Le blog d'eve anne, Madrid.

 

 

tn 22Image: L'envol des libellules


 

Chapitre 14

 

 


          De retour au commissariat, Christa appela le juge, et passa au moins une heure au téléphone. Puis elle sortit en trombe, bouscula Mélanie qui arrivait et s’engouffra dans le local de l’accueil. Rassemblez-moi tout le personnel du commissariat, et branchez-moi sur toutes les voitures. Réunion dans la grande salle portes fermées. »
Les policiers se regardèrent sans comprendre. Arrivés dans la grande pièce, elle commença ainsi :
« Quentin, passe le message aux voitures de se mettre à l’écoute en veillant qu’il n’y ait pas d’oreille indiscrète. Ensuite, choisissez une fréquence aléatoire. (la fréquence aléatoire varie sans cesse, elle nécessite un décodeur) Au bout de quelques minutes c’était Ok.
« Voilà ! L’enquête qui nous préoccupe actuellement semble arriver à son terme. Il me faut faire quelques vérifications, mais je crains la manipulation. Quand la solution d’une enquête vous est apportée sur un plateau, 99fois sur 100 c’est du flanc ! Alors voilà ce que je décide. En accord avec le juge évidemment. Nous mettons le suspect au secret. Pas un mot ne sera échangé avec lui. Nous allons l’écrouer. Il sera au secret route d’Albert. Ça durera le temps qu’il faudra. Mais d’ici quinze jours voir trois semaines, je vous fais le pari que son discours aura changé. En attendant, nous allons procéder à quelques vérifications. Y a-t-il des questions ? Bon, de toute façon si vous avez des idées je suis preneuse. Ouvrez grand vos oreilles et vos yeux. Pas un mot de cette affaire à quiconque. Et surtout pas à la presse. Pas un mot aux familles. S’il y a une intervention à faire c’est uniquement sur mon ordre. Pas d’initiatives. J’en ai fini, vous pouvez retourner à vos postes Merci ! »
Mélanie s’approcha de Christa :
« Et mon bisou du matin dans tout ça ?
–Ça sera pour ce soir ma poule !
–Ça tombe bien ce soir je suis libre.
–Alors, chez moi à 20 heures, ça te va ?
–Of course Chef à ce soir ! »
« Allez Quentin, on y va !
–Où ça ?
–Ben au début de son histoire, à la pharmacie !
–Quoi faire ? T’as mal à la tête ?
–Non, on va te chercher du viagra !
–Super ! Tu vas passer un bon moment !
–P’tit con ! »
Quentin gara la voiture devant la mairie pour ne pas éveiller l’attention des clients et voisins, et se rendirent à l’officine à pieds. La maman de Fanta était à sa caisse. Un jeune homme en blouse blanche servait une cliente. Quand elle vit les policiers arriver, elle s’en alla discrètement dans l’arrière boutique. Christa lui emboîta le pas, Quentin resta dans la boutique.
«Bonjour madame je ne vais pas vous déranger trop longtemps. Deux questions seulement. La première, je voudrais un modèle de l’écriture de Fanta. La seconde je voudrais savoir pour quelles maladies est soigné monsieur Paul Bertin , quel est son médecin traitant, et éventuellement l’établissement hospitalier qu’il fréquente ?
–Pour la première question, pas de problème, j’ai l’une de ses lettres dans mon sac. je vous la donne. Pour la seconde question, je regrette de ne pas pouvoir y répondre, je suis tenue par le secret professionnel.
–Moi aussi madame. Alors je vais vous poser une troisième question : Depuis combien de temps n’avez-vous pas eu de contrôle fiscal ? De contrôle de Sécu ? De l’inspection du travail ?
–Bon, je vois, ce n’est pas très élégant comme méthode !
–Je suis chargée de trouver l’assassin de votre fille madame. Si vous vous en fichez, c’est bien regrettable, ça ferait mauvais effet dans la presse locale ou sur FR3.
–N’en rajoutez pas Capitaine, je vais vous mettre tout ça sur papier. Je vous le ferai porter.
–Non madame, vous me le faites tout de suite, et après vous oubliez.
–Mais j’ai des clients !
–Ils attendront madame, ou ils reviendront. Ils seront bien obligés si je ferme votre boutique !
–C’est totalement illégal !
–Oui madame, mais ça pourrait être pire que ça, et je ne plaisante pas. Vous me le faites ce foutu papier, ou bien vous me le ferez en garde à vue au commissariat. Et si vous ne comprenez pas, je vais élever la voix pour que tout le monde soit au courant de votre entrave à mon enquête. »
La pharmacienne ne répondit pas, elle prit un calepin et prit place devant son ordinateur. Au bout d’un long moment, l’imprimante se mit à imprimer. Et elle écrivit quelques lignes sur le calepin. Elle arracha la feuille, et tendit le tout au Capitaine. Voilà la liste des médicaments qu’il consomme. Ce Monsieur souffre de plusieurs affections quasi normales pour son âge. Il souffre d’un diabète de type 2 qui semble bien maîtrisé, il fait lui-même sa glycémie avec un testeur que nous lui avons fourni. Il souffre d’un excès d’acide Urique qui lui occasionne des crise de goutte fréquentes et douloureuses, mais également bien soignées. Et tout récemment, il se plaignait de douleurs dans les reins, ce n’était rien de grave, mais les examens ont révélé un cancer de la vessie à un stade relativement superficiel. Il a subi quelques résections vésicales, et depuis peu il a un traitement de chimio pour lequel il doit aller régulièrement faire son traitement, au service Uro de l’hôpital Sud. Voilà, c’est tout ce que je puis vous donner.
–Eh bien madame, cela vous aura pris 20 minutes, ce n’était pas la mer à boire,
–Oui, Capitaine, je vous prie de m’excuser.
–Je ne fais que mon travail madame. Et en l’occurrence, je le fais pour vous. Je vous souhaite une bonne journée. Ah, Le nom de l’urologue ?
–Je ne sais pas !
–Je fais semblant de vous croire madame. Je vous préviens malgré tout que la moindre indiscrétion se paiera au prix fort ! »
Christa repassa dans la boutique. Quentin passait le temps dehors à discuter avec un de ses copains. Vu la dégaine du mec, il n’y avait aucun doute.
« En plus tu t’affiches avec les pédés locaux !
–Qui te dit que. .
–Mon p’tit doigt, il en connaît un rayon !
–Ha oui ? Si tu veux je lui apprendrai un nouveau jeu !
–Oui, bof ! Direction l’hôpital sud. »
L’usine à soigner de Picardie. Un établissement un peu vieillot, mais où les soins sont de qualité, et le personnel exempt de tous reproches. Les seules fois où Christa avait été hospitalisée, dans
« La Croix du Sud » s’étaient toujours terminées avec de solides amitiés tissées avec le personnel soignant. Elle gardait un très bon souvenir de ces filles courageuses, dévouées, infatigables, et toujours de bonne humeur. Et si attirantes dans leurs blouses quasi transparentes. Christa demanda à voir le responsable du service Uro. Contrairement à son attente, elle fut en sa présence en moins de dix minutes.
« Que puis-je pour vous Capitaine Zimermann ?
–J’ai en garde à vue un Monsieur qui a été soigné, semble-t-il à plusieurs reprises dans vos services. Jai besoin de vérifier son emploi du temps ces derniers mois. Pouvez-vous m’aider ?
–Il n’a pas passé tout son temps ici j’imagine ?
–Bien sûr, mais il y a des lieux comme ici, où les pointages font des références irréfutables.
–Vous avez raison. Vous savez également que vous êtes dans l’illégalité en me demandant ça, et je suis dans l’illégalité en répondant favorablement. Pour autant j’imagine que votre temps est aussi précieux que le nôtre, et nonobstant le plaisir de m’entretenir avec une jolie femme, nous allons essayer de nous entendre.
–Merci Professeur !
–Vous allez voir, avec l’informatique tout est devenu facile ! Je vais appeler ma secrétaire. Roselyne ?
–Oui professeur ?
– Sortez-moi le journal de Monsieur ?
–Bertin, Paul Bertin de Boves.
–Impossible Professeur nous sommes une nouvelle fois en panne d’informatique !
–Ben voyons ! Solution ?
–Il faut attendre au moins une demi-heure, que le spécialiste arrive ! Ah ben non, on dirait que ça remarche !
–Vous voyez Capitaine, ici on répare toutes les maladies, même l’informatique pourrie et dépassée. Alors Roselyne ça vient ce listing ? Donnez-le au Capitaine, il faut que j’aille fumer une cigarette. Au revoir Capitaine bonne chance, et si vous avez cinq minutes un de ces jours, nous iront boire un demi en ville ! »
Curieux ce bonhomme, mais le listing finit par sortir de l’énorme imprimante qui faisait un bruit épouvantable. Christa et Quentin repartirent au commissariat. Le listing fut remis à Mélanie ;
« Épluche-moi ce truc là, compare ses dates avec ceux des évènements. Si tu trouves des incohérences, tu te feras établir des certificats de situations, signés par le Professeur Duthilloy, un charmant monsieur qui doit être un chaud lapin. Si tu veux te faire sauter par un chef, Il pourrait faire l’affaire.
–Non, je préfère me faire sauter par mon Capitaine à moi. Il faudra que tu me dises pourquoi tu m’as toujours envoyée paître !
–Je te l’ai dit, tu es mariée avec un connard, et je ne veux pas d’histoires, c’est tout.
–Ben alors, ce soir on fera quoi ?
–Une exception.
–Ben voilà, j’en demande pas plus. Tu ne sais pas ce qu’on raconte ?
–Non, dis-moi.
–Que tu as fait une pipe à Tintin !
–Ben voyons, deux même ! Il pourra bientôt raconter que je lui ai coupé les choses. Et puis je m’en fiche. Je suis libre de sucer qui je veux.
–Tu as raison surtout qu’il en a une belle !
–Attention, on va bientôt raconter. .
–Oui, mais moi aussi je m’en fiche. D’ailleurs je les ai tous sucés, sauf le stagiaire, mais ça viendra, il est mignon comme tout. Bon allez mets-toi au boulot, les pipes ne sont pas à l’ordre du jour. Ah ! j’oubliais, Quentin ? Trouve-moi une raison valable pour mettre Tcho-Phil au secret aussi. Et puis convoque les jumelles pour un interrogatoire demain si possible. Pas forcément ensemble, mais il vaudrait mieux pour nous qu’elles n’aient pas de moyens de communications entre les interrogatoires. Au menu du jour, leurs emplois du temps précis, ensuite liste des fréquentations de la maman, surtout les médecins curés et tout le toutim. Elles en savent forcément plus qu’elles ne veulent l’avouer. Les voitures qu’elles auraient vues chez leur mère, les fringues de la mère. Réfléchis pour en ajouter. Inutile de leur proposer une pipe, ça fait jaser!
–Bon, ça va. J’ai gagné mon pari c’est tout.
–Triple con, je vais t’en mettre un de pari ! Tu as tout gagné, si je voulais me faire mettre, c’est sûrement pas toi que je choisirai !
–Ouais, on dit ça !
–J’oubliais, la Volvo ! cherchez dans la maison des tickets d’essence, d’autoroute. Recherche de paiement en carte bleue aux péages A16, A28, A29 depuis Septembre dernier ! Et puis le Kangoo aussi pendant que tu y es ! Et puis la Twingo de Fanta. Tu vérifieras que les péages Liber-T et les Cartes bleues sont sur le même listing.
–Ça donne jamais rien ! On perd son temps avec ces trucs là !
–On ne sait jamais, un simple indice peut remettre en question toute l’histoire. ! Et puis t’es payé pour ça, alors, entre deux pipes, si tu as le temps. . . Rajoute à la liste une enquête discrète sur le Magnétiseur, sa voiture, ses passages au péage. Pour son ADN on verra plus tard. Demande au labo de la préfecture de passer la maison de Bertin à la loupe. Il n’a peut-être pas eu le temps de nettoyer sa cheminée, on verra s’il a brûlé des tissus, des objets, ou bien du châtaigner ! Mélie ? j’oubliais. Les documents retrouvés dans la chambre de Fanta, tu me les ramènes, je vais jeter un œil une nouvelle fois. Christa s’enferma dans son bureau avec la grosse enveloppe rapportée par Mélie. Il y avait beaucoup de factures, des lettres de copines, des cartes postales, des tickets de cinéma de boîtes, des relevés de banque, des feuilles d’impôts des amendes de stationnement. Des reçus de carte bleue. Des tickets de caisse, Auchan, Géant, Décathlon. Gemo. Un ticket Décathlon attira son attention. Sans doute parce qu’elle y était passée la veille pour acheter des Tee-shirts. Le ticket était daté du 13 décembre. Il correspondait à l’achat d’une « Veste Ski Femme « New Star » taille 42 red color, prix 89. 95€. » « Banco » pensa-t-elle.
« C’est l’anorak qu’elle portait lorsqu’on l’a retrouvée. Elle l’a acheté la veille ! Mais alors, l’ADN inconnu ? La caissière ? Bof, ça peut-être n’importe qui, qui l’aurait essayé avant elle. Ça ne vaut pas le coup de faire des prélèvements de tout le personnel pour ne rien prouver. Et puis ces cheveux, ils étaient dans les ongles, pas dans la fermeture éclair ! En tout cas, si c’est l’une de ses fréquentations et que ce n’est pas ni Flora-Jane, ni Charlie-Rose, c’est préoccupant ! Mais au fait, Charlie, on ne lui a pas fait de prélèvement ? Christa appela Charlie au téléphone, qui ne fit aucune difficulté pour passer au labo du commissariat faire un prélèvement. Cela lui donna l’occasion de se fixer un nouveau rendez-vous.
Charlie s’était présentée toute à son avantage. Superbement vêtue, avec une nouvelle coiffure plus classique, et un maquillage discret, qui mettait en valeur son regard particulier. Christa sentit une vibration qui partit d’entre les seins, comme un problème respiratoire, pour se terminer au bas du ventre. C’était quasi irrésistible, et la signification de cette sensation était parfaitement évidente. Ce n’était plus la Charlie patronne de bar à filles, c’était une jolie femme, d’une classe indéniable.
« Mais tu es méconnaissable, tu es superbe, je craque !
–J’espère bien, je fais des efforts au cas où tu aurais envie de me revoir ?
–C’est pour moi tout ça ?
–Oui, et j’avais envie d’être une radasse de luxe !
–Tu es un amour tout simplement. J’espère que tu me feras des enfants.
–Tu dis ça parce que j’ai l’air d’un mec ?
–Non, je dis ça parce que je t’aime à t’épouser.
–C’est une bonne idée ça. Je vais y réfléchir ! »
A la suite de cette conversation, Christa se rappela qu’elle avait purement et simplement oublié de faire les prélèvements à toutes les amies de Fantine Tavernier. Pour autant qu’on les retrouve, ce n’est pas toujours chose facile. On pouvait déjà commencer par Prunelle, et Prunelle pourrait donner déjà les noms de la « précédente », la suivante apparemment on la connaît. Certes, il y avait un homme inculpé, aveux enregistrés, mais il fallait que le dossier soit en inox, sinon les avocats vont le réduire en charpie.
Elle se décida à appeler Prunelle, après tout, Charlie avait accepté sans difficultés !
« Ah ! C’est toi Christa Je croyais que tu m’avais oubliée, on se voit quand ?
–Ben en ce moment je suis très occupée, je ne vois pas le jour.
–Je croyais que ton enquête était terminée ?
–Elle l’est, mais il me reste à compléter mon dossier pour le remettre au juge. Je dois réparer mes oublis. Je n’ai pas les prélèvements ADN de toutes les amies de Fanta, Charlie-Rose vient de passer. Elle a changé de look, elle est méconnaissable !
–Si je comprends bien, il faut que je me mette en robe de soirée pour aller au commissariat ?
–Je ne t’en demande pas tant, surtout que je te préfère sans robe du tout.
–Bon, je passe en fin d’ après midi, après l’école.
–Ça va, à tout à l’heure, bisous ! »
« Ouf, elle ne l’a pas mal pris, c’est déjà ça ! »
C’est à cet instant que Mélie arriva avec un listing à bout de bras :
« T’es assise ma belle ?
–C‘est grave ?
–Oui, Très. Du 13 décembre en fin d’après-midi au 15 au matin, Paul Bertin était à l’Hôpital Sud pour une RETV. !
–En clair ça veut dire ?
–Résection endoscopique de tumeur vésicale !
–C’est vrai ? Fait voir ?
–Regarde, il y a en plus la liste des soins, avec l’heure et le nom des infirmières.
–Putain ! Alors il nous a enfumés le salaud !
–Oui, ça y ressemble !
–J’aurais bien mérité que tu me baises toute la nuit !
–Oui, sans aucun doute, je n’en reviens pas.
Laisse-moi, je dois réfléchir.

 

culdecoblanc

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Jeu 30 nov 2000 Aucun commentaire