Le blog d'eve anne, Madrid.

 

    Je ne crois pas au progrès humain, car pour moi, l'homme n'est pas capable de prendre la mesure de sa mémoire. 

  Alberto Giacometti exprime par les lignes l'homme perdu en lui-même et dans le monde. Jane Planson explore la porosité de l'âme humaine et fait apparaître la superficialité explosive-explosée de l'apparence pour que surgissent soudain la germination et le grain du visage. Parfois c'est la passivité qui s'expose, l'attente, le silence, la solitude ; l'homme plongé dans la surprise d'exister, d'exister sans assurances et sans ailleurs, là, présent jusqu'à percer le prurit de l'innocence. Jane Planson nous apprend à tremper notre regard dans la corrosion et la connaissance. Parfois c'est l'extrême complicité avec la connivence et la conscience pure qui s'imposent. Le regard de l'art pour lutter contre l'humiliation, le retranchement de l'homme seul contre la meute pour rétablir une socialisation ayant enfin supprimé la violence ; l'utopie à de rares moments est bonne conseillère, à condition de n'être jamais mise en œuvre. Le tableau équilibre ce dilemme en offrant la distance et la réflexion, confondant les antagonismes dans une guerre devenue impossible.

   


Aucune notice d'emploi, aucune clef de décodage ne sont nécessaires pour recevoir l'oeuvre de Jane Planson. Son oeuvre est directe, visible, accessible à tous. Elle n'est pas élitiste - au mauvais sens du terme - mais démocratique, universelle. Libre à chacun, s'il prend le temps de regarder et méditer, d'y retrouver et explorer ses propres interrogations.

 

Ce sentiment inexprimable d'être seul, vide au fond de soi, sans regard ; le tableau, lui, peut combler un peu cette ornière qui se traîne parfois en nous. Il peut résoudre l'équation de notre déliquescence, accréditer un déficit tout en l'apurant par une espèce de douce, lente, agréable et fausse escroquerie, celle qui consiste à surseoir à tout désir et à accepter l'instant, plein et silencieusement tonitruant.

Pas d'objets dans les toiles de Jane Planson, pas d'ustensiles, pas de broderies où l'œil pourrait s'abîmer, pas de draperies ou l'œil pourrait déraper, pas de ciel autre que la pensée où l'œil pourrait se perdre. Jane Planson remédie aux modes, elle dématérialise le temps et l'espace et les rematérialise - pour ne pas dire ressuscite - sur la toile, sur le lieu de la toile alors devenu confident, référent et résurgence, comme une grande gifle arrêtée où se trouveraient abolis les genres et les frontières.

 

   

Visages inquiets ou rêveurs, silhouettes diaphanes, évanescentes. Apparitions, disparitions, comme des vies qui se figent, se pétrifient dans une éternelle attente. Les peintures de la Rouennaise Jane Planson sortent de l'ordinaire et sont en dehors de toute mode. L'artiste s'interroge par le biais de la toile sur la condition humaine où "tout est toujours, à chaque instant, à reconsidérer, à jauger...".

Images mentales sur toile pour que ne meurent pas les désirs, les intuitions, en les fixant par la peinture. Huile et cire teintée de pigments, estompées à l'essence de térébenthine pour matérialiser la patine ou l'usure du temps, les rêves encore vivants ou l'espoir qui s'étiole.
"Vague à l'âme", ni tristesse ni regret, simple constat lucide d'une femme qui sait observer sans se laisser désabuser et se laisser transcender par son art.

 

Pour la rouennaise Jane Planson, artiste en plein essor, la fin des idéologies n'est sans doute qu'un leurre tragique. Si certaines utopies semblent avoir déserté les lieux, le système dominant, lui, demeure parfaitement en place, suscitant l'injustice, la violence et la guerre qu'il prétend chaque jour combattre, écrasant de tout son mépris les plus fragiles de la planète. Au plus proche de ceux qui souffrent et sont, le plus souvent, privés d'avenir et de parole,

   

 Pris dans la tourmente meurtrière, ses personnages nous parlent du plus intime de leur humanité (Rwanda, sept ans après... ; Les volontés du père ; A la frontière iranienne ; Alger ; Castes confuses). L'atmosphère fuligineuse de ces oeuvres très personnelles souligne le peu de poids des hommes dans un monde perverti par la haine et l'argent. Ne versant jamais dans le mélo, cette peinture d'une grande dignité est un acte politique et artistique sans complaisance.

Jane Planson ôte les masques de ses personnages, elle traque la vérité sans le chichi des parures, sans le flonflon des objets, sans le mirage des miroirs, sans le chiqué des clichés, sans l'alibi obscur du bonheur. Rien que l'os habillé d'instants, le regard curé jusqu'au point de fusion.

   

Nous regardons certains tableaux comme il arrive que nous voyions dans les mers ou océans, masse sombre, se découper sur le bleu de la surface quelque navire coulé, englouti dans les profondeurs. Nous sommes ces choses naufragées apparaissant, réapparaissant parfois dans les visages des toiles et dessins, et voir dans ceux-ci comme les épaves de nos vieilles dérives orgueilleuses, flottant au gré d'une imagination légère, fluctuante, mais pour tout dire, libre.Chaque tableau fournit à l'observateur un jardin secret. Un îlot de solitude à deux se crée, se fortifie, s'entretient, se renforce et s'affirme dans un respect constitué d'instants sacrilèges et magiques. 



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 Images et textes issus du site de Jane Planson.
Découverte par hasard sur internet. Je vous recommande particulièrement la visite de son site.

Dim 16 fév 2003 Aucun commentaire