villes qui représentent des prénoms pleins de douceur et de souvenirs. Sarah contempla la rose des vents, et nota qu’il manquait Pondicherry. Un oubli ? De l’autre côté du chemin, une biquette noire semblait apprécier l’herbe rase. Elle continua jusqu’au perron du chalet. La porte était entrouverte. Sarah poussa la porte avec émotion. Elle traversa un sas empli d’objets hétéroclites, et ouvrant une deuxième porte, elle se trouva dans une très grande pièce avec une grande cheminée allumée, Et tout au fond, dans l'angle de la pièce, l'escalier conduisant à l'étage. L’odeur était celle du feu de bois, allongée d’autres senteurs florales indéfinies. La pièce était assez sombre malgré les deux grandes fenêtres face à la chaîne du Mont Blanc. Devant l’une des fenêtres une silhouette, de dos, Florane sans doute, qui ne s’était pas retournée. Sarah s’approcha, doucement, le cœur battant. Elle était maintenant à moins d’un mètre, et Florane n'avait pas bougé. Les cheveux blonds étaient coupés courts, comme un garçon. Sans apercevoir le visage, Sarah était sûre qu’elle était près de Florane. Elle passa ses bras autour de la taille, et se colla contre son dos. Florane pencha la tête en arrière, et s’appuya sur l’épaule de Sarah.
« Toi, enfin… » Murmura t elle.
« Je viens pour rallumer les étoiles !
-C’est bien. Mes astres me manquaient. C'est que depuis ce matin, depuis hier, depuis toujours, je t'attends» Sarah n’essaya pas de faire pivoter Florane, c’est elle qui, doucement fit le tour, pour lui faire face.  Les deux femmes étaient maintenant face à face. Sarah regarda Florane, et Florane regarda Sarah. Florane était très amaigrie, les yeux profondément cernés, Mais Sarah se sentit rassurée. C’était Florane, c’était sa Florane, c’était son amour. Elle ne put retenir un flot de larmes qui explosa littéralement, et enfouit son visage sur la frêle épaule de son amie.
« Tu es toujours aussi jolie Sarah, le temps n’a pas eu de prise sur toi, Il s’est acharné sur moi, peut être que c’était ma punition sans doute, ma pénitence. Tu es là, maintenant je peux mourir tranquille, l’attente est finie. Je peux prendre le chemin de Saint Benoit.
« Rien ne presse, Il faut que tu me fasses découvrir ton pays, que tu me donnes toutes les raisons de ne pas avoir vécu ces trente années ensemble, et sur la route de Saint Benoit, il y a beaucoup d’escales, Nous avons tout le temps. »
Sarah regarda Florane. C’est vrai que sa maigreur faisait peine à voir. Et comme elle était grande, l’effet était encore plus visible. Le visage, bien que profondément marqué, était bien reconnaissable. Il n’y avait plus trace de poitrine, plus de chute de reins, plus de fesses rebondies, les hanches aussi s’étaient effacées. Ses formes disparues, elle s’était habillée en homme. Un pantalon d’homme, une chemise d’homme, un gilet ouvert sur son torse plat. Sa coupe de cheveux, laissait toutefois libre cours à une mèche blonde qui adoucissait un peu le visage. Le col était fermé d’une Lavallière, et les manches flottantes de la chemise étaient serrées aux poignets. Dans l’ouverture du gilet, on voyait une paire de bretelles, la dernière signature masculine.
«A la montagne, les vêtements masculins sont mieux adaptés. Je me vois mal ici avec un corset et des froufrous. Mais toi, Sarah, ta beauté est intacte, peut être encore plus lumineuse que jadis. C’était à moi de faire le chemin, mais je n’en ai pas eu la force. J’ai croisé la camarde à plusieurs reprises, et la dernière fois, nous étions tellement proches, que j’ai senti son parfum. Je suis heureuse que tu sois venue. Tu vois, je vais déjà mieux.
-Je suis venue accompagnée de Victor Lecloarec.
-Le médecin de Saint Gervais ?
-Oui, c’est lui qui m’a conduite ici. Je voulais qu’il me dise ce que je pourrais faire pour te rendre la santé.
-J’ai entendu parler de lui, il a bonne réputation, mais j’ai déjà vu tellement de médecins….
-Oui, mais si tu acceptes…. Je ne sais pas pourquoi, j’ai confiance en lui.
-Il t’a fait la cour ?
-Avec distinction. C’est un vrai gentleman.
-De toute façon il passera la nuit ici, il ya de la place, et il repartira quand il voudra .
-Et moi je dors où ?
-Je préfèrerais partager ton lit Sarah ! »
Sarah éclata de rire. « Tu te souviens de ça ?
-Comment aurais je pu oublier le plus bel amour de ma vie ? Je suppose que tu vas me donner des nouvelles de toutes nos amies ?
-Excepté d’Amiya, que je n’ai pas revue. D’ailleurs j’ai remarqué que Pondicherry n’était pas sur ta rose des vents.
-C’est la rose des seins !! Je n’ai pas mis Pondicherry parce que sa direction se confond avec Adélaïde, et ça n’aurait pas fait joli !




-Pauvre Amiya, elle aurait dû rester avec moi, comme ça le dessin eût été parfait !
-Tes enfants vont bien ?
-Je le pense, je les ai quittés il y a trois mois maintenant. Arthur est le grand patron du groupe, Sophia n’est toujours pas mariée. Lucien est en prison, et les deux enfants d’Arthur sont magnifiques. Et moi je suis en retraite, j’ai fait en peu de temps la connaissance de toutes tes amies, et je comprends pourquoi tu es épuisée, et n’as plus suffisamment d’énergie.
-Apparemment mes amies sont devenues tes amies ! Tu as eu parfaitement raison Sarah, je me suis souvent demandé ce qu’était ta vie amoureuse loin de moi.
-C’était tellement vide qu’en cinq minutes je t’aurai tout dit.
-Lucien en prison, cela ne m’étonne qu’à moitié. Je te dirai les circonstances de notre rencontre.
-J’ai aussi beaucoup de choses à te dire, et des révélations aussi !
-Hum je crains le pire !
-C’est selon. »
On frappa à la porte. C’était Victor qui avait fini ses visites.
-Victor Lecloarec, Médecin de Saint Gervais.
-Sarah m’a prévenu de votre visite. Vous êtes mon invité bien entendu. Les ex propriétaires du chalet, Faustine et Alcide Cugnat, sont partis au ravitaillement, ils ne vont pas tarder à rentrer.
-Ils vivent avec toi ?
-Oui, ils sont devenus mes employés, et je n’ai qu’à me louer de leurs services. J’ai trouvé cette formule pour pouvoir rester seule ici. Et si je retrouvais un peu de force, j’ai des idées pour aménager le site. »
Victor croisa furtivement le regard de Sarah. Un sourire éclairait son visage. Sarah comprit que le premier examen était rassurant. Puis le couple Cugnat revint lui aussi. Florane fit les présentations. Ces gens avaient l’air fort sympathique. Sarah s’aperçut que Faustine cherchait à croiser son regard. Elle essaya de ne pas y répondre. Faustine était une robuste montagnarde à la poitrine débordante. Le visage était souriant, et pas désagréable. C’est peut être « le remède » pensa Sarah. Dès qu’ils furent rentrés, Faustine s’affaira à recevoir les visiteurs, tandis qu’Alcide défaisait la mule de tout son chargement. L’ambiance était chaleureuse, et Sarah enregistrait les moindres détails de l’attitude de Florane. Elle s’aperçut que Victor faisait de même. Elle s’approcha de lui discrètement.
«Alors Victor, votre première impression ?
-Plutôt bonne, j’espère ne rien trouver à l’examen. »
Sarah se rapprocha de Florane, qui semblait heureuse avec tous ces gens autour d’elle. Faustine prépara un apéritif « montagnard », Un alcool à base de gentiane, des rondelles de saucisson, des petits biscuits aux noisettes, des cerneaux de noix, et des myrtilles séchées. L’alcool était très amer, et Faustine proposa une liqueur pour « adoucir » Sarah ne quittait pas des yeux son amie retrouvée, qui était pour l’instant en grande discussion à voix basse avec Victor. Sarah remarqua qu’elle ne touchait ni à l’alcool, ni à la charcuterie. Juste un biscuit du bout des lèvres. Elle parlait avec le sourire, le courant passait avec le médecin. Puis d’un dernier sourire elle se leva et vint retrouver Sarah qui, comme à son habitude, détaillait avec soin toutes les personnes présentes. Faustine s’activait pour servir ses convives, et elle vint plusieurs fois repasser le plateau devant Sarah, histoire sans doute, de pouvoir offrir son décolleté. Décidément, des femmes à femmes il y en a partout ! Mais elle n’encouragea pas les avances de Faustine. Florane vint s’asseoir tout contre Sarah.
«Je pose la question qui fâche maintenant ou je la garde pour demain ?
-Que veux-tu dire ?
-Bon alors, je serai joyeuse ou triste dans cinq minutes.
-Je crains le pire.
-Es tu là en visite ou as-tu un peu de temps pour moi ?
-En vérité, je cherche une maison de retraite, de préférence en altitude ! Et celle-ci me plait bien, si je ne dérange pas, bien entendu !
-C’est vrai ? Tu restes ?
-Je reste ! Je suis venue pour rester près de toi. Si je ne prends la place de personne of course !
-Je suis la femme la plus heureuse au monde. Il parait que l’hiver ici est presque aussi beau qu’à Montréal ! Je suis sûr que ça sera surnaturel. Je t’emmènerai en haut du Mont Blanc !
-Seulement ? Avant tu m’emmenais au septième ciel ?
-Il faudra que je reprenne des forces !! Florane était heureuse, elle se leva du canapé et appela Faustine.
«Faustine, Sarah s’installe ici. Il faudra lui réserver tout l’appartement du haut en face du mien. Tu embaucheras le personnel qu’il faudra pour que tu n’aies pas de charges en plus. Tu appelleras l’architecte pour aménager le galetas pour loger ces gens, avant l’hiver. Alcide devra faire le nécessaire pour les réserves.
-Avec plaisir Madame.
-Je t’ai dit mille fois de m’appeler Florane !
-Même devant les gens ?
-Même ! » Mine de rien Victor écoutait depuis le début la conversation de Florane. Il souriait. Son diagnostic était quasiment fait. Il s’approcha des deux femmes.
« Si je ne vous dérange pas, j’aimerais examiner Florane avant le repas. Je veux faire ça très sérieusement, ça va me prendre une petite heure. Sinon, on le fera demain, mais demain il faut que je reprenne la route de bonne heure. Saint Gervais ne semble pas loin vu d’ici, mais je ne suis pas un "Chocard" !
-Je suis prête Victor, montons dans ma chambre.

