Le blog d'eve anne, Madrid.

 

 

tn 22Image: L'envol des libellules


 

Chapitre  11

 

 


               Ils le trouvèrent debout dans sa chambre. Il était en train de se «rééduquer » avec une béquille. Il était méconnaissable. Coiffé, rasé, lavé, dans du linge propre. Il accueillit les policiers avec un sourire.
« Ah bonjour madame la Capitaine. Vous voyez, j’peux r’marcher ! Ils m’ont opéré deux fois, ces cochons-là ! Y m’ont mis une plaque de fer avec des vis !
–C’était grave alors ?
–Ouais, Y m’a bouffé la jambe jusqu’à l’os c’te sale cabot. !
–Il a fait son métier de chien, il a protégé sa maîtresse, et vous l’avez tué!
–Je m’ suis défendu !
–C’est vous qui avez agressé la jeune fille. La chienne l’a défendue.
–Pas du tout, j’ voulais être gentil avec Prunelle !
–Ce n’était pas Prunelle, c’était Elzéanne Girault.
–Ha ben c’est pour ça alors ! Elle m’a pas r’connu !
–Monsieur Gervais, la jeune fille a porté plainte, vous allez être inculpé et jugé.
–Ça veut dire quoi ?
–Que vous allez passer devant le juge et que vous risquez un séjour en prison.
–J’m’en fiche, avec ma jambe j’pourrais pas colleter !
–Oui, pour une convalescence, la prison c’est une idée. Vous sortez quand ?
–J’ sais pas, on m’dit rien. D’toute façon y m’ont pris mes habits. ! Vous voulez que quelqu’un aille chez vous en chercher ?
–Ouais, demandez à Duchuc, Y m’apportera c’qu’y faut.
–Ok, Quentin l’appelle tout de suite. Son nom c’est Bertin, il doit être dans l’annuaire. »
Quentin sortit dans le couloir pour téléphoner. Il revint quelques minutes après.
« Ça ne répond pas, il n’est pas chez lui.
–Il est p’tête parti à ch’corti !
–Il est au jardin vous voulez dire ?
–Ouais, mais pas l’sien, c’est çui d’la dame ed’ St-Fuscien ! »
Christa et Quentin se regardèrent stupéfaits.
« Il fait le jardin de qui à Saint Fuscien ?
–Sais pas qui c’est. Une veuve qui m’a dit. Il a labouré la s’maine dernière. Avu ch’motoculteur ! Un vrai tracteur qui dit !
–Bon dieu ! C’est pas possible on a « le cul bordé de nouilles »
–Parle pour toi Tintin ! Mon cul, tu l’oublies ok ? Au revoir Monsieur Gervais, on revient avec vos habits.
–Ouais ! Merci ! »
La Peugeot partit en trombe, direction Saint-Fuscien. Quand ils arrivèrent à la villa de Flora-Jane, ils virent que l’équipe du Labo était encore à l’ouvrage. Ils posèrent la question :
«Vous n’avez pas eu la visite du jardinier ? Un certain Bertin aussi appelé «Duchuc » ?
–Nous n’avons vu personne.
–Qui est à l’intérieur ?
–Mélanie avec la fille de la victime.
–Je vais la voir. Regarde où ils en sont Quentin. »
Christa gravit les marches du perron, et aperçut Mélanie en blouse blanche et gantée, discuter avec Eva-Line.
« Bonjour Mélie, bonjour Eva. Vous en êtes où ?
–Eh bien je viens de découvrir une chemise où se trouvent beaucoup de papiers personnels, apparemment importants puisqu’ils étaient enfermés à clef dans le secrétaire. Eva-Line voudrait en faire l’inventaire. Je tentais de lui expliquer qu’elle ne pouvait pas le faire. Que toutes les pièces à convictions ou suspectées comme telles, étaient provisoirement confisquées par la police, voire la justice.
–Oui, tu as totalement raison Mélie. Ces documents peuvent nous livrer des renseignements sur l’assassin, on ne peut pas prendre le risque de laisser quiconque en prendre connaissance.
–Dommage pour moi, alors ! Ma mère étant très cachotière, on ne saura jamais la vérité.
–Je peux te garantir que si, je m’y emploierai le temps qu’il faudra. Avec les moyens qu’il faudra !
–Tiens, on se tutoie maintenant ? Vous allez vite en besogne Capitaine.
–Excusez-moi, ça m’a échappé.
–Pas de mal Christa ! Tu peux me tutoyer ! »
Christa la regarda sans comprendre réellement où elle voulait en venir. Cette Eva-Line était insaisissable. Tantôt distante, tantôt intime. Christa prit le parti de rester sur ses gardes. Peut-être était-ce une manipulatrice née.
« Eva-Line, dites moi si votre mère avait une liaison.
–Homme ou femme ?
–Peu importe, une liaison.
–Très sincèrement je n’en sais rien, Elzéanne ne sait rien non plus.
–A-t-elle rencontré quelqu’un, récemment, un ouvrier, un jardinier, un fermier, quelqu’un ?
–Je ne sais pas, les policiers ont parlé d’un jardinier, mais je n’avais même pas remarqué que le jardin avait été labouré.
–Pensez-vous que les proches voisins pourraient nous renseigner ?
–Les proches voisins sont des parisiens, ils ne sont là que le week-end, et encore pas à chaque fois. Non, inutile de déranger ces gens-là. Je suis la seule à pouvoir te rendre service !
–Je n’ai pas envie de plaisanter, je n’ai pas envie d’une aventure, je n’ai pas envie de me faire draguer par une gamine effrontée. Si je ne suis pas assez claire, nos discussions se dérouleront au commissariat.
–Très bien Capitaine, allez vous faire foutre ! »
Christa sortit et appela Quentin.
« Brigadier Dubreuil, mettez-moi cette jeune femme au secret, elle est en garde à vue dès cet instant. Motif, propos déplacés envers un membre de la police dans l’exercice de sa profession.
–Pas de problème. Vos poignets s’il vous plait ?
–C’est pour m’attacher aux barreaux du lit ? »
Mélanie intervint :
« Calme-toi Éva, elle ne plaisante pas, elle n’est pas de bon poil. Tu n’as rien à y gagner. »
Quentin emmena Eva-Line menottée dans la camionnette de la police, garée devant le perron.
«Mélie, tu poseras ces papiers sur mon bureau, nous en ferons l’inventaire ensemble en fin d’après-midi. Poursuis ta recherche avec soin. Rien ne doit t’échapper. Il faut que l’on coince le type.
–Tu as une idée ?
–Oui, le jardinier. S’il se pointe ici, tu te sauves. N’essaie pas autre chose. Il est sûrement aux abois et dangereux.
–Tu me fais peur.
–Si je te fais un bisou dans le cou tu n’auras plus peur ?
–Essaie pour voir ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
–Hummmmmm ! Ben non, je n’ai plus peur !!
–C’est bien de se sentir utile ! Allez, je te laisse, travaille bien ! »
La journée se passa de village en village à la recherche de Bertin, alias Duchuc. La gendarmette de Moreuil, la grande Céline fut la seule à donner un renseignement. Elle était de service au marché, comme tous les mardis matin. Elle a vu Duchuc en discussion avec un marchand de volailles vivantes. Mais elle ne savait pas qu’on le recherchait. Christa convint qu’elle n’avait pas suivi la procédure, elle se dépêcha de se rattraper et passa le mot dans tous les commissariats, gendarmeries, mairies de la région. Elle demanda à parler au téléphone à Tcho-Phil à l’hôpital.
« Ben alors ? Mes habits ? J’min vau pas sortir tout nu ?
–On n’a pas trouvé Duchuc. Il est pas chez lui, il n’est pas chez la dame de St-Fuscien. Savez-vous où il peut se trouver ? Un Bistrot ? Un copain?
–Ben non, Y vau souvent à l’étang, son truc c’est le colvert, ou les outardes.
–Les outardes ?
–Les bernaches si vous préférez ! ben oui, les oies !
–Les oies sauvages ?
–Ben oui, sauvages, elles sont forcément sauvages, mais elles sont pas cor’ arrivées, les sauvages, alors il est aux canards.
–Bon finalement il peut-être n’importe où ?
–Ben oui !
–Bon merci quand-même ! Dites-moi, il a un chien ?
–Ben oui, un gros batard ! Un bétail un peu con ! Il aboie, Y sait pas dire pourquoi !
–On n’a pas vu de chien chez lui !
–Ben il a du s’barrer !
–Bon je vous remercie. Je suis parfaitement renseignée.
–Pas d’quoi, c’est pour rendre service ! »
Christa était épuisée, elle demanda à Quentin de la déposer chez elle. Quand ils arrivèrent devant l’immeuble, la voiture de Prunelle était garée juste devant. Quentin, qui avait une idée derrière la tête repartit l’air chagrin.
« Il y a longtemps que tu m’attends ?
–Non, j’arrive. Je n’ai pas téléphoné, je n’ai plus de batterie ! Je suis passée à tout hasard.
–C’est gentil, tu veux monter ?
–Évidemment, à moins que ta chérie ne soit déjà là haut ?
–Laquelle ? Non je plaisante, il n’y a personne. Je ne te propose pas de sortir, je suis crevée.
–Alors, je peux te faire la bouffe, et puis on se couche ?
–Ou alors on se couche et tu me fais la bouffe ?
–Tu me fais la bouffe et je te fais la bouffe ça va ?
–C’est une idée. Je vais d’abord prendre un bain magistral.
–Avec du gel douche ?
–Oui, ça glisse mieux ! J’adore l’OBAO !
–Le gel ou le flacon ?
–Le flacon avec du gel.
–Si c’et le grand modèle, tu vas le sentir passer.
–Tant mieux, tu sais bien que j’adore les extrêmes !»
Le bain tint toutes ses promesses. Elles sortirent alors que l’eau était presque froide.
« Ah ça fait du bien, par où ça passe !
–Tu m’étonnes! Comment fais-tu ? Pas étonnant que tu sois une goude, tu trouveras jamais un mec qui touchera les bords.
–J’men fiche, ce n’est pas ça que je veux. Les filles ça ne mesure pas les choses de la même façon !
–Très bien dit. Je te fais une omelette et tu me fais un sourire.
–Marché conclu et après au lit ! »
Le lendemain matin il y avait un message. Duchuc était  rentré. Il était sous surveillance chez lui, on attendait les ordres.
« Vous l’amenez, en douceur, s’il a quelque chose à faire, sa toilette ou quelque chose comme ça, vous le laissez faire, mais vous ne le perdez pas de vue une seconde. »
Une heure après, la brigade de surveillance de la maison de Bertin entra dans la cour du commissariat. Bertin avait l’air tout à fait à son aise. Le policier qui avait opéré l’arrestation, vint prévenir Christa :
« Aucune résistance ! Courtois, et résigné.
–Tant mieux, la journée sera longue. »
Au même moment, Mélie arriva dans le bureau.
« Tu m’as posé un lapin hier, je t’ai attendue pour classer les papiers.
–Oui, excuse-moi, j’étais crevée, je suis rentrée.
–Quentin m’a dit que tu étais attendue ?
–Celui là, je vais les lui couper c’est sûr ! Ce n’était pas prévu, C’était Prunelle.
–Oui, elle a bien de la chance celle-là. Je ne sais pas ce que tu lui trouves ! C’est quand mon tour ?
–Quand tu seras grande, et que tu auras plaqué ton connard de mari.
–Rassure-toi, c’est pour bientôt. J’ai jeté un œil sur les papiers, des lettres, des poésies d’un certain Rabindranath Tagore, je ne sais pas qui c’est, et j’ai trouvé une bombe !
–Pas possible, tant que ça ? Allez explose !
–Fanta était l’amie de Flora-Jane. !
–L’amie ? Tu veux dire qu’elles étaient amantes ?
–Oui. J’ai trouvé une lettre. Une lettre de rupture ! Fanta lui disait qu’elle partait en vacances avec une amie. Elle viendrait l’embrasser pour la dernière fois. Pour lui dire combien elle avait été heureuse avec elle.
–C’est quoi cette histoire à dormir debout ? Va me chercher la lettre.
» 
Mélie revint quelques minutes plus tard avec une enveloppe décachetée, de laquelle elle sortit la lettre. Christa appela Quentin.
« Va libérer Eva-Line, et demande-lui de ne pas quitter sa maison, j’aurai besoin d’elle aujourd’hui ou demain. Évite de te faire draguer. Et après tu reviens.
–J’y vais. Christa commença à lire.
:


Lundi 3 décembre 2007.


                            Mon amour,

Je viendrai vendredi comme prévu. Mais je ne resterai pas. Ça sera simplement pour t’embrasser et te dire à quel point j’ai été heureuse de passer tout ce temps dans tes bras. Je n’ai rien à te reprocher, surtout pas que tu sois plus âgée que moi, comme tu le dis souvent. Je n’ai jamais fait la différence. Mais je t’avais dit comment je suis, et j’ai rencontré une autre femme qui m’a tourné la tête. Je suis follement amoureuse, et nous allons partir en voyage aux Seychelles. Peut-être resterons-nous là-bas, si elle le veut bien. En tout cas c’est ce que je désire le plus. Je sais que tu souhaites mon bonheur, et que tu me comprendras. Je pourrais en rester là, mais je veux que tu voies dans mes yeux ma sincérité, et si possible l’amour que j’ai pour toi et qui y restera éternellement. Je t’attendrai au Bar-du-Port, sur le quai « Belu. » Vers 18 heures. Je n’aurai pas de voiture. Viens me chercher. A vendredi ma Flora.
                           Fanta, ton aimée.

 

culdecoblanc

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Dim 3 déc 2000 Aucun commentaire