Le blog d'eve anne, Madrid.

                              

 
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VIII-Michèle
 

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On apprend combien l'on s'aime, lorsqu’ensemble on a pleuré

 Emile Deschamps

                                    

                                        Le dimanche suivant, je retournai à Compiègne pour informer mes parents de ma nouvelle situation. L’explication n’a pas été facile. Ma maman qui avait beaucoup d’estime pour Michèle pensa tout de suite que j’avais fait des choses scandaleuses. J’ai eu beau lui jurer que ce n’était pas le cas, que c’était l’usure simplement, elle ne me crût pas. Durant le voyage de retour, je savais que mes parents étaient déçus. A la Voix du Nord je me plaisais bien, le travail était intéressant, j’avais un bon salaire. Seule ombre au tableau Gustave partait en retraite. Le jour de son départ, un pot fût organisé. Les cadeaux sortirent de partout. Je m’approchais de Gustave, et je lui dis :
« Tu n’as pas voulu de mon cadeau, et je n’ai pas trouvé d’autre idée.
-Tu sais pourquoi je n’ai pas accepté ?
-Parce que je suis trop moche.
-Parce que je t’aime, tout simplement. Je serai le parrain de ton premier bébé.
-C’est d’accord !
-Mais ne tarde pas trop, le temps m’est compté ! » Cela faisait trois mois maintenant que j’avais quitté Michèle. C’était difficile à vivre. Les soirées étaient interminables. J’ai bien essayé de sortir, d’aller dans un bar, mais pourquoi faire ? Me faire draguer par les chtis, ça ne me disait rien, je m’emmerdais, Je n’avais plus Gustave et sa chaleureuse compagnie. Je me suis acheté une télé. Mais si ça me passait le temps, ça ne me rendait pas plus heureuse. Je regardais les femmes de la rédaction. Il y en avait de jolies, et j’essuyais de temps à autres quelques œillades qui n’étaient pas innocentes. Michèle disait que si on prend deux femmes, l’une au moins est lesbienne. Je le pensais aussi. C’est vrai qu’il n’est pas rare de rencontrer des filles prêtes à franchir le pas. J’ai enfin réussi à avoir le téléphone. Le premier coup de fil que je reçus me plongea dans le plus grand dilemme.
« Allo ? Je suis chez eve anne ?
-Oui, bonsoir,
-Excusez-moi de vous déranger, je suis heureuse de vous avoir trouvée.
-Tant mieux pour vous, et vous êtes ?
-Marie Ange. Je suis l’amie de Michèle.
-Grand bien vous fasse.
-Ne croyez pas que c’est facile pour moi. Je vous appelle parce que Michèle ne va pas bien. Elle vient de repartir à l’hôpital, c’est la deuxième fois. La première fois elle a pris quantité de médicaments, et là, je ne sais pas.
-Et vous voulez quoi exactement ?
-Il faut que vous reveniez, je partirai, mais sans vous elle va mourir. Elle va se tuer.
-Je ne suis pas médecin, il faut que vous vous occupiez d’elle, c’est vous qu’elle a choisie, il me semble.
-Vous faites erreur. Ce n’est pas ce que vous croyez.
-Ecoutez Marie Ange, revenir lui tenir la main pour la lâcher dans deux jours ça servirait à quoi ? Occupez vous d’elle, vous êtes son amie, c’est vous qui me l’avez dit !
-Vous êtes un monstre, pas étonnant qu’elle vous ait plaquée.
-Ben voilà, vous avez tout compris, bonne nuit »
J’appelais le CHU pour avoir des nouvelles. On me confirma une tentative de suicide, mais elle était tirée d’affaire, et elle dormait. Elle restera quelques jours, puis elle verra un psychologue.
-Ok je vous remercie. »
