Le blog d'eve anne, Madrid.

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La Mulâtresse Solitude

Guadeloupe 1802

200ème anniversaire du rétablissement de l'esclavage 

 

"Les vastes plaines ouvertes, les belles collines et les eaux qui serpentent en méandres compliqués n'étaient pas sauvages à nos yeux. Seul l'homme blanc trouvait la nature sauvage et pour lui seul la terre était infestée d'animaux sauvages et de peuplades sauvages. À nous, la terre paraissait douce et nous vivions comblés des bienfaits du grand mystère. Elle ne nous devint hostile qu'à l'arrivée de l'homme barbu de l'est qui nous accabla d'injustices insensées et brutales. 

 C'est quand les animaux de la forêt se mirent à fuir à son approche que commença pour nous l'ouest sauvage".

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« La résistance à l'oppression est un droit naturel. La divinité même ne peut être offensée que nous défendions notre cause. Elle est celle de la justice et de l'humanité: Nous ne la souillerons pas par l'ombre même du crime. Oui, nous sommes résolus à nous tenir sur une juste défensive mais nous ne deviendrons jamais les agresseurs. Pour vous, restez dans vos foyers et ne craignez rien de notre part. Nous vous jurons solennellement de respecter vos femmes, vos enfants, vos propriétés, et d'employer tous nos moyens à les faire respecter par tous. Et toi, postérité ! Accorde une larme à nos malheurs et nous mourrons satisfaits . »

Le Commandant de la Basse-Terre, L.DELGRES

Guadeloupe 1802

En éliminant 10% de la population, aujourd’hui, le nom de Napoléon Bonaparte, responsable de ce crime contre l’humanité, est plus familier et glorieux pour nos enfants que ceux d’hommes et de femmes de Guadeloupe, Martinique, Sainte-Lucie, tels que Delgrès , Ignace, Palerme, Massoteau, Gédéon, Jacquet, Codou, Dauphin, Kirwann, Nicolos, Marthe-rose, Solitude… Et pourtant, ces noms sont ceux de nos parents qui, avec tant d’autres, n’hésitèrent pas à se dresser dignement face à l’armée napoléonienne venue pour rétablir l’esclavage.  

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Le 28 mai 1802 plusieurs centaines de soldats et de civils noirs encerclés par les troupes expédiées par le gouvernement français de l’époque pour rétablir l’esclavage, se sont donné la mort sur l’habitation Danglemont à Matouba. Avec eux se trouvait Delgrès qui, depuis le 9 mai avait pris la tête du soulèvement des soldats noirs de l’armée coloniale contre les agissements de Richepance, l’envoyé de Bonaparte, premier consul qui dirigeait la France en 1802.Celui-ci veut rétablir l’esclavage dans les colonies d’Amérique, Haïti, Guadeloupe, où les esclaves ont arraché et préservé leur liberté avec leurs armes. Dans ces deux îles, il y a des milliers de soldats noirs, de corsaires noirs qui savent se battre courageusement. Deux expéditions vont donc être envoyées, une vers Haïti et une autre, plus tard, vers la Guadeloupe, pour casser ces armées noires. L’expédition d’Haïti sera un échec et une victoire pour les Noirs et ce fut le contraire en Guadeloupe où le soulèvement se terminera dans des luttes sanglantes et par l’échec des résistants

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Ignace se révolte.

 

C’est dès le 6 mai qu’est posé le premier acte de rébellion des militaires noirs. Richepance, arrivé la veille avec son expédition forte de 3500 hommes, veut reprendre en main les casernes et particulièrement la garnison du Fort de la victoire à Pointe à Pitre commandée par Ignace. Celui-ci est sur ses gardes. Il a constaté dès la réception de Richepance que les officiers et troupes noirs étaient systématiquement traités par le mépris, ignorés par les officiers français, que Pélage l’officier de couleur qui commandait la Guadeloupe était traité avec méfiance. Il en tire la conclusion que les intentions de Richepance n’étaient pas simplement de régler un problème administratif et politique, comme il l’affirmait, en prenant le commandement de la colonie. Aussi lorsque Richepance arrive pour prendre en main le fort où il commande, juge-t-il plus prudent de s’esquiver discrètement et s’en va avec quelque cent cinquante hommes. Ce sont ces hommes qui, arrivés à Basse-Terre dans la nuit du 7 au 8, vont informer la garnison de Basse Terre et Delgrès du fait que Richepance désarme les troupes noires et jette à fond de cale de ses navires des centaines de soldats noirs, avec la complicité de l’officier général noir Pélage. Celui-ci, qui a longtemps bénéficié de la confiance des soldats et officiers noirs en tant que plus haut gradé, a choisi en fait depuis longtemps de se soumettre à l’autorité centrale. Il joue le jeu de ce pouvoir et veut rétablir l’autorité centrale sur la Guadeloupe, sans se soucier du fait que ce qui est en jeu c’est bien le rétablissement pur et simple de l’esclavage.

