Le blog d'eve anne, Madrid.

 

 

tn 22Image: L'envol des libellules


 

Chapitre 8

 

 


          Flora-Jane Girault habitait dans une jolie villa à Saint-Fuscien. C’est un petit village perché sur une colline à quelques kms d’Amiens. Village de caractère, toujours véritablement rural, qui, avec Sains-en-Amiénois ont réussi le miracle d’attirer les gens aisés de la ville. (Amiens côté jardin). Les jolies villas et pavillons nichés dans la verdure rivalisent d’originalité, de floraison dans le calme relatif de la campagne. Christa aimait ce village, mais elle ne se sentait pas l’âme suffisamment bucolique pour y vivre. Son F3 au quatrième avec vue sur le zoo (pas très loin du bar à filles) suffisait (pour l’instant) à ses ambitions.
Quand ils arrivèrent devant le pavillon, ils aperçurent Flora-Jane, gantée de caoutchouc, sécateur à la main. Elle faisait apparemment des coupes savantes dans les arbustes en boutons. La clochette du portail la fit se retourner, et lentement, avec l’œil interrogatif, mais non craintif, elle s’approcha. Christa attachait beaucoup d’importance au premier regard. Elle avait l’habitude de déceler le moindre signe de «composition» dans le personnage se trouvant devant elle. Quand Flora-Jane fut tout près, de l’autre côté de la barrière de bois teinté, elle ne vit en elle qu’une femme dérangée dans ses occupations favorites. Elle avait encore le sécateur à la main, et n’avait pas lâché la branche de cornouiller qu’elle venait de couper.
«Veuillez excuser le dérangement Madame Girault.
Vous me reconnaissez ? Je suis le Capitaine Zimermann. Nous nous sommes rencontrées à la clinique, devant la chambre de votre fille ; Et voici le brigadier Dubreuil ; Quentin Dubreuil. Nous sommes du commissariat Amiens-Sud, et nous aimerions avoir une entrevue avec vous.
–Pourquoi donc grands dieux ?
–Nous allons vous le dire. Pouvons-nous entrer ?
–Si vous insistez…. »
Flora-Jane ouvrit le portail avec un bip qu’elle sortit de la poche de son tablier. C’était une femme assez grande, assez mince, presque maigre. Allure BCBG, cheveux argentés, attachés en catogan d’un ruban de velours bleu marine. Elle ouvrit la porte de la maison, enleva ses sabots et son tablier.
«Donnez-vous la peine d’entrer, avancez et installez-vous dans le salon, je vais me laver les mains, ça me prendra une minute. »
Les deux policiers entrèrent dans le salon qui se voulait très rustique, et ne purent s’empêcher d’être sensibles à la beauté du décor. Tout était soigneusement choisi, à sa place, dans une composition harmonieuse. Christa ne put s’empêcher d’imaginer madame Girault dans une cellule de la maison d’arrêt route d’Albert. Mais on a déjà vu tellement de choses dans cette vie! Un feu de bois était allumé, à l’abri de la vitre d’un insert. Christa s’arrêta et contempla la flamme qui dansait joyeusement.
« C’est le seul chauffage de la maison. Je me chauffe au bois tombé, exclusivement. La maison est bien isolée et cela me suffit amplement. »
Flora-Jane était revenue dans la pièce, sans bruit. Elle arborait un timide sourire et proposa :
«Je peux vous offrir quelque chose ? Un café peut-être ?
–Non madame, merci. Ce que nous avons à vous dire est d’une gravité exceptionnelle. Voilà:
Le 15 décembre dernier, un braconnier a découvert par hasard le cadavre d’une jeune femme. Fantine Tavernier, la fille de madame Tavernier pharmacienne à Boves.
– Oui, on m’a parlé de ce crime ! Mon dieu, quelle horreur !
–Nous avons relevé des blessures sur le corps de la victime, nous pensons qu’il s’agit de griffes provoquées par les ongles de l’agresseur. Ce qui laisse à penser que la jeune femme s’est défendue, ou du moins a essayé. Nous avons relevé beaucoup d’indices, dont un ADN qui nous a donné beaucoup de peine. Quelques temps après, votre fille, Elzéanne, a été victime d’une agression sexuelle. Heureusement la lutte a tourné court, sa chienne lui a sans doute sauvé la vie. Son agresseur est le braconnier dont je vous ai parlé précédemment. Son arrestation a été immédiate, et son inculpation a été prononcée. Vous êtes au courant de tout cela ?
–Oui, enfin, à peu près, mes filles ne me disent pas grand chose. Elles ont décidé de vivre leurs vies, et je n’ai pas compris pourquoi je n’en faisais plus partie. J’ai été catastrophée en apprenant ce qui était arrivé.
–A cette occasion Elzéanne a subi un prélèvement d’ADN, qui, à l’étonnement général s’est révélé être celui relevé sur la dépouille de Fantine Tavernier.
–Mon dieu, ce n’est pas possible, il doit y avoir une erreur.
–En vérité, oui ! Il y avait un doute, et ce doute nous a obligés à refaire toutes les analyses pour arriver à la conclusion qu’il s’agissait d’un ADN parent, qui ne pouvait être que celui de votre fille Eva-Line ou du vôtre.
–Mais que voulez vous dire exactement ?
–Nous venons de rencontrer votre fille Eva-Line, et elle a pu nous apporter la preuve qu’à la date de l’assassinat de Fantine, elle se trouvait à plusieurs centaines de kms d’ici.
–Je suis donc votre suspecte ? Je suis votre criminelle ? C’est bien ça ? Mais c’est insensé ! »
La pauvre femme se mit à pleurer, violemment, bruyamment, à tel point que les deux policiers furent tentés d’intervenir pour la calmer.
«Vous faites fausse route. Ce que vous avancez est grotesque, c’est totalement faux, je ne connais pas cette pauvre fille, je ne vois personne, je ne sors jamais de chez moi, c’est impossible ! »
«Madame Girault, essayez de vous souvenir de vos activités à cette période, ce que vous avez fait, avec qui, comment, il nous faut des réponses précises.
–Est-ce que je sais, moi, ce que je faisais il y a trois mois ? J’étais là, où voulez-vous que je sois.
–Avez-vous une voiture ?
–Oui, évidemment, comment voulez-vous vivre ici sans voiture ?
–Quel modèle de voiture ?
–Un break Volvo. Elle appartenait à mon mari. C’est sûr que c’est trop grand pour moi, et trop cher à entretenir, mais c’était sa voiture, alors je la garde. Je ne m’en sers que très peu, je fais mes courses à Auchan, et je vais chez le médecin ou chez le dentiste. Quand j’ai besoin.
–Madame Girault, nous allons essayer de gagner du temps. Vous allez éteindre le feu, fermer votre maison, et nous accompagner au commissariat, vous êtes désormais en garde à vue. Cela peut durer 48 heures. Vous pourrez contacter votre avocat. Prenez un nécessaire de toilette. N’emportez pas d’objets pointus, coupants ou agressifs, et couvrez-vous.
–Mais vous n’y pensez pas, ce n’est pas possible, je n’ai rien fait !
–Je ne demande qu’à vous croire. Nous trouverons sûrement une explication. Nous sommes là pour ça, alors ne vous opposez pas, et venez avec nous. Ne nous obligez pas à employer la force.
–La force ? Employer la force contre moi ? Vous êtes bien braves !
–La force publique, avec tout ce qui en découle. Nous vous faisons grâce des menottes. Allez, dépêchez-vous. Nous attendons.
Quentin prévenez le service. »
Et la routine et les procédures se mirent en place. Christa n’était pas si fière que ça, elle n’était pas sûre du tout de ce qu’elle faisait. Pourtant, on avait bel et bien retrouvé son ADN sur le cadavre de Fanta, il n’était pas venu tout seul ? Est-ce que par hasard elle aurait à faire à une bipolaire ? Ou plutôt à une double personnalité ? Non, elle n’était pas dans une série télé. Le cas était grave, mais peut-être tout simple. Mme Girault était peut-être une criminelle habile et expérimentée ? Le médecin fit un examen. Les interrogatoires se succédèrent. L’avocat fit une courte apparition, histoire de prendre acte et de vérifier que sa cliente était traitée avec tous les égards. Christa n’apprit rien de plus. La défense de madame Girault était simple :
«Je n’ai rien fait, je ne connais pas cette personne, je ne vais jamais à Boves, je ne sors pas de chez moi, et sûrement pas la nuit ! Non mais, vous me voyez transporter un cadavre ? »
C’était la question bête, mais Christa n’imaginait pas du tout cette femme à l’allure fragile transporter un cadavre la nuit, et l’abandonner sur le ballast du chemin de fer ! Mais faute de pouvoir prouver le contraire, Madame Girault fut présentée au juge d’instruction. Les filles de Flora-Jane s’étaient rapprochées dans ce drame, et avaient assisté leur mère avec tristesse et compassion. Christa prenait énormément de précaution pour ne pas passer pour l’accusatrice froide et inhumaine. Madame Girault fut mise en examen, mais laissée en liberté sous contrôle judiciaire, et assistée par sa famille. Elle rentra chez elle.
Sur les conseils de Christa, Eva-Line s’installa dans la maison pour éviter tous problèmes. Christa rentra chez elle. Quentin la laissa au pied de l’immeuble :
«Je pense que tu ne veux pas que je monte ?
–Non, pas vraiment. Je vais sortir pour me changer les idées et me trouver une fille. Il faut que je m’éclate.
–Tu ne veux pas que je t’éclate le cul ? Ça te changerait les idées aussi !
–Sans façons, tu es trop bon pour moi. Mais je me débrouillerai sans toi avec mon cul.
–Voilà ce que c’est, de vouloir rendre service ! Toutes des putes ! Je vais m’en trouver une grosse, je te raconterai.
–C’est ça, va te faire mettre ! Pour parler poliment bien sûr !
–Bien sûr, j’y vais, à demain ! »
Après un brin de toilette, elle s’habilla en Bad-girl, (pantalon de cuir, blouson etc…) et appela Charlie-Rose.
«Allo Charlie ? C’est Christa !
–Bonsoir Capitaine que puis-je pour vous ?
–Oublie le Capitaine, ce soir c’est la choute qui t’appelle !
–Enfin une bonne nouvelle, je préfère celle-là. Alors je rectifie. Que puis-je pour toi, ma choute ?
–J’ai besoin d’un gros câlin. Quelque chose de fort et de doux en même temps.
–Oui, je vois, je regarde si j’ai ça en stock. Oui ! Tu as de la chance. Il m’en reste ! Tu peux venir, je vais essayer de contacter Vonnie pour me remplacer au bar.
–Ok, merci, je viens.
–Je t’attends. »
Charlie-Rose l’accueillit avec un joli sourire. Le pétillement de son regard prouvait sa sincérité. Pour une fois, le maquillage était imperceptible, juste un trait de crayon. Christa la trouva plus féminine comme ça. Elle avait sont éternel pantalon de cuir et son débardeur kaki, à peine déformé par une poitrine timide mais dont les tétons pointaient de façon arrogante. Charlie-Rose ignorait l'usage du soutien-gorge. Christa aimait ses bras délicieusement musclés, surtout quand les épaules sont un peu gonflées. Charlie faisait de la musculation, inutile de le préciser, c’est ce qui faisait son charme sans doute. Elle attrapa sa veste et son sac, et prenant Christa par la main, elle l’entraîna par la porte qui s’ouvrait derrière le bar.
« On prend ma voiture et on va chez moi.
–Je me laisse conduire. Ça me repose.
–Repose-toi cinq minutes pas plus. Tu ne peux pas savoir le plaisir que tu me fais ce soir. J’ai toujours rêvé sortir avec toi, c'est une obsession,  c’est horriblement physique.
–Tu ne me l’as jamais dit.
–Non, j’ai l’air d’un mec, mais je suis moins con, timide et discrète. »
La voiture était une SLK noire. Christa en fut surprise. Mais tant mieux pour elle. Il flottait à l’intérieur un parfum d’une féminité accomplie. Un parfum qui semblait un peu oriental, et que Christa n’arrivait pas à identifier.
« Je me régale à respirer le parfum qui enchante cette voiture. Je ne sais pas ce que c’est, mais ça me plait énormément.
–C’est un mélange que je fais avec deux parfums du commerce dans lequel je laisse macérer quelques plantes pendant plusieurs semaines. Après filtration, ça me donne quelque chose de tout à fait personnel.
–Quelque chose de réussi, j’adore ! »
Charlie-Rose conduisait doucement et en souplesse. Le bruit du moteur était une musique particulièrement sexy. Oui, sexy, c’était le mot. Après quelques kms de petite route, la voiture s’arrêta un moment devant un portail de bois, situé sous un porche de pierre, surmonté d'un couvert de chaume. Les phares de la voiture donnaient à cette vision rustique, une couleur particulièrement chaude. Après avoir bipé, la porte s’ouvrit lentement, et la voiture continua un moment sur une route minuscule bordée d’arbres. La maison apparût, les lumières extérieures s’allumèrent au passage de la voiture. Une chaumière aux fenêtres à petits carreaux. On ne pouvait voir les détails, ni la dimension de la bâtisse, mais cela respirait le luxe et le bon goût.

 

culdecoblanc

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Mer 6 déc 2000 Aucun commentaire