 
Elle prit l’escalier, et Victor la suivit. Faustine s’approcha de Sarah pour lui parler à l’oreille.
« C’est le Seigneur qui vous a conduit ici. Quand Florane est arrivée, elle pouvait à peine marcher sans un soutien. J’ai déjà réussi un miracle. Avec vous elle va recommencer à vivre.
-Puisses-tu dire vrai Faustine, je te remercie pour tout ce que tu as fait pour elle. Je suis sûre que nous la ferons revivre.»
L’examen de Victor dura en fait plus d’une heure. Florane se prêta de bonne grâce à tous les tests et examens demandés. Il y avait bien longtemps qu’elle ne s’était déshabillée devant un homme.
« Je ne suis pas belle à voir, n’est ce pas ?
-Rassurez vous, j’ai vu pire, et vous allez vous remettre, j’en prends le pari !
-Que Dieu vous entende !
-Il n’y a pas de raison. Votre amie est une femme remarquable, vous avez bien de la chance qu’elle soit venue.
-On ne peut fréquenter Sarah sans avoir le coup de foudre. Je crois que vous êtes atteint Victor !
-C’est peut être vrai.
-Ressaisissez-vous Victor.  Le passé nous dit que Sarah fait le bonheur des femmes, mais pas celui des hommes.
-Je saurai rester à ma place, mais je suis séduit par votre couple, et si vous le permettez, j’aimerais revenir régulièrement vous visiter !
-J’appelle Sarah. »
Sarah grimpa l’escalier et entra dans la chambre de Florane. D’entrée elle fut saisie par le décor. Au mur des aquarelles, des portraits de femmes, représentant Sarah, et Paloma, pour la plupart, et reconnaissables au premier coup d’œil. Et des marines. Que des goélettes, aux voiles gonflées de vent. Les dessins au fusain représentant Sarah, la reproduisaient seins nus, la poitrine exagérément gonflée.




« Sarah, Victor se propose de continuer à s’occuper de ma santé, Il se propose de passer régulièrement.
-Et votre examen Victor qu’en est-il ?
-Je ne décèle aucune maladie, ni pulmonaire, ni cardiaque. Les facultés intellectuelles sont intactes, et très nettement au dessus de la moyenne. Je n’ai décelé aucune déformation osseuse. Je ne suis pas en mesure ici de faire des examens plus approfondis sur les reins, le foie, mais comme il n’y a pas de douleurs… En synthèse, je pense que le mal de Florane vient de son isolement, d’un vide qu’elle n’a pas pu combler, et sûrement d’un sentiment de culpabilisation. Son subconscient croit qu’elle a fait le mal, et elle souffre de ne pas pouvoir réparer. C’est une sorte d’anomalie du comportement. On appelle ça de la Dysphorie (ou tristesse pathologique). C'est un vécu douloureux dans le regard que le sujet porte sur lui-même. Sentiments de culpabilité, de dévalorisation. On rencontre cet état fréquemment chez les religieuses. Les Chartreuses sont nombreuses dans les montagnes parce que l’isolement y est naturel. Il y a beaucoup de ces pauvres femmes dans ces établissements qui périssent de ce mal, sans que personne ne vienne leur porter secours. Les médecins ne sont appelés que pour constater le décès, et encore pas toujours, quand il y a des traces de mauvais traitements. En conclusion, on peut imaginer que ce mal est la conséquence de votre séparation, et que votre organisme n’est pas parvenu à le surmonter. Sarah étant là, tout devrait rentrer dans l’ordre.
-C’est une bonne nouvelle, Victor, vous revenez quand vous voulez. J’e me félicite de vous avoir rencontré.
-Mais Victor, comment se fait il que les autres médecins n’aient pas fait ce diagnostic ?
-Parce que vous n’avez pas hésité à me parler un peu de votre histoire. Sans vous, Florane ne m’en aurait sûrement pas parlé. Il faut avouer aussi que beaucoup de médecins veulent ignorer l’homosexualité, et par conséquent les drames qui peuvent en découler. J’ai encore quelques mesures à prendre. Votre poids, vos mensurations, votre pouls, je dois noter tout cela.
-Faites Victor. Et après rejoignez moi en bas, il faut que je vous parle d’autre chose.»
Sarah redescendit satisfaite. Sans explication, elle alla droit vers Faustine et l’embrassa. Le repas fut « savoyard » et Sarah se dit qu’elle ne pourrait pas suivre ce régime longtemps. Par contre, pour Florane ça ne pouvait pas faire de mal. La nuit ne fut pas de celles qu’elles avaient connues. Mais jamais il n’y avait eu autant de tendresse. Florane redécouvrit avec une immense douceur le corps de Sarah. Cette poitrine opulente dont elle avait rêvée chaque nuit, et qu’elle retrouvait intacte. Le parfum de la peau seul avait changé. Florane reconnut le parfum inventé par Carmela et sourit. Avant de s’endormir, elle caressa doucement les hanches rondes et douces, embrassa tout le corps de son amie avec douceur et bonheur.