-Je n’aurais pas cru qu’elle l’aurait fait. Mais si j’y retourne, ça ne fera que retarder l’échéance, il faudra qu’elle réalise que c’est fini. De toute façon, tout est de sa faute. Il n’y aurait jamais rien eu avec Hélène. Elle aurait dû me laisser tranquille. Elle a mis le ver dans le fruit, Il faut jeter le fruit. J’étais étonnée de ne pas ressentir plus d’émotions. Mais en fait, j’eus du mal à trouver le sommeil, et je fis d’horribles cauchemars. Marie Ange me rappela le lendemain, je l’envoyais paître. Du genre :
« Vous l’avez voulue, vous l’avez, assumez ! » Michèle sortit de l’hôpital une semaine après. Je ne suis pas retourné la voir. Mais j’ai eu très mal. J’avais peur de reprendre une vie commune qui ne serait plus jamais celle que l’on a vécue. Alors, tant bien que mal, j’ai résisté. Marie Ange est venue chez moi ! C’est vrai qu’elle était jolie, et son air apeuré la rendait encore plus belle. Mais je tins bon, et la priait de rejoindre Michèle et de me laisser tranquille.
Au journal, on me confia une campagne de pub pour le recrutement à l’Armée. C’était un travail nouveau, qui me passionna. Cela me permit de décompresser un peu.
Par une de ses amies, je sus que Michèle avait repris le travail. Elle accepta que je l’appelle de temps à autre pour avoir des nouvelles. Au ton qu’elle avait, je pense qu’elle aurait aimé que l’on se voie. Ces femmes !!! C’est fou ça !
Après avoir travaillé pour cette pub de l’armée, j’eus dans les mains le rush du dépliant publicitaire. Et plus le temps passait, plus l’idée farfelue me travaillait la tête. Pourquoi ne pas m’engager ? Ça me déconnecterait totalement de Lille, de l’enseignement, du journalisme, ce serait une nouvelle vie, j'apprendrai autre chose et après, on verrait. Je pris le maximum de renseignements. Je ne voulais pas entrer dans l’armée pour être deuxième classe et faire les corvées de tinettes. Finir caporal ne m’intéressait pas. Je voulait être officier. Les gradés qui me recevaient eurent un rire sardonique.
« Mademoiselle, vous n’y pensez pas réellement ? Pour être officier, il faut être d’un niveau universitaire élevé, il faut avoir une excellente condition physique. Il faut aussi passer des tests…
-Bon, admettons, il faut combien de temps pour y arriver, et si j’y arrive, quelle sera la solde ? Les militaires se regardèrent me prenant pour une folle. Ils me répondirent qu’il fallait compter de neuf mois à un an, selon la date d’ouverture de l’école d’officier pour femmes.
-Mais je ne demande pas une école pour femme ! Je peux faire aussi bien que les mecs ! Peut-on commencer par les tests, après je verrai si je m’engage ou pas ?
-Ce n’est pas prévu. Il faut s’engager d’abord.
-Vous rigolez j‘espère, je ne vais pas m’engager pour être bidasse pendant deux ans !
-Bon, on va se renseigner, on vous rappellera ! » J’étais sidérée. Engagez vous, après on verra ! Deux jours après j’avais une réponse. Pour faire les tests il faut faire une préparation militaire. Six mois au moins !
-ok, je prends. » Et je commençais la préparation militaire. Pour le sport, il n’y eut aucune difficulté. A toutes les épreuves j’arrivais en tête, excepté les marches commando ou le sac plein de cailloux était vraiment trop lourd. Au 10000m j’arrivais première. Au 5KM nage libre, j’étais la seule à arriver. Au tir je me suis bien défendue. Dommage qu’il n’y avait pas de vélo. Pour ce qui est de la formation théorique, il suffisait d’apprendre, et il y avait beaucoup d’épreuves de Français, où j’étais évidemment la meilleure. Le parcours du combattant me plut beaucoup. J’adorais cette épreuve. J’eus droit aussi au close combat, ou l’absence d’adversaire féminin me desservit. Le contact rapproché avec les garçons me déplaisait beaucoup Mais je n’étais pas la plus faible. L'instructeur ma rassura:
«En temps de guerre on vous choisira des ennemis du beau sexe!»
