Le blog d'eve anne, Madrid.

 Le Chemin de Badajoz

 

1ère partie.

  Teresa

 

Teresa fatiguée, s’arrêta au bord de la route sur un petit refuge, à un kilomètre environ du carrefour de la route nationale, à la sortie de Talavera de la Reina.   Elle hésita un moment avant de prendre une carte dans la boîte à gants. Elle était de mauvaise humeur. C’était un geste machinal, car en fait, elle connaissait bien la route. Mais en cette fin de journée, elle ne se sentait pas bien, ni dans son corps, elle avait froid, ni dans son esprit, elle était là à contrecœur.
C’était le 24 décembre, le soir même, on célébrait la Navidad, à Badajoz chez sa sœur Lena, où elle allait passer les fêtes de fin d’année; la fête des orangers. Elle était partie de Madrid trois heures auparavant, elle était passée par Tolède pour embrasser son amie. Elle était en retard comme d’habitude, elle était incapable de gérer son temps, elle en souffrait beaucoup. A l’extérieur de la voiture, le froid était vif et le vent violent ; Quelques flocons de neige voletaient tourbillonnants. Elle n’aimait pas cette époque de l’année, ces fêtes à répétition où il était de bon ton de se composer un personnage heureux, même si l’on n’avait pas envie de rire.

Tout droit, la route par la Sierra de Miravete avec le viaduc sur le Rio Tajo à la sortie d’Almaraz, traversait entre autres nombreux villages, Trujillo et Caceres. Traversées difficiles et interminables, bouchons, feux rouges, poids lourds, et foule de piétons; et surtout ,d’interminables travaux dus à la construction de l’autoroute; toutes sortes de joyeusetés qui la feraient arriver avec un peu de chance d’ici trois-quatre heures à Badajoz. Sur la gauche, la route par le col de San Vicente, dans la Sierra de Altamira , Route plus difficile mais beaucoup moins fréquentée, elle pouvait gagner une demi-heure, voire une heure si la neige voulait bien attendre un peu. Elle repartit donc, et au carrefour tourna à gauche, après un interminable feu rouge. La route commença à grimper en lacets ininterrompus. Sans s’en rendre compte, Teresa poussait sa voiture plus qu’il n’était besoin. Elle conduisait dans un style rallye, dont elle ne  maîtrisait pas, hélas, toutes les finesses. Au détour d’un virage, elle aperçut, plus haut   dans la montagne, des lumières blafardes. C’était le barrage de Garcia de la Sola, Elle comprit qu’elle s’était trompée de route. Elle se dirigeait vers le col de San Isidoro. Une fois passé le col, elle redescendrait sur Herrera del Duque, après avoir contourné la retenue du barrage par la rive gauche, puis elle filerait sur Vegas del Guadiana, puis Mérida et enfin Badajoz. Elle se demandait comment elle avait pu se tromper, Cette route était sinueuse, étroite et interminable. Il lui faudrait au moins une heure de plus.    Elle en était là de ses pensées quand une odeur de chaud vint la troubler désagréablement. Un coup d’œil au tableau de bord pour voir un signal rouge s’allumer violemment au centre des cadrans. Sur ce carré rouge, le mot « STOP » clignotait en surbrillance de façon inquiétante. C’était en pleine côte, pas de place pour se garer, Teresa continua jusqu’au prochain lacet et se gara à l’extérieur du virage. « Elle se gara » est un euphémisme : le moteur s’étouffa, la voiture s’immobilisa dans un nuage de fumée blanche à l’odeur d’huile surchauffée, extrêmement désagréable. Teresa sortit de la voiture croyant qu’elle allait prendre feu. Elle s’éloigna et attendit à quelques pas, la route était déserte, il faisait nuit, elle prit peur et ressentit le froid qui la traversait. Frigorifiée, elle remonta dans la voiture, et se mit à attendre, grelottante, glacée, terrorisée. La perspective de passer la nuit ici, lui était insupportable. La neige s’était mise à tomber, elle allait mourir ici gelée, personne ne viendrait à son secours. Elle ne voyait aucun moyen de signaler sa présence, et à qui ? Il lui vint l’idée de mettre le feu à la voiture, rien que pour se faire remarquer, mais sans allumettes ni briquet, comment faire. Et puis, est-ce qu’un feu attirerait vraiment l’attention de quelqu’un dans ce désert de cailloux ? Elle ferma les yeux, le froid, la fatigue, l’engourdissaient. . . Combien de temps dormit-elle ? Elle ne le sut pas vraiment, Elle se réveilla tout à coup en sursaut; elle avait entendu un bruit, elle avait vu de la lumière, avait elle rêvé ? Toute son attention se tendit, elle aurait voulu calmer les battements de son cœur, pour entendre davantage. Puis soudain, plus de doute, c’était bien les phares d’un véhicule qui balayaient la nuit. Au moment où le véhicule déboucha du dernier virage, Térésa jaillit de sa voiture, en agitant les bras, aveuglée par la lumière de ce qui lui sembla être un bus ou un autocar. A sa grande surprise, le car s’arrêta, laissant tourner le moteur, et dans un bruit de chuintement pneumatique, les portes s’ouvrirent. Teresa grimpa dans le car, qui paraissait plein de voyageurs endormis, personne ne bougeait, ne parlait, personne, -même le chauffeur- ne lui adressa le moindre mot. Teresa chercha des yeux une place libre qu’elle trouva sans peine à coté d’une forme endormie. Le car était reparti dans son ronronnement éternel, grimpant la côte avec une visible difficulté.   C’est alors que Teresa s’aperçut qu’elle avait laissé son sac et sa valise dans la voiture. Elle bondit vers le chauffeur qui ne répondit pas à sa demande de faire demi tour, était-il sourd, idiot, étranger ? , il ne s’arrêta pas; bourru, têtu, borné, il continua. Teresa découragée rejoignit sa place.   Demain, Quand elle reviendrait avec la dépanneuse, avec un peu de chance. . . . Teresa retomba dans l’engourdissement, bercée cette fois par le bruit du moteur. Dans la lumière des phares, la neige tombait maintenant à gros flocons. Elle pensait à sa sœur qui allait s’inquiéter, à son amie Dolorès laissée à Tolède avec une forte grippe. Epuisée elle se laissa aller, comme tous les voyageurs, déjà profondément endormis, Teresa, s’était assoupie, assommée de fatigue, Il faisait relativement chaud dans le car. .Elle ne se rendit pas compte qu’avant d’arriver au col, le car avait bifurqué à droite sur une toute petite route. Quand elle ouvrit les yeux, le car était arrêté, le moteur tournait, la neige tombait encore, la lumière des phares éclairait une muraille sombre. Sur le coté, un porche se découpait en gris sur l’ombre noire de la façade. Au dessus du porche, une minuscule ampoule éclairait le lieu d’une lumière falote, dérisoire. Les flocons de neige ressemblaient à des papillons virevoltant autour de l’ampoule. Le porche, surmonté d’un listel gravé mais illisible dans la nuit, s’éclaira au fur et à mesure que les portes s’ouvraient avec une lenteur inquiétante. Dans son demi-sommeil, Teresa découvrait le décor avec effroi. Le car entra sous le porche, derrière lui, les portes se refermèrent aussitôt

 

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Sam 15 sep 2007 4 commentaires
superbe blog mille merci 
du coup on va vite s inscrire bises
les.godasses - le 02/03/2010 à 20h08
Gentil de votre part. Si vous aimez, vous pouvez en reprendre, il y a de quoi.
Bisous.
eve anne

de très beaux articles

sacreecoquine - le 27/04/2010 à 00h05

Encore merci Sacrée Coquine, j'apprécie la fidélité. Une tonne de bisous !

eve anne

Quelle inquiétante atmosphère, comme un rêve... ou un cauchemar?

Je continue...J'espère que ce n'estpas une histoire d'épouvante :)

Bisou eve anne

Ondine - le 23/01/2013 à 23h43

Voilà une histoire qui commence bien, pleine de mystére, c'est bien écrit et amené... http://divineinnocente.onlc.fr/

Nicky Gloria - le 10/07/2017 à 18h02

Très heureuse de ta visite dans mes nouvelles. J'espère que tu ne te lasseras pas trop vite. Il ya dans le blog l'équivalent de 2500 pages !!! Avec mes excuses pour ma réponse tardive. Le chemin de Badajoz est peut être le plus apprécié, bonne lecture... baisers ea.

 

eve anne