Elle repoussa doucement les caresses de Sarah :
« Plus tard, quand il y aura quelque chose à caresser. » Il n’y eut pas d’amour physique, Florane était quand même fatiguée, et elle s’endormit contre le sein de Sarah. Le matin, le soleil était là, et la journée allait être belle. Faustine apporta le petit déjeuner, et Sarah se leva pour contempler le panorama de la fenêtre. Elle ouvrit la fenêtre pour sentir ce parfum inimitable de l’altitude.
« A quelle altitude sommes-nous ?
-1650 mètres environ !
-Hé bien, nous ne sommes plus très loin du ciel ? » Florane regardait Sarah à peine recouverte du drap de lit. Elle pensa que même la montagne enneigée ne pouvait rivaliser de beauté.
« Il faut que l’on descende, Victor va nous attendre. » En effet, quand elles descendirent enfin, Victor était prêt à prendre le départ, le cheval était attelé, il discutait avec Alcide sur le chemin. Sarah marcha vers lui, et l’entraîna à l’écart.
« Vous ne m’avez pas dit le montant de vos honoraires.
-Justement Sarah, j’ai eu tellement de plaisir à faire votre connaissance, et à vous accompagner durant ces trois jours, que je suis suffisamment payé comme ça. Je vous demande simplement votre amitié.
-Vous l’avez déjà Victor. Pour vous c’est gratuit, soyons sérieux. Que diriez-vous de Quinze Mille francs ?
-Quinze Mille ? Vous n’y pensez pas ! Je ne les gagne pas en un an !
-On ne va pas chicaner, alors disons Vingt mille, plus cinq mille d’acompte pour votre prochaine visite. Je les ferai verser sur votre compte.
-Je ne vous donnerai pas le numéro.
-Je n’en ai pas besoin, faites moi confiance, je le trouverai.
-Je pense effectivement que rien ne vous résiste Sarah. Alors je vais me permettre un conseil. Si vous avez une grosse fortune, ce qu’il me semble, prenez des employés, des chevaux, et constituez une activité de transport de fruits et de légumes frais. Et s’il n’y a pas ce qu’il faut dans la vallée, faites les venir d’Amérique, d’Afrique ou d’Australie. Florane en a un urgent besoin. Vous pourrez étendre ce commerce à tout le massif !
-C’est une idée remarquable Victor. Je m’en occupe tout de suite. Et je vais vous demander un service de plus : Quand vous reviendrez la prochaine fois, faites vous accompagner de Mathilde. Sa compagnie vous sera agréable, mais n’essayez pas de lui faire la cour, elle vous tuerait !. Et dites lui que tout va bien, et que je pense à elle.
-Je n’en doute pas, je le ferai.
-Si elle ne veut pas venir, inutile de la violer, elle n’aime pas ça du tout ! » Victor éclata de rire. Florane arriva pour saluer Victor. Elle l’embrassa sur les deux joues, en murmurant,
-Merci de m’avoir rendu la vie. » Et Victor se tourna pour qu’elle ne voie pas la larme qui coulait sur sa joue. Sarah lui prit la main et s’approcha de lui. Elle s’approcha plus près, les yeux dans les yeux, sans lâcher sa main. Sarah s’approcha encore, jusqu'à ce que sa poitrine s’appuie sur la veste de Victor.
-Restez mon bon ami, Victor. Tout ce que je peux vous donner, vous l’aurez, mais je serais mortifiée d’avoir à vous refuser quelque chose.
-Je comprends Sarah, je vous comprends très bien, vous savez dire les choses avec élégance. Que Dieu vous garde. » Victor grimpa dans la carriole. Le cheval n’eût pas besoin d’ordre pour avancer. Tout le monde était dehors, regardant disparaître l’attelage derrière les sapins. La vie retrouva son calme aux Follatières, les gestes quotidiens reprirent. Mais sous la pression de Sarah, les choses commencèrent à changer. Faustine embaucha deux jeunes femmes pour le service de Sarah, dont une particulièrement jolie. Alcide embaucha deux hommes et acheta quatre chevaux pour une liaison quotidienne avec la vallée. L’architecte envoya une escouade d’ouvriers pour aménager les chambres du haut. Pendant qu’il était là, Sarah lui demanda de prévoir un captage de la source, pour installer l’eau courante dans le chalet. Elle commanda aussi qu’il installe le chauffage central avec une chaudière à bois dans le sous sol. Elle demanda à Alcide d’acheter le bâtiment le plus proche pour en faire une écurie. Il lui fallut aussi quatre chevaux de crêtes et une personne pour les soigner. Les époux Cugnat s’étonnaient de tous ces changements, et Florane s’amusait beaucoup à regarder Sarah prendre tout en mains. Elles prirent l’habitude de faire une promenade à pied tous les jours. Florane emmenait la biquette qui la suivait depuis son arrivée au chalet. Elle était toute noire. Elle l’appelait Kali !
« Pourquoi Kali ? » demanda Sarah.
-Cela vient de « Sarah-la-Kali », la Vierge Noire !
-Alors elle s’appelle Sarah ?
-Oui, parce qu’elle a de grosses mamelles ! »