 

Delgrès prend la tête de la révolte.

 

C’est alors que Delgrès, informé par Ignace, prend sa décision de ne pas se soumettre à Richepance et entraîne avec lui toute la garnison de Basse Terre dont il est le commandant militaire.Dès le 11 mai Delgrès et Ignace sont pris sous le feu des attaques des troupes de Richepance qui vient en personne commander l’attaque avec l’aide de Pélage. Le gros des troupes de répression est réparti sur les fronts de la région de Palmiste sur les hauteurs de Gourbeyre-Trois-Rivières et de Baillif en remontant sur les collines surplombant Basse Terre, en direction de la campagne de Ducharmoy. Les dits rebelles noirs sont concentrés dans Basse-Terre et tiennent le Fort Saint Charles (aujourd’hui Fort Delgrès). De là ils partent pour répondre aux attaques d’abord sur la région de la rivière Duplessis et Rivière des Pères (Baillif). Les combats sont très meurtriers et ils subissent de grosses pertes. Puis ils sont menacés par les troupes du Général Sériziat dans les collines de Ducharmoy/Saint-Claude. Enfin des troupes débarquées dans la région de la rivière Duplessis marchent sur le centre de Basse Terre actuel, vers la Rivière aux herbes. On se rend compte alors que les insurgés sont réduits à s’enfermer dans le Fort Saint-Charles. Ils sont aussi attaqués à l’artillerie depuis les navires et bientôt leurs propres batteries seront détruites. Le fort devient invivable et ils décident alors de partir. Delgrès et Ignace se séparent, celui ci va partir en direction de la Grande terre pour y soulever les travailleurs et “cultivateurs” dans les plantations, créant ainsi un deuxième front important qui divisera les forces de Richepance. Delgrès, pendant ce temps, va remonter sur le Matouba et s’adosser à la montagne et à ses forêts espérant avoir ainsi des espaces de replis et de communication avec la Grande Terre et Ignace.Mais le facteur temps joue un grand rôle et les décisions prises jusqu’ici l’ont toujours été sous la pression des attaques des troupes françaises et avec une certaine improvisation. Les officiers noirs ont réagi avec retard aux attaques de Richepance qui a constamment eu l’initiative; les troupes françaises montent à l’assaut de Matouba et de l’habitation Danglemont. Quand Delgrès s’avise qu’il sera enfermé dans cette situation, il est trop tard, il se heurte à un encerclement qui lui interdit toute fuite vers un autre théâtre d’opérations plus favorable.

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Pendant ce temps, Ignace parcourt la route entre Basse Terre et Pointe à Pitre en semant la terreur dans les plantations et chez les propriétaires y recrutant des forces vives prêtes à se battre. Quand il arrive dans la région de Pointe à Pitre ses troupes se sont beaucoup renforcées. Mais au lieu de continuer son travail de soulèvement sur les plantations, il menace Pointe à Pitre qui, dans un premier temps est mal défendu, puis se renforce. Ignace persiste dans cette intention de tenir un siège et s’installe sur le plateau de Baimbridge où un semblant de fortin sans artillerie réelle n’offre pas de couvert, pas de protection. Dès lors que Richepance a pu renforcer Pointe à Pitre qui est alors munie d’une bonne artillerie, celle ci pilonne le fortin de Baimbridge. Là aussi toute la région environnante est bouclée et le dégagement de ce plateau est impossible. Il s’ensuit alors un véritable carnage. Plus de 600 insurgés seront massacrés. Soldats officiers, travailleurs des plantations, femmes, enfants qui avaient rallié la révolte sont soit écrasés par la mitraille soit passés au fil des épées ou des sabres.


          Pendant des mois, il restera ce qu’on a appelé des “coureurs des bois, des brigands” qui vont se réfugier dans les forêts et de là passer dans les plantations pour y prêcher la révolte et pour incendier ou tuer des propriétaires. Ils seront systématiquement pourchassés. Ceux-là on va les torturer selon des méthodes dignes du Moyen âge, par le feu ou on va les rouer de coups jusqu’à la mort ou les pendre avec exposition des cadavres pendant des jours pour l’édification des autres Noirs, tentés par la révolte.L’ordre peut désormais être rétabli et selon les mots de Richepance: “ les chefs sont morts, tout le reste est désarmé, soumis et retourne au travail qu’il n’aurait pas dû quitter”. Des milliers de soldats noirs, des officiers, des cultivateurs, des ouvriers des plantations seront exécutés, déportés ou revendus comme esclaves par centaines. Il ne faut surtout pas garder dans la colonie des gens qui ont goûté à la liberté et à surtout à la révolte armée contre le pouvoir.

 

Mais qui étaient-ils ?


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Ignace

Ancien menuisier, s'était engagé dans l'armée de Victor Hugues combattant les anglais en Juin 1794, y avait gagné ses galons de capitaine et commandait le Fort de la Victoire à Pointe-à-Pitre à l'arrivée de Richepance. Il refuse de déposer les armes comme celui-ci le demandait aux soldats noirs réunis dans la plaine de Stevenson. Avec une poignée de soldats et d'officiers, il échappe à la vigilance du corps expéditionnaire et rejoint Delgrès à Basse-Terre. S'étant retiré au Fort Baimbridge, il y fut assiégé par les troupes esclavagistes commandées par les généraux Pelage et Gobert. Vaincu par le nombre et la disproportion des armées, il y trouva la mort avec la plupart de ses compagnons.

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 Delgrès

Né à Saint-Pierre de la Martinique, le 2 avril 1766, entré dans les milices en qualité de fusilier en 1783, il avait conquis ses galons en défendant les îles contre les anglais.Il sert comme lieutenant sous les ordres de Rochambeau à la Martinique lors de la défense de cette île contre les Anglais. Il se distingue au combat du Morne Rouge, le 20 février 1793. Déporté par les Anglais, il est débarqué à Saint-Malo, puis versé au bataillon des Antilles créé à Brest.Il est nommé Capitaine et participe au siège de l'île de Saint-Vincent où il est fait prisonnier et conduit dans les prisons de l'Angleterre. Libéré quelques temps après, il est fait chef de bataillon et s'embarque pour la Guadeloupe. Pelage le désignera pour commander la garnison de Basse-Terre. En 1802, après une farouche résistance à Matouba, où il s'était retiré avec les derniers combattants de la liberté, il se fit sauter avec l'avant-garde des troupes de Richepance, plutôt que de retourner dans la servitude.

De son vrai nom François-Dominique Breda, est né le 24 mai 1743 sur l'habitation 9.jpg Breda. Le nom de Louverture, écrit aussi à l'époque l'Ouverture, lui avait été donné par ses compagnons de servitude à cause de la vivacité de son intelligence et de son aptitude à vite analyser une situation donnée. Affranchi à 33 ans, il en avait 48 quand éclata le soulèvement d'esclaves conduit par Bouckman dont il fut un des lieutenants. Après la mort de celui-ci et au fur et à mesure de la radicalisation de la lutte des Noirs ayant à affronter tantôt l'armée des Blancs, tantôt celle des Mulâtres, débarrassé de la présence des autres chefs historiques de l'insurrection tués au combat ou attirés par les propositions alléchantes des autorités de la partie espagnole de Saint-Domingue, Toussaint devint dès 1794 le chef de l'armée noire. Apportant son appui aux commissaires civils délégués par l'Assemblée nationale, dont l'autorité était menacée par les Blancs livrant le pays aux Anglais, il fut fait général de brigade puis commandant en chef par la Convention et le Directoire, et chassa les Anglais de l'île dont il assura avec succès le gouvernement général à partir de 1798. Arrêté par traîtrise par le général Leclerc, commandant le corps expéditionnaire français, il fut transféré en France et enfermé au Fort de Joux, dans le Jura où il mourut peu après de froid et dans l'isolement le plus total.


Marie-Rose Toto,

Combattante, maîtresse de Delgrès enfermée avec lui dans le Fort, elle eut la jambe fracturée et fut portée au bourreau sur un brancard.

Palème et Jacquet.

 Palème chef de bataillon des troupes noires sous Victor Hugues devint commandant de la place d'armes de Pointe à Pitre. A Dolé, aux cotés de Jacquet et à la tête de 200 hommes, il défit un bataillon de 900 hommes de troupes coloniales parties de Pointe à Pitre pour prêter secours à Richepance. A nouveau attaqués à revers sur le poste de Dolé, ils battirent les troupes coloniales emmenées par le Capitaine Crabé et passèrent par les armes un officier pour crimes de guerre.

Massoteau,

Chef de bataillon, nommé commandant de la place d'armes de Basse-Terre, se rebelle aux cotés d'Ignace en quittant le fort de la Victoire à Pointe à Pitre. Il meurt noyé au cours du trajet conduisant les rebelles de Petit-Canal vers la Basse-Terre.

Noël Corbet,

Homme de couleur, commerçant de Pointe à Pitre, promu commandant du fort Fleur d'Epée. Aux cotés d'Ignace, il livra notamment bataille à Basse-Terre devant la rivière des Pères face à Richepance.


Capitaine-Nicolo,

Combattant, fut blessé et morut aux côtés de Delgrès à Baillif au cours de l'assaut des troupes de Richepance menées par Pélage et Gobert.

Capitaine-Mondesir-Grippon,

Capitaine de la garde nationale, fut pendu et son cadavre exposé au morne Constantin.

Capitaine-Doria-et-Sans-Peur,

Combattants aux côtés de Delgrès, prisonniers après la bataille de Matouba, furent pendus et exposés au morne Constantin.

Jean-Charles, Corsaire,

A tenu tête avec quelques hommes à un bataillon entier des troupes coloniales de Richepance, prisonnier après la bataille de Matouba, il fut pendu et exposé au morne Constantin.

Monnereau,

Aide de camp et secrétaire de Delgrès, condamné à être pendu pour avoir rédigé la proclamation de Delgrès, il fut supplicié et son cadavre exposé sans sépulture jusqu'à putréfaction

Le Capitaine Dauphin,

Combattant auprès de Delgrès à Matouba, il fut retrouvé mutilé mais vivant après l'explosion du fort. Il fut pendu au cours Nolivos à Basse Terre et son cadavre exposé sur la potence du morne Constantin.

       La Mulâtresse Solitude Mulatresse Solitude detail Elle est née vers 1772, d'un viol que sa mère a subi d'un marin sur le bateau qui l'emmenait en Guadeloupe

Elle vécut les huit premières années de sa vie avec sa mère, qui s'était enfuie de sa plantation. A son adolescence, elle choisit de lutter contre l'esclavage, devient nègre marron et prend le nom de Solitude. Ce commencement de liberté la grise. C'est à la révolution française, avec la première abolition de l'esclavage, que les nègres des colonies prennent goût à la liberté. Mais Napoléon envoie Richepance rétablir l'esclavage en Guadeloupe en 1802, ce qui déclencha un conflit, entre les troupes Napoléoniennes et les bataillons noirs de l'armée républicaine. A la tête d'une troupe de nègres marrons, elle se bat mais elle est vaincue et arrêtée. Elle assiste à la résistance et aux morts héroïques d'Ignace et de Delgrès. Solitude est une maîtresse femme. Sa légende est née de son courage, que les Blancs caricaturaient, en la présentant comme folle. Voici ce qu'ils disaient d'elle : "Elle laissait éclater, dans toutes les occasions, sa haine et sa fureur.... Et cette malheureuse allait devenir mère !

"Solitude n'abandonna pas les rebelles et resta auprès d'eux, comme leur mauvais génie, pour les exciter aux plus grands forfaits." Les plus grands forfaits correspondent donc dans la bouche de A. Lacour ( "Histoire de la Guadeloupe", 1858) à la résistance des noirs face au rétablissement de la l'Esclavage par Napoléon. Elle s'est vainement battue pour éviter une vie d'esclave à l'enfant qu'elle portait en elle. Après son arrestation, elle est condamnée à mort. Le lendemain de son accouchement, le 29 novembre 1802, elle fut exécutée.


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Maison des esclaves

La maison des esclaves Pointe à Pitre


tortue  
Jeu 24 jan 2002 Aucun commentaire