Le blog d'eve anne, Madrid.

 Le Chemin de Badajoz

  2 ème Partie

LENA

 

  Lena commençait à s’inquiéter sérieusement ! Teresa l’avait appelée au téléphone juste avant de partir. Elle savait bien qu’elle ferait le détour par Tolède, elle connaissait sa liaison avec Dolorès, liaison qu’elle n’approuvait pas bien sûr, comment l’aurait elle pu ? Mais même, elle aurait dû être là depuis deux heures au moins ! Elle avait appelé la Guardia Civil, mais aucun accident n’était signalé, ils ne pouvaient pas la renseigner. Ses invités menaient déjà grand bruit.   En Espagne on ne renonce pas à une fête comme ça; Lena était seule à se morfondre, à s’inquiéter.   Lena était la sœur aînée de Teresa , elle ne pouvait supporter l’idée qu’il soit arrivé quelque chose à sa petite sœur. Antonio, le mari de Lena, essayait de la rassurer. Le ton était décalé, il était lui-même plus qu’inquiet. Il faisait des efforts, il cachait mal son jeu .Ils se décidèrent à appeler Dolorès , reléguant pour cela tous leurs a priori sur les femmes homosexuelles , dont la simple évocation était pour eux une honte qu’ils ne supportaient pas. Peine perdue, Dolorès avait bien vu Teresa en milieu d’après midi, mais n’avait pas eu d’autres nouvelles depuis.
Aux premières heures du jour, les invités venaient de quitter la finca; Teresa n’était toujours pas arrivée. A l’ouverture des bureaux de la Guardia Civil,Lena et son mari étaient là pour déclencher des recherches, ils n’avaient pas fermé l’œil de la nuit. 
La Guardia Civil fut informée très tôt ce matin là, que la Golf avait été retrouvée par le chasse-neige, sur le bord de la route, sous une épaisse couche de neige immaculée. Ils avaient retrouvé intacts, dans la voiture, la valise et le sac à main de Teresa qui contenait ses papiers, un peu d’argent, quelques bijoux, et différentes babioles et documents, sans grande importance. La voiture n’avait pas été visitée, le mystère était entier. L’hypothèse de la fugue fut écartée d’entrée, celle de l’enlèvement fut considérée comme la seule possible. Bien sûr il y avait le lac du barrage, mais les plongeurs ne pourraient commencer leurs recherches par ce temps glacial. La voiture était tombée en panne, cela était prouvé. Que diable aurait-elle cherché du coté du barrage ? 
Les jours passèrent, les semaines et puis les mois aussi. 
Lena comptait maintenant les premiers jours de la seconde année de la disparition de Teresa. 
Cette année là, il se produisit un événement qui fit rebondir l’enquête. Le lac de Garcia de Sola fut vidé pour la révision du barrage. Un cadavre fut découvert coincé dans les grilles d’aspiration des pompes. L’autopsie révéla qu’il s’agissait d’une femme. La relation fut faite on crût avoir retrouvé Teresa. On fit venir sa sœur et son mari.    L’amie de Teresa, Dolorès, ne voulut pas assister à la scène, l’identification fut un échec ; Il ne s’agissait pas de Teresa. Mais la défunte ne fut pas identifiée pour autant. La mort remontait, selon le légiste à plus d’un an.   Pour Lena se fut un soulagement. Pour le commissaire Alvarez un dilemme de plus : Si ce n’était pas Teresa qui était ce ? Aucune autre disparition n’avait été signalée. Et faute de nouveaux éléments, le dossier fut refermé, délaissé, oublié, classé. Teresa, comme tant d’autres, avait disparu. La découverte d’un cadavre non identifié, dans le même endroit, à la même époque n’était sans doute pas d’une importance suffisante pour imaginer un lien entre les deux affaires. Et puis Alvarez était débordé, il manquait de moyens, de personnels, bref, le commissaire Alvarez était, comme tous les policiers du monde, inutile, incapable, incompétent. C’était du moins la conclusion de Lena et de son mari   . Chez Lena, la dernière fête avait eu lieu le jour de la disparition de Teresa. Depuis, le deuil était de rigueur dans la maison et les prières avaient remplacé les rires, l’amour, la bonne humeur et la joie de vivre.  
Cette année là, au début de l’été, lassée d’attendre la conclusion de l’enquête, Dolorès décida qu’elle allait consacrer ses vacances à la recherche de Teresa. Du