Devant l’air surpris de Sarah, Florane partit d’un grand éclat de rire. Ce qui consola Sarah d’être l’homonyme d’une biquette. Sarah commença un journal où elle nota scrupuleusement tous les évènements de la vie de Florane. Elle commença à écrire un volumineux courrier à toutes celles qui aimaient Florane, pour leur donner des nouvelles. Elle écrivit aussi comme promis à Maître Nemours, Lui demandant d’envisager un voyage, pour recevoir de nouvelles instructions. Elle écrivit bien sûr à Sophia Matilda et à Arthur. Le courrier devint bientôt un élément indispensable du chalet. La poste ne pouvant l’assumer quotidiennement, Sarah fit porter le courrier par les ravitailleurs en fruits et légumes. Tous ces services, fonctionnaient, bien sûr, pour tous les habitants du hameau, qui firent sa connaissance avec respect et admiration. Sarah avait repris ses fonctions de chef, la main de fer dans un gant de velours. Elle organisa tout, comme une véritable entreprise. Il fallait que son premier programme soit fini avant l’hiver. Son « appartement » au chalet devint bientôt son « bureau ». L’autorité de Sarah ne fut jamais contestée par quiconque. Elle avait toujours le sourire, toujours le mot juste. Des habitants venaient lui demander conseil, elle fit des avances d’argent aux plus nécessiteux. Elle veillait à ce que tout le monde eût de quoi se chauffer l’hiver, et de quoi manger. Etant devenue « la ravitailleuse » du hameau, il lui fut facile de rationner les consommations d’alcool, afin que tous les hommes soient en mesure de travailler. Elle réfléchit beaucoup à l’importation de fruits et de légumes pour l’hiver. Il fallait que Florane ait sa ration de vitamines, de protéines, il lui fallait des légumes, de la viande rouge, du vin et des laitages. Elle invita le responsable de la laiterie de Sallanches à venir s’occuper de la laiterie locale. Au milieu de toute cette activité, le lien qui liait les deux femmes se reconstitua en douceur. Personne n’osa jamais critiquer cette liaison. Elles ne s’éloignaient jamais l’une de l’autre, et trouvaient toujours l’occasion de se sourire, de se prendre la main, de se murmurer les mots qui aident à vivre. Sarah avait retrouvé son rythme d’activité optimal, celui qui lui avait permis d’assumer ses fonctions de direction d’un groupe international. Elle réussit à fédérer les habitants du hameau pour s’organiser, et faire ainsi des économies d’efforts et de temps perdu. Elle créa un groupe de bûcherons qui devaient faire le bois pour tout le village. Elle regroupa les éleveurs de bêtes vaches et chèvres, pour ne faire qu’une seule étable où tout le monde pourrait travailler. Elle créa une école malgré le petit nombre d’enfants. Sarah ne connaissait rien aux tâches montagnardes, mais elle connaissait à la perfection l’organisation et l’efficacité qui en découlait. Florane retrouvait peu à peu le goût de vivre, et aussi quelque énergie. Sarah l’encouragea à monter à cheval pour une courte balade autour du chalet. Elle eût un peu le vertige du haut de sa monture, mais bientôt l’équilibre lui revint, et les balades à cheval devinrent quotidiennes. Les gens du pays virent avec joie, leurs enfants profiter de ce nouveau jeu, et apprendre à monter à cheval. Trois mois plus tard, le hameau était transformé. La vie s’était structurée, organisée. Les gens les plus aptes avaient pris des responsabilités. Faustine et Alcide en premier. Ils étaient devenus les adjoints de « la patronne ». Un local fut préparé pour servir de salle de réunion. Sarah prit le parti de réunir les habitants une fois par semaine. Il y avait environ trente chalets au hameau, seulement cinq refusaient de participer, ce qui n’amoindrit pas du tout la volonté de Sarah. Toutes ses suggestions étaient étudiées, elle savait qu’il faudrait du temps pour que tout se mette en place et fonctionne correctement. Florane, de son côté, s’intéressait à tout. Elle avait une forte envie de participer. Sa passion fut d’embellir les chalets, par une floraison abondante et quelques couches de peinture. Sarah mesurait chaque jour ses progrès. Le soir venu, dans leur intimité, les confidences, les souvenirs, les aventures, tout se mêlait avec simplicité. L’intimité se recréait petit à petit. Sarah ne voulait rien brusquer, elle restait attentive à toutes les réactions de son amie. Elle ne s’impatientait pas, elle était décidée à poursuivre son action jusqu’au rétablissement complet de Florane. Les travaux dans le chalet étaient quasiment terminés. L’architecte qui supervisait la qualité des travaux avait tenu les délais, et ses promesses. Sarah lui confia qu’elle était satisfaite, et qu’elle aurait d’autres travaux importants à lui demander. Faustine n’en revenait pas. L’eau dans la cuisine, une salle de bain, avec une baignoire et de l’eau chaude, des radiateurs, jamais elle n’avait imaginé vivre ce changement de sitôt. La première neige tomba le dernier jour de Septembre. Le paysage prit une autre dimension. L’hiver ne faisait pas peur aux deux femmes. Ayant vécu au Québec, elles avaient appris. Pourtant, Sarah réalisa qu’elle n’avait pas foulé la neige depuis des années. Elle avait connu les chutes de neige à Adélaïde, mais ça remontait loin. Le village était presque prêt pour affronter l’hiver de la façon dont Sarah l’avait prévu. Il ne manquait que les chiens et le traîneau pour continuer la navette quotidienne avec la vallée. C’est sous la neige que Victor arriva, dans sa carriole qu’il avait équipée d’une capote de cuir. Une silhouette accompagnait Victor, emmitouflée dans une épaisse fourrure. Quand elle descendit de la charrette, elle sauta au cou de Sarah, puis de Florane qu’elle embrassa, sans même avoir pris le temps de faire connaissance. Elle regarda Florane dans les yeux :
« Je vous connais bien, Victor m’a beaucoup parlé de vous !
-Et de Sarah sûrement ! Victor est amoureux.
-Oui, je le sais, il ne sait pas dissimuler. Victor est un ange. Mais moi, les hommes, même les anges, je ne les tolère que pour conduire la charrette ! »
 La spontanéité et la gaieté de Mathilde firent beaucoup d’effet sur Florane. Elle fut conquise comme Sarah l’avait été. Prenant la main de Florane, elle lui demanda de visiter le chalet, Et elles partirent toutes les deux. Victor avait dû inventer le scénario. Il s’approcha de Sarah :
« Alors ? Comment va-t-elle ?
-Je crois qu’elle va bien, qu’elle est en bonne voie de guérison.
-C’est ce qu’il me semble à première vue, en tout cas, elle a meilleure mine. J’avais hâte de vous revoir Sarah, je n’ai pensé qu’à vous !
-Mais je ne suis pas la malade !
-Je le sais, pourtant je m‘étais juré de ne rien vous dire.
-Ne regrettez rien, les compliments font toujours plaisir. Venez, Victor je vais tout vous raconter, vous serez étonné. »
Victor en premier lieu, examina longuement Florane, comme il l’avait fait la première fois. A la fin de l’examen il appela Sarah.
«Félicitation Sarah, vous avez fait merveille. Florane a repris 7 kg, 4cm de tour de poitrine, 4 cm de tour de hanche. 2cm de tour de cuisse, et 1 cm de tour de bras. La taille n’a bougé que de 1cm, ce qui signifie que Florane retrouvera sa féminité très bientôt. Elle a repris des couleurs, et le regard est beaucoup plus vivant. Malgré cela, je crois que l’anémie de Florane a supprimé les effets de la ménopause, je pense que des manifestations peuvent revenir, il ne faudra pas s’inquiéter. Ne changez rien à votre mode de vie, sauf qu’il faudra faire des exercices physiques constamment, de la musculation pour être clair. L’invitation de Mathilde n’était pas innocente. Mathilde était plus jeune, elle était rieuse, très différente physiquement de Sarah, et toujours disponible pour une nouvelle aventure. Sarah avait dans l’idée que Mathilde saurait déclencher quelques réflexes chez Florane. Cela se passa exactement comme elle l’avait prévu, et Florane pour la première fois fit « vraiment » l’amour avec Sarah. Sarah sourit, et pensa à Mathilde qui dormait seule.
« Il n’y a vraiment pas de justice pensa t’elle. » Sarah était toute fière d’expliquer à Victor ce qu’elle avait entrepris depuis sa dernière visite. Victor allait d’étonnement en étonnement. Quand il sut que Sarah avait réussi à fédérer le village dans le but de mieux vivre, les uns avec les autres, il se demanda si ce n’était pas une farce. Quand il prit une douche chaude dans la salle de bain du chalet, il se crut au paradis. Sarah lui montra ses notes, ses graphiques, ses projets, ses plannings. Elle lui parla de ses projets :
« Il nous faut cinq ménages de plus pour avoir une école à plein temps. Il me faut trouver des chiens et un traineau et une personne pour s’en occuper. Sinon je ferai venir un Canadien, où même un Norvégien ! » Sarah disait cela sans rire, Victor était de plus en plus médusé.
« Vous avez confiance en moi Victor ? Evidemment, comment n’aurais je pas confiance en vous ?
-Alors, je vais tout vous expliquer : J’ai pris énormément de notes sur l’évolution du rétablissement de Florane. Et il m’est venu à l’esprit, que pour des raisons toujours différentes d’autres femmes étaient dans les mêmes difficultés que Florane, et avaient donc besoin des mêmes soins. Je ne suis pas médecin. Pour tout vous avouer, je suis la présidente de l’un des tous premiers groupes financiers de la planète, et en tout cas le tout premier d’Australie, d’où je viens. C’est moi qui ai monté ce groupe, avec des moyens que l’on m’a confiés. Je dispose d’une fortune colossale que je partage avec Florane, mon mari, et mes enfants. Vous me suivez Victor ?
-Heu ….. Oui !
-Ne vous inquiétez pas je ne suis pas folle, je vous prouverai tout ce que je dis. D’ailleurs il vous suffira de demander à Florane qui a su, de son côté, amasser une fortune assez impressionnante. Un jour peut être on vous racontera tout ça. Mais revenons à mon sujet. J’ai pensé que je pourrais, là où dans les environs, construire un grand chalet, qui serait en réalité une clinique pour les femmes en difficulté. Il s’agirait d’un établissement officiel dont vous prendriez la direction, et dans lequel vous seriez notre associé. » Victor ouvrait de grands yeux, il n’était pas sûr d’avoir bien entendu.
« Mais….
-Je confirme que vous n’auriez pas un centime à avancer. Florane et moi financerions la totalité du projet, auquel Alcide, Faustine, Mathilde, et vous, seriez associés.
-Mais c’est de la folie !
-Non, c’est réalisable et dès le printemps prochain. Nous avons tout l’hiver pour étudier le projet.
-Et qu’en disent les autres ?
-Je ne leur ai encore rien dit, sauf pour Florane, évidemment, qui trouve que le projet vaut la peine d’être monté. Je vous précise que Florane, a le monopôle de la canne à sucre et du géranium dans l’île de la réunion. Elle y est parvenue sans l’aide de personne. C’est une diplomate de haut niveau, élevée au rang d’Ambassadeur. Ce n’est pas une débutante. Ce projet achèvera de la remettre sur pied.
-Il faut que je réfléchisse, tout cela est tellement énorme et tellement inattendu ! Pourquoi moi ? Et pourquoi faites-vous tout ça ?
-Ce n’est pas de la philanthropie, ce n’est pas pour en mettre plein la vue à qui que ce soit, c’est pour mettre tout en œuvre pour la guérison de Florane, en reconstituant autour d’elle, des conditions de vie quasi normales. Je vais essayer de créer une structure sociale aussi proche que possible de la réalité, en respectant toutefois l’identité du lieu. J’ai le projet de construire un hôtel, pour recevoir nos visiteurs, et aussi une chapelle, pour remercier la vierge, si grâce à elle, Florane retrouve la santé. Et puis je vous prends comme associé, ce sera ma façon de vous aimer !
-Je me sens complètement dépassé.
-Remettez vous. Ce n’est qu’un début. » Et Sarah partit dans un grand éclat de rire, dont elle usait avec beaucoup de séduction.


tn PlaineJoux

Dehors, la neige tombait à gros flocons. La cheminée était allumée, pour le décor, car les radiateurs dispensaient une chaleur douce et confortable dans toutes les pièces. Faustine se tenait sur le premier palier de l’escalier, et elle regardait ce groupe de personnes rassemblées autour de la cheminée, et qui échangeaient joyeusement toutes sortes de propos. C’était un sentiment de bonheur qui la traversait. Elle en avait les larmes aux yeux. Tout à coup, elle fut saisie d’effroi. Elle aperçut dans le coin le plus sombre de la pièce, la silhouette de Florane blottie entre les bras de Mathilde. Elle chercha Sarah des yeux, et vit qu’elle regardait dans la même direction, sans en paraître chagrine. Sarah se sentant observée se leva et vint rejoindre Faustine.
«N’ayez aucune crainte Faustine, il n’y a pas une once de jalousie entre nous, il n’y en a jamais eu. Mathilde est absolument craquante, et Si Florane ressent quelque désir pour elle c’est qu’elle est en bonne santé ! Je pense que Mathilde a beaucoup de sensibilité, et qu’elle sent instinctivement ces choses là. Je l’aime beaucoup.
-Et moi ? Vous m’aimerez un jour ? Savez vous que j’ai les mêmes penchants que vous ?
-Bien sûr que je le sais. Toutes les femmes sentent ces choses là. Mais pas les hommes. Je ne veux prendre aucun risque en ce qui vous concerne. Mais il me semble que la dernière fille que vous avez engagée, Janette, ne vous est pas indifférente.
-Vous avez vu ça aussi ?
-Bien sûr, mais ne vous affolez pas Faustine, je vous aime aussi. Mais si Alcide n'est pas au courant, prenez garde. » Il y avait beaucoup de neige quand Victor et Mathilde prirent le chemin du retour. Et pour Florane ce fut une séparation difficile. Elle sut contenir sa tristesse, mais les yeux rougis de larmes ne pouvaient tromper personne. Sarah aussi avait le cœur serré, En plus elle était inquiète de les voir repartir par ce temps là. Victor s’était réfugié dans un mutisme plus éloquent que toutes les déclarations qu’il avait envie de faire.
L’hiver se passait dans les meilleures conditions. Il y avait beaucoup de neige, beaucoup de Soleil aussi, et les promenades en raquettes apportaient la dose d’exercices quotidiens nécessaires à leur bonne santé. Les chiens étaient arrivés avec un musher du Jura. Ainsi, le ravitaillement ne fut jamais interrompu. Florane avait surmonté sa tristesse de voir partir Mathilde. Au cours de sa vie, elle avait souvent été obligée de faire des adieux, mais ne s’y était jamais habituée.
Avec le froid, l’activité était un peu ralentie, Ce qui permit à Sarah de fignoler ses projets. Florane reprenait chaque jour un peu plus d’énergie. Elle se sentait revivre, et sa joie de vivre revenait en cascades de rires, de baisers, de caresses. Elles passaient des nuits d’amour avec Sarah comme si les années et la maladie n’avaient pas laissé de marques. Une nuit, elle réveilla Sarah, et lui murmura :
«Quand Mathilde reviendra, On la prendra avec nous ?
-Si tu te sens la santé de satisfaire deux femmes assoiffées de sexe, pourquoi pas ?
-Mais tu m’aideras, on fera comme avec Amiya !
-On fera tout ce que tu as envie. L’amour est universel, et il n’appartient à personne.
-Je crois que tu es la femme la plus adorable au monde.
-Parce que j’ai des grosses mamelles ? Tu sais, celles de Carmela étaient encore plus grosses.
-Oui, je le  sais... Ma belle Carmela, que j’ai vue grandir, j’étais triste à la pensée de mourir sans la revoir.
-Nous la reverrons au printemps, ainsi que Paloma, Mina, et je te présenterai Elmyre et Nicolette. » Sarah n’avoua pas à Florane qu’elle avait chargé Mathilde de contacter toutes leurs amies, en vue de fêter le retour de Florane parmi les vivantes. Sarah travaillait d’arrache pied pour terminer son projet pour l’année suivante. Elle voulait construire l’hôtel, et cinq chalets pour accueillir des nouveaux habitants. Tout cela dès le printemps. Pour la clinique, elle savait que les autorisations mettraient beaucoup de temps. Elle dût faire quelques voyages à Bonneville, et même à Annecy, pour obtenir les terrains nécessaires. Elle fit intervenir Mina pour que le ministère donne un coup de pouce, ce qu’il fit de bonne grâce. Faustine confia à Sarah que durant ces déplacements, Florane semblait retomber dans sa torpeur, elle se mettait à la fenêtre et attendait, comme un chien fidèle. Sarah en fut contrariée. Elle décida que la prochaine fois, elle la prendrait avec elle. L’architecte était prêt. Pour gagner du temps, il s’était contenté de reprendre des études déjà acceptées. Et les permis de construire arrivèrent très vite. Victor annonça sa visite pour fin décembre, Mathilde viendrait également.
La neige était abondante, les deux traineaux furent mobilisés pour aller les chercher à Passy. Quand Victor  regarda Florane, belle et souriante, descendre l’escalier, il ne put retenir ses larmes de joie. Sarah était derrière lui, elle essuyait ses larmes aussi. Mathilde était surprise, elle ne s’attendait pas à un changement aussi radical. En six mois de temps, le miracle s’était accompli. Florane était en jupe longue très serrée à la taille, bien calée sur des hanches joliment marquées. Elle avait de petites bottines de fourrure, et un corsage ouvert qui laissait voir une poitrine modeste, il est vrai, mais des plus attirante. Ses cheveux avaient repoussé, et elle avait pu reconstituer ce catogan de velours bleu, qui lui allait si bien. Elle s’était refait un maquillage de circonstance, beaucoup de bleu aux yeux, un rouge à lèvres discret, Elle était magnifique de féminité. Mathilde ne pouvait détacher les yeux de ce décolleté qu' elle aurait rêvé avoir pour elle. Florane la tira par la main et lui murmura à l’oreille :
« Tu dors avec moi ce soir !» ce qui éclaira le visage de Mathilde d’un bonheur rayonnant. Sarah n’avait rien perdu de la scène, elle s’approcha de Mathilde et lui murmura à l’oreille :
« Tu dors avec moi ce soir !»
Et Mathilde devint toute pâle.
« Ça n’a pas l’air de t’enchanter dis donc !
-Florane m’a….dit… que
-Elle t’a dit que tu dormirais avec elle ?
-oui !
-Et comme je serai là aussi…..
-C’est vrai, on va faire ça ?
-On va essayer ma poule ! » Suivi du rire de Sarah !!!
L’hiver dura encore trois bon mois. Bien que rude et fort enneigé, il ne fut un problème pour personne dans la communauté. Il y eût du bois dans toutes les cheminées, du lait et des fromages sur toutes les tables, du pain, du saindoux, de la viande fraîche et des légumes frais tous les jours. Vers le mois de mars, arriva la première caisse de fruits de l’étranger. Carmela avait bien fait les choses. Elle avait suivi à la lettre les demandes de Sarah. Dans la caisse il y avait des ananas, des bananes, des mangues, des pains de sucre de cannes, et des bouteilles de rhum, qui elles, étaient le cadeau de Carmela. Il y avait également des flacons de parfum, issus des productions de Florane. L’étonnement des habitants fut à son comble en voyant ces merveilles dans leurs assiettes, le Dimanche de Pâques. La banane flambée au rhum de La Réunion, fut l’évènement de l’année. Dès le printemps, personne ne parla plus des problèmes de santé de Florane. Victor l’avait déclarée complètement guérie. Elle avait retrouvé la silhouette qui, toute sa vie, avait fait son charme. Elle avait retrouvé toutes les sensations de l’amour que lui prodiguait Sarah. Elle prenait part totalement aux projets de Sarah. Puis vint un jour au cours d’une promenade ensoleillée, la question essentielle :
«Si je suis complètement rétablie ? Tu m’emmènes où ? Je suppose que tu as tout prévu ?
-Non,je n’ai rien prévu. Je t’emmènerai là où tu veux aller.
-Et tu resteras toujours avec moi ?
-Si tu restes toujours avec moi ! »
C’était la réponse dure. Cela voulait dire qu’il ne fallait pas d’homme entre elles, ce qui les avait éloignées durant trente ans.
-Merci de remettre les choses à leur place. Tu ne crois pas que j’ai suffisamment expié ma faute ?
-Si, je le crois sincèrement, et moi aussi. Et pour tout te dire, je peux maintenant divorcer d’avec le commandant.
-Qui te le demande ?
-Notre liberté, notre amour, et le désir de clore un douloureux chapitre.
-Alors pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ?
-Pour répondre à cette question, je dois te faire des révélations, de celles qui ont tracé notre destin.
-Que veux-tu dire ?
-Je veux dire que je ne sais par où commencer. Et je ne sais l’effet que ça produira sur toi.
-Tu me fais peur !
-Rassure toi, il n’y a plus de danger, nous n’avons plus rien à craindre. »
Elles arrivaient sur les rives du Lac vert.