Ce que je découvris et qui me plut énormément fut les explosifs, les travaux publiques, et le tir à la mitrailleuse. A l’étonnement général, je sortis première de la promotion. Quand je revins devant les recruteurs, ils faillirent avoir une attaque.
« Vous êtes un extra terrestre ?
-Non, je suis une femme simplement.
-On a du mal à vous croire. Ce brevet de préparation militaire vous donne l’entrée à l’école d’officier. Pendant le peloton la solde sera de ;;;;(je ne me rappelle plus) et ensuite c’est suivant le grade que vous aurez en sortant, Aspirant ou Sous-lieutenant. Mais là, c’est vraiment la crème qui sort Sous-lieutenant.
-ça tombe bien j’adore la crème.
-Vous ne voulez pas dire que vous prétendez….
-On parie ?» Les militaires ne prirent pas le pari. Dommage pour moi. Je quittai La Voix du Nord avec émotion. J’avais été heureuse dans cette entreprise. La camaraderie qui règne chez les chtis, n’est pas une légende. Michèle n’avait pas fait de nouvelles tentatives de suicide. Elle avait repris son travail, et ne semblait plus avoir de problèmes. Marie Ange avait disparu de sa vie, on ne lui connaissait pas de liaison.
Je rencontrais Nathalie, l’amie qui m’avait si gentiment donné de ses nouvelles durant ce temps. Je l’invitais au restaurant, rue de Béthune. La jeune femme arriva pile à l’heure. Elle était très élégante, et aussi très belle, je dois le reconnaître. On se fit un petit repas aux chandelles, où, bien sûr, je fis beaucoup de confidences. La fille buvait mes paroles, quand je vis ses yeux briller, je levais le pied, je savais ce que ça voulait dire. Et je lui appris que je m’étais engagée dans l’armée pour deux ans. Je lui demandais, à son avis, si je devais le dire à Michèle ? De gros sanglots me répondirent. Certes, elle avait un peu bu, mais elle semblait catastrophée de savoir que c’était la première et la dernière fois que l’on se verrait.
«Je ne reviendrai pas à Lille. Je pars à Compiègne, pour être incorporée, et je continue sur Angers tout de suite après. 
- Et tu pars quand ? » Le tutoiement fut spontané et me fit un bien immense.
« Le temps de rendre mon studio et je pars. Mon père vient chercher mes affaires et mon vélo demain.
-Je suis effondrée. Je pensais que l’on ferait un bout de chemin ensemble, on s’est tellement bien entendues au téléphone.
-C’est vrai. D’ailleurs, pour t’en remercier, je t’ai ramené un petit cadeau. C’est tout simple, j’espère que ça te plaira. » C’était un petit pendentif en améthyste avec une chaine en or. Je vis son regard s’écarquiller en voyant le bijou.
« Tu m’as dit que tes yeux tournaient quelque fois au violet ?
-Oui quand je suis amoureuse. Regarde, c’est maintenant ! » Elle n’avait plus de voix, l’émotion était au top. Pourtant ce n’était qu’un petit cadeau. « Tu m’offres ça et tu t’en vas ?
-Oui, mais je ne t’oublierai pas.
-Et moi, comment veux tu que je t’oublie ?
-Ecoute. Tu connais mon histoire, ce que je veux faire c’est prendre le recul dont j’ai besoin, oublier le mauvais pour ne garder que le bien.
-Et que vais-je faire ? Tu y as pensé ?
-Oui, tu feras des câlins à ton mari, et tu veilleras sur Michèle, c’est la femme la plus extraordinaire qui soit. Elle vaut mille fois mieux que moi. Si elle arrive à surmonter son malheur, tu verras qu’elle nous étonnera. »
On prit le chemin du retour. Je la déposais devant chez elle. On s’embrassa sur les lèvres comme deux amoureuses. Elle me caressa les seins, je le fis aussi. Je mis la main entre ses cuisses, elle se laissa faire, je la caressais longuement, je lui donnais du plaisir. Puis je léchais mes doigts avec délice. Elle était complètement épuisée. J’attendis qu’elle reprenne un peu de vie.
« Cette fois je me sauve.
-Oui, fais le avant que je sois en mesure de te suivre. Tu veux me dire ton âge ?
-Oui, je vais sur mes 25 ans.
-Mon dieu ! J’en ai dix de plus !
-Et alors ?
-Alors je t’aime à la folie.
-Au revoir grand-mère, si tu veux bien je t’appellerai encore.
-Pour avoir des nouvelles de Michèle ?
-Et de toi aussi bien sûr. Sois belle, sois comme tu es, ne change rien. »
Le lendemain, je repartais avec mon père vers Compiègne. Depuis que j’étais seule et que j’avais pris la décision de m’engager, les relations avec mes parents avaient beaucoup changé. Je suis sûre qu’ils se faisaient du mauvais sang pour mon état mental.
« Ta mère ne va pas bien, elle pense que tu as fait une erreur.
-C’est possible, mais je ne pouvais pas faire autrement. D’abord parce que le monde de l’enseignement me fait maintenant horreur. Ce n’est que mesquineries méchancetés et conspirations. Avec Michèle nous avons vécu le paradis, et nous ne pouvions plus vivre quelque chose qui n’était plus le paradis. Michèle a fait deux tentatives de suicide, elle, si forte. C’est parce qu’elle est malade, elle l’aurait fait, même avec moi.
-Mais si elle est malade, tu y es sûrement pour quelque chose ?
-Bien sûr que oui, mais si je reste, ça sera pire. Pour mille raisons je devais la quitter.
-Il faudra faire comprendre ça à ta mère.
-J’y renonce. Elle ne peut pas se mettre à ma place. Et peut-être que je rencontrerai un garçon, et que je lui donnerai une petite fille ?
-Toi avec un garçon ? Tu ne sais même pas que ça existe !
-Ne sois pas méprisant. J’apprendrai vite s’il le faut. Il n’est peut être pas écrit que je resterai lesbienne toute ma vie ?
-J’ai horreur de cette étiquette.
-Je sais, mais il faut appeler un chat un chat, et ceci dit, sans jeu de mots.
-Et pourquoi t’es tu réellement engagée ?
-Pour me changer les idées. Pour faire quelque chose de différent, quelque chose que les autres filles ne font pas. Et puis, ce n’est quand même pas une révolution ? C’est un métier comme un autre !
-C’est pas comme ça que tu séduiras les hommes.
-Je m’en fiche, ce n’est pas une priorité.
-Tu es sûre que tu iras jusqu’au bout ?
-Evidemment ! Je sais de quoi il en retourne, j’ai fait la préparation militaire supérieure, il n’y aura pas de lézards.
-J’espère que tu dis vrai, et que tu seras heureuse. Tu ne pouvais vraiment pas rester au journal ?
-Non.
-Et pourquoi ?
-Parce que Gustave est parti en retraite.
-Et alors ?
-Alors rien, il n’est plus là, et il me manque.
-Ce n’était pas ton amant ? Alors pourquoi ?
-Je ne sais pas, c’est comme ça. » C’est vrai que l’accueil de ma mère fut des plus froids.
« Vous n’allez quand même pas me faire un cirque parce que je ne vis plus avec Michèle ?
-Avec elle on était sûre que tu ne faisais pas de bêtises. D’ailleurs regarde ou tu en es, tu veux aller dans l’armée, alors que les garçons font tout pour l’éviter.
-Je ne vois pas le rapport. Et puis Zut. C’est comme ça et c’est tout, on n’en parle plus. Oubliez moi. occupez vous de ma sœur.



Elle est tellement conne qu’elle a besoin de vous. »



 

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Jeu 14 jun 2007 1 commentaire

L'Armée! Quel diable de femme tu fais! Dans ce chapitre, tu parais tellement déterminée et si inflexible, même à l'égard de tes parents! Quel changement! D'ailleurs, tu ne dis plus "ma maman" (je trouvais ça mignon et amusant) comme dans les premiers chapitres, mais "ma mère"... Je t'embrasse.

Ophélie Conan - le 18/05/2010 à 23h15

Oui, c'était bien comme ça que je le ressentais. tant qu'elle me chouchoutais c'était ma maman, du jour où elle s'est opposée, c'était ma mère. Pour simplifier, ma maman m'aimait beaucoup alors que ma mère adorait ma soeur.

eve anne