Elles y étaient venues à pieds, sac au dos, avec leur bâton et Kali.
« Asseyons-nous là. Ce lac est magnifique, il doit être habité par les fées, il est propice aux confidences. Voilà : Lorsque tu m’as rencontrée, je n’étais pas la femme apparemment oisive que tu as aimée. Je sortais de l’école « WWP » C’est un nom inventé pour nommer quelque chose qui n’existe pas !!! La plus importante école militaire des Etats Unis, est West Point. Cette école forme tous les officiers de l’armée, excepté les officiers de la marine, qui eux, sortent de « la Navale ». C’est une école pour les hommes. Il n’y a pas de femmes officiers dans l’armée des Etats Unis. Dans l’armée non, mais dans le renseignement si. Personne ne le sait. Tout le monde te dira que ça n’existe pas. Pourtant, Le Women West Point, forme chaque année une vingtaine de femmes au métier du renseignement. Fille de militaire, j’ai pu suivre cet enseignement qui est d’un très haut niveau, égal aux meilleures grandes écoles américaines. C’est au cours d’une mission en France que j’ai rencontré Benjamin. Il faisait partie des forces spéciales de la marine. J’avais le grade de Colonel, ce qui signifie que même à l’époque, j’étais plus gradée que Benjamin. Depuis, bien sûr, j’ai suivi la carrière pour arriver maintenant au grade de Major. A l’époque, on m’a chargé d’une mission, sur laquelle j’ai beaucoup travaillé. Les Américains s’inquiétaient beaucoup de la mainmise des Anglais en Australie. Il fallait noyauter ce développement, et pour ce faire, il fallait avoir sur place de gros moyens financiers. J’ai imaginé de toute pièce le voyage de La Mary Céleste. Il y eut bien un transport de fonds vers la France, La Mary Céleste, ne faisait pas partie de ce transfert. Tout avait été prévu, sauf trois évènements qui ont bouleversé le plan établi. Le premier est que je suis tombée amoureuse d’une femme, à tel point que la mission aurait pu être annulée. Le second fut l’assassinat de Benjamin, le troisième fut l’attitude irresponsable de Lusciano. Lusciano en tant que second de Benjamin aurait été parfait. Livré à lui-même, il était devenu un risque permanent. La jolie femme que j’avais emmenée, s’est révélée très vite comme une alliée précieuse, par ses facultés intellectuelles et physiques. Mon amour pour cette femme m’empêcha de la mettre dans la confidence, pour qu’elle soit préservée en cas de problème. La grosse difficulté c’était de rester la plus discrète possible, pour n’éveiller aucuns soupçons. J’ai eu l’idée stupide de laisser Lusciano jouer les jolis cœurs. Je n’avais pas prévu que ma compagne tomberait amoureuse de Lusciano. Cela n’avait aucune importance pour la suite du voyage, mais cela me torturait de jalousie, et Lusciano échappait à mon contrôle. Il y eut cette bagarre avec le matelot, où tu as été extraordinaire. J’ai vu toute la scène depuis la porte du carré. J’étais armée, et si tu avais été en danger je serais intervenue. Le sort du marin devait être réglé. Ce n’était pas souhaitable qu’il y ait une rivalité à bord du Navire. Dans la nuit, j’ai exécuté le marin. Les Argentins, m’ont débarrassé du gardien. Ils ont assisté à la scène, Paloma était là. Je lui ai fait jurer de ne rien te dire. Pour reprendre la main sur le commandant, j’ai eu la mauvaise idée de le séduire. Si vous n’aviez pas été en conflit, je n’aurais sûrement pas réussi. J’ai compris pourquoi tu l’avais aimé. Il était idiot, mais c’était un très bon amant. J’ai compris qu’une femme qui n’avait jamais connu d’homme, pouvait s’éprendre d’un tel amant. J’ai été mortifiée de ton chagrin, et de ton départ. Paloma a été courageuse de débarquer avec toi. Je pense qu’elle t’a protégée, et aimée durant toutes ces années. Je ne pouvais abandonner ma mission. J’ai continué la route vers Adélaïde. Je n’ai jamais eu d’autres rapports avec Lusciano. S’il avait osé s’en plaindre, je l’aurais supprimé. Pour rester vivant, il devait se taire. C’est un miracle qu’il l’ait compris. Je n’ai eu aucune difficulté à créer un empire financier et à faire de gros bénéfices dans ce pays où tout était possible. J’ai pu financer un réseau de renseignement qui n’existe plus, mais qui fonctionnait à la perfection. Il était situé à Sydney, à Cockatoo Island, sous le couvert d’un chantier naval. Dernier évènement, un enquêteur Américain a réussi à mettre le nez dans notre montage. Il n’a pas tout compris, mais ce qu’il avait réussi à savoir, pouvait être dangereux pour la suite. Nous avons imaginé un simulacre de passation de pouvoirs, pensant que s’il était bénéficiaire de l’opération, il se tiendrait tranquille. Il voulait épouser Sophia, tout devait donc rentrer dans l’ordre.. Mais j’ai reçu un message du commandement Américain qui avait des doutes sur l’honnêteté de ce garçon. Il avait, parait-il des dettes importantes, et il était recherché et par la police, et par ses créanciers. J’ai chargé Arthur de le surveiller, il s’en est aperçu, et a pris la fuite. J’ai eu la chance de pouvoir le retrouver et le faire arrêter avec l’aide de Paloma, et d’une jeune femme, Nicolette, rencontrée sur le navire qui nous a amené en France. Précision inutile, Lucien était homosexuel. Entre parenthèses, Arthur a récupéré ta goélette, et l’a mise en sûreté. Arthur a pris les commandes du groupe. Suite à cet évènement, les Américains ont officialisé la thèse selon laquelle ils m’avaient confié des fonds importants pour le développement de l’industrie en Australie. Toutes les personnes qui pourraient aujourd’hui contester cette thèse seraient poursuivies par la justice. Seule l’annonce de la mort de mon amour de jeunesse ne m’avait pas été confirmée. Plutôt que d’initier une enquête, j’ai préféré me déplacer pour aller me recueillir sur sa tombe. Pourquoi Lucien avait il inventé ce terrible mensonge ? Je ne le sais pas. Aujourd’hui, Lusciano ne m’est plus d’aucune utilité, et ne représente plus aucun danger. Je vais divorcer, je lui laisserai ses moutons, et ses kangourous. Voilà toute l’histoire, la véritable histoire. Je ne sais si tu préfèreras celle là à l’autre. Je ne pouvais pas construire notre avenir sur une légende. En ce qui me concerne, je suis venue pour tenter de te redonner le goût de vivre. Aujourd’hui, tu as retrouvé toutes tes forces. Tu décideras de la suite. »
Florane restait silencieuse, et caressait Kali. La biquette était à ses pieds, fermait les yeux, il lui semblait qu’elle était au paradis des biquettes. Florane avait les yeux embués de larmes, et ne disait rien. Et puis soudain, elle se leva.
« Rentrons, j’ai froid, et il pleut dans mes yeux »
Au cours du chemin, quand elles eurent monté la grimpette et repris leur souffle, Florane expliqua :
«Lucien était à mon chevet, alors que j’étais à l’article de la mort. Le prêtre m’avait donné les derniers sacrements. Je me suis assoupie. Lucien est parti, sûr que j’allais mourir dans les heures qui suivaient. Il voulait profiter de la marée pour appareiller. C’est vrai que je lui ai dit trop de choses, mais il fallait que je vide mon esprit. A mon réveil, une femme de couleur se trouvait là. Je ne l’avais jamais vue. Elle m’a dit être une amie d’Alvina, la maman de Carmela. Elle m’a tendu un flacon en me disant que le Vaudou ne voulait pas que je meure !
« Bois un peu de ce rhum, il l’a « arrangé » pout toi. »
J’ai bu le rhum et j’ai perdu connaissance. Je me suis réveillée trois jours plus tard, et j’ai pu me lever. J’ai voulu revoir la femme noire. Alvina m’a raconté que cette femme avait pris ma mort pour elle. Et qu’elle était décédée quelques instants après. »
Florane resta silencieuse un bon moment. Elle était un peu essoufflée, et voulut s’asseoir sur un rocher de l’espace herbeux de Plaine Joux.
« Pour l’autre histoire, ça ne me fait rien, c’est du passé. J’ai senti à plusieurs reprises que tu me cachais des choses, mais j’ai pensé que cela concernait le souvenir de Benjamin. Je ne sais qu’en penser, c’est trop tôt, on verra. Je n’ai jamais ressenti la moindre amertume à ton égard, j’ai toujours su que tu n’avais peut être pas pu faire autrement. Et puis, je savais que j’étais enceinte, je me suis affolée, sans Paloma je serais morte. En tout cas, ça ne change rien au fait que je t’aime à la folie, et que si tu voulais me laisser, je mourrais dans l’instant. Si tu ne sais pas où m’emmener, restons ici. C’est ici que j’ai retrouvé la vie et que je t’ai retrouvée. Ici, il ne peut plus rien nous arriver. J’ai parcouru le monde, j’ai aimé des femmes de toutes les couleurs, de toutes les saveurs, toutes plus belles les unes que les autres, mais le seul pays où j’ai envie de vivre, c’est celui où tu te trouves. » Kali s’était mis à lécher les mains de Florane.
« Elle me dit qu’il va pleuvoir, il faut rentrer. »
Sarah ouvrit de grands yeux, regarda la biquette, regarda Florane qui la caressait en la regardant dans les yeux, et se leva. Elles reprirent le chemin, sous les premières gouttes.
La vie continua sur le plateau. Les habitants semblaient satisfaits des changements initiés par Sarah. .Au cours de l’été, les travaux de construction de l’hôtel avaient commencé. L’hôtel serait opérationnel l’été prochain. Le projet de la clinique prenait tournure, Victor y travaillait beaucoup. Sans s’y attendre, Sarah et Florane eurent la visite de Sophia Matilda. Ce fut pour Sarah une surprise énorme, Elle était arrivée sans prévenir, invitée par Mathilde qui était très heureuse d’avoir pu lui offrir ce bonheur. Sophia Matilda, ressemblait à sa mère comme deux gouttes d’eau. Florane eut du mal à retrouver dans cette superbe femme, le bébé qu’elle avait quitté à Saint Benoît. Maintenant, c’était sûr, elle allait se marier, son fiancé était beau, riche et intelligent !
« Riche ? Mais tu n’es pas assez riche toi ?
-Il faut bien qu’il puisse faire des folies sans moi ! Les femmes sont très belles en Australie. » Vu comme ça…. Arthur avait promis de venir l’année prochaine. Et Mathilde ne dit à personne que Paloma, Carmela, Mina et Elmyre s’étaient engagées à faire le voyage aussi. Elle n’avait pas retrouvé la trace de Nicolette. Curieuse coïncidence, Sarah demanda à Mathilde si elle voulait bien faire un grand voyage pour elle.
« Vous ne voulez plus de moi ? Vous ne m’aimez plus ?
-Bien sûr que si, nous t’aimons, mais c’est important pour nous, et personne d’autre que toi ne peut nous rendre ce service.
-Et je dois aller où ? Sur la lune ?
-Presque ! Tu iras aux Indes.
-Aux Indes ? Mais c’est de la folie ! Et que devrais-je faire aux Indes ?
-Retrouver Amiya, mon amie.
-Et vous savez où elle se trouve ?
-Pas du tout !
-Et je ferai comment, il y a un milliard d’habitants là bas, dont la moitié de femmes, c’est impossible !
-Oui, il y a beaucoup de femmes, mais Amiya est très belle, et elle parle le français avec l’accent québécois ! Elle a un corps splendide, une poitrine démente, et elle est presque noire.
-Avec ça je suis parée. Elles sont toutes noires là-bas ! Il y a combien d’années que vous ne l’avez pas vue ?
-Trente ans !
-Et si je ne la retrouve pas ?
-Tu reviendras nous faire l’amour.
-Ha, alors j’accepte. Les indes….Avec Sarah tout peut arriver. Moi qui pensais ne jamais quitter Saint Gervais ! C’est pour le coup que ma sœur sera furieuse ! »
L’automne était arrivé, avec son contingent de pluie, de vent et de bourrasques de neige. Florane semblait triste, et restait le plus souvent dans sa chambre, devant la fenêtre. Ce qui inquiéta Sarah, car bien souvent un nuage épais limitait la vue à quelques mètres.
«Florane, ma chérie, il y a quelque chose qui ne va pas, tu me sembles bien triste.
-Non, tout va bien, je pense à ma mère. »
La mère de Florane était décédée en la mettant au monde, Florane n’en avait jamais parlé, elle n’avait aucun souvenir matériel de sa mère. Cela inquiéta Sarah. Elle se promit d’en parler à Victor à sa prochaine visite. Quelques jours après, de son bureau, Sarah entendit Kali qui semblait très agitée. Elle sortit, craignant que l’animal ne se soit blessé. Kali était à la porte, elle regardait Sarah, en continuant son cri plaintif, puis elle s’écarta et courut vers le bout du jardin . Sarah eut peur qu’elle ne saute dans le vide. Kali s’était arrêtée, et attendait Sarah. Quand Sarah s’approcha, la chèvre repartit et s’arrêta de nouveau. Sarah comprit qu’elle voulait l’emmener quelque part.
« Florane s’écria t elle » Elle venait de comprendre que quelque chose était arrivé à Florane et que Kali était venue chercher de l’aide. Tout au bord de la falaise, Florane était étendue, sans connaissance, elle était à quelques mètres du précipice. La pluie qui tombait depuis le matin l’avait complètement transpercée. Elle avait le visage cadavérique, les lèvres violettes. Elle n’arriva pas à la tirer de son coma. Sarah essaya de la soulever, mais elle n’y arriva pas. Elle courut chercher du secours. Heureusement, Alcide venait de rentrer, Il suivit Sarah en courant. Il mit la pauvre Florane sur son épaule.et la ramena dans sa chambre.
« Pars tout de suite, ramène Victor. Ne t’arrête pas en route » Sarah, aidée de Faustine déshabilla Florane, fit sa toilette, et la mit au lit. Elle s’assit dans le fauteuil à proximité. Une longue attente commença. Puis Florane remua et commença à délirer :
«Il faut que je retourne à Adélaïde. Lusciano m’attend... Il va s'inquiéter....Je suis sa femme, je veux qu’il me fasse un enfant. Il faut que je parte tout de suite ! »
Sarah devint livide.
« Mon dieu, elle a perdu la raison. Faustine !!! » Faustine arriva tout de suite.
« Elle délire, Faustine, elle ne sait plus ce qu’elle dit ! »
Et Sarah éclata en sanglots. Florane s’éveilla, se redressa et regarda Sarah !
« Pourquoi veux-tu m’empêcher de revoir Lusciano ? Tu es jalouse ? Tu sais bien que c’est moi qu’il préfère ! D’ailleurs j’attends un enfant de lui, et tu ne m’empêcheras pas de vivre avec lui. Et dis à Paloma et aux autres que je n’ai pas besoin d’elles et qu'elles aillent au diable »
Florane se rendormit. Sarah essaya de récupérer un peu. Mais plusieurs fois Florane se réveilla, et elle haussait le ton un peu plus à chaque fois. Sarah regretta de ne pas avoir gardé Alcide, si Florane devenait méchante, elle n’aurait pas la force de la maîtriser. Elle envoya Faustine à la recherche d’un homme dont la force pourrait les aider. Ils passèrent la journée entre sommeil et réveils de Florane. Florane avait gommé les trente années, elle se retrouvait sur « La Portena » au côté de Lusciano. Elle était le capitaine, et elle donnait des ordres. Elle ordonna à Lusciano de débarquer Sarah et Paloma. Elle voulait continuer seule le voyage… Etc. Etc. le délire était à son maximum. Puis elle se calma et fut reprise par le sommeil, c’était peut être plus qu’un sommeil, c’était sûrement le coma. Les femmes redescendirent, laissant Florane se reposer. Quelques deux heures plus tard, Sarah entendit un léger bruit. Elle gravit l’escalier sur la pointe des pieds. Florane était debout en train de s’habiller.
« Ha c’est toi Sarah, entre, je m’étais assoupie. »
Sarah poussa un soupir de soulagement. Et s’approcha.
« Tu te sens bien ? Tu as bien dormi ?
-Très bien, il faut maintenant que je fasse ma valise. Je ne veux pas rater le bateau.
-Oui, tu as raison, fais ta valise.
-Et ce n’est pas la peine d’essayer de men empêcher. Je vous vois venir, toi et Paloma. J’irai rejoindre mon mari, que vous le vouliez ou non. »
La voix semblait naturelle, il n’y avait pas trace de violence, Florane avait basculé dans un autre monde. Sarah ne pouvait en supporter plus. Elle descendit l’escalier, et se réfugia contre l’énorme poitrine de Faustine. C’est à ce moment que Victor franchit la porte, tout essoufflé. Dehors le cheval était blanc d’écume.
« Alors ? Racontez-moi tout dans le détail. Faustine, faites bouillir de l’eau pour une piqure. Alcide, préparez la voiture pour un transfert à l’hôpital de Sallanches. Allez chercher d’autres hommes, Florane est une battante, cela risque d’être difficile.
-Victor, promettez moi de la sauver.
-Je ne peux rien promettre Sarah. Je savais qu’il pouvait y avoir une rechute. Quelque chose a dû la déclencher. Bon, nous verrons. A ce moment, ils entendirent la voix de Florane, tout près, criant avec violence :
« Ha te voilà toi ! Toi aussi tu veux m’empêcher de partir ? Tu es de connivence avec elle ? Vous couchez ensemble depuis le début ! » Ils tournèrent la tête, et virent avec effroi Florane sur le palier intermédiaire de l’escalier qui les tenait en joue avec le fusil d’Alcide. C’était une carabine semi-automatique pour la chasse au chamois. Victor savait que c’était une arme redoutable. Sarah se souvint que Florane connaissait le maniement des armes, elle était effrayée. Puis ignorant le fusil et les menaces de Florane elle s’avança vers elle les mains tendues en avant.
« Florane mon amour. Viens contre moi, viens m’embrasser, nous allons partir ensemble tout de suite, tu retrouveras Lusciano.
-Tais-toi !!! Tu trouves que tu n’as pas fait assez de mal comme ça? Lusciano est à moi. Moi seule sais comment l’aimer. C’est le père de mon enfant. Laisse moi Sarah, Va-t’en Sarah ! »
Un claquement sec retentit, Sarah s’écroula. Un grand silence suivit ce bruit qui résonnera dans le souvenir de chacun. Victor était pétrifié. Sarah semblait assoupie, assise au sol, la tête reposait contre la porte du buffet, une tâche rouge s’agrandissait sur le corsage blanc. Puis il se ressaisit, et cria des ordres à Faustine. Les deux autres hommes avaient maîtrisé Florane. Il se baissa vers Sarah, tâta le pouls. Il ne battait plus. Il ouvrit le corsage, et dénuda les seins blancs qui semblaient encore vouloir le séduire, avec leurs tétons qui regardaient le ciel. Il examina la blessure entre les seins. A la base du sein gauche, un petit trou rouge d’où, lentement, le sang s’écoulait. Victor savait qu’elle était morte, la balle l’avait frappée en plein cœur. Mais il ne pouvait détacher les yeux de cette gorge dont il avait si souvent rêvé. Il rabattit doucement le bord du chemisier et dissimula comme il pût, ses rêves aux yeux de tous. Le visage de Sarah semblait reposé, détendu, comme si un rêve agréable habitait sa nuit. Il se leva, et se tourna vers Florane. Elle était debout, elle se tenait voûtée, les bras le long du corps, hagarde. Les hommes l’avaient lâchée. Le fusil était au sol, l’un des hommes avait le pied dessus. Florane avait l’air effrayé. Victor ne pouvait dire si, en cet instant, elle avait sa raison ou pas. Le temps semblait s’être arrêté. Seule, au dehors, la plainte de Kali habitait le lourd silence. Puis Florane sembla réaliser. Elle gardait les yeux fixés sur Sarah, les sourcils froncés, un éclair de terreur traversa son regard. Elle s’élança comme un félin pour venir se coller contre sa victime. Ce n’étaient pas des pleurs, c’était un hurlement continu, un feulement de bête mortellement blessée. Florane serrait Sarah dans ses bras avec une force démentielle. Elle mettait toute sa volonté à vouloir rendre la vie qu’elle venait de prendre. Puis Victor tenta de les séparer, il restait tant de choses à faire. Faustine était au bord de l'évanouissement, les hommes baissaient la tête........... . Victor, soudain, n’entendit plus la plainte de Kali. Kali s’était tue....Le silence absolu, lui glaça le sang. Florane se laissa tirer en arrière sans résistance. Elle était morte.




Epilogue


Sarah avait planifié ses funérailles comme elle avait organisé sa vie. Tout ce qu’elle avait entrepris au Plateau, pourrait aller à son terme, elle avait provisionné les fonds, et créé une société pour les gérer. Encore faudrait-il que l’envie lui survive. Dans un dossier de son bureau, le notaire de Saint Gervais trouva, de façon très détaillée, les éléments de son identité et de sa succession. Il devait se mettre en rapport avec Maître Nemours, le Notaire de Florane. Il le fit. Il trouva également la liste des gens à prévenir de son décès. De famille, Florane n’en avait plus. Seul le ministère des affaires étrangères devait être prévenu. Le testament déposé à Saint Benoit serait exécuté à la lettre. Une première cérémonie eut lieu au Plateau d’Assy. Puis les autorisations arrivèrent pour le transfert des corps dans l’île de La Réunion.
A l’étonnement général, il y avait une foule immense aux obsèques des deux amies. Et pourtant, le silence n’était rompu que par le ressac de l’océan tout proche. Même les oiseaux s’étaient tus. Les enfants de Sarah, et ses petits enfants, Lusciano, tous ses collaborateurs, toutes les femmes dont les amours avaient illuminé les rêves de Sarah, avaient fait le déplacement. Les « filles de Carmela » vêtues de robes de dentelle blanches, recouvrirent le mausolée avec des tonnes de fleurs, et de senteurs vanillées. Il y avait des représentants de gouvernements, et aussi un détachement d’officiers de l’armée des Etats-Unis, dont l’Aviso était visible, ancré au large. Ceux-ci déposèrent une lourde plaque de bronze en signe de reconnaissance au Major Sarah D’Aveiro Cobbsmith. Un drapeau Américain recouvrit le cercueil. Tous les gens présents, ignoraient l’appartenance de Sarah aux forces Armées Américaines. Et tous s’étonnèrent, qu’elle occupât un grade aussi élevé. Nul ne put empêcher ses larmes de couler en entendant la sonnerie aux morts. Les deux femmes furent ensevelies cote à cote dans le mausolée préparé par Florane. Le prêtre termina son oraison par ces mots : « …..et en pénitence, Dieu nous a repris ce qu’il nous avait donné de meilleur »






Au Plateau d’Assy, où il s’installa, Victor Lecloarec tenta par tous les moyens de poursuivre ce qu’avait entrepris Sarah. La clinique fut terminée avec un peu de retard, mais dans l’esprit voulu par les deux femmes. Le Docteur Lecloarec alla même au-delà de ses engagements. Aidé de deux architectes de Chambéry, il jeta les bases d’un grand établissement, à l’image des sanatoria existant aux Etat Unis. Un sanatorium qui serait réservé aux femmes, et qui pourrait soigner les malades atteintes de phtisie, maladie qui faisait d’énormes ravages. Il voulut appeler l’établissement « Sanatorium Sainte Sarah » mais les officiels refusèrent ce nom d’origine juive. Ils acceptèrent le nom de l’un de ses amis, le Comte de Guébriant, Breton de naissance qui venait de perdre ses deux fils atteints de la tuberculose. Le Sanat de Guébriant fut construit près de Plaine Joux, quelques années plus tard, au lieu-dit « La clairière » c’est à cet endroit précis que Kali avait secouru Florane, évanouie.

 

 

 

eve anne Aout 2009 

      
Par eve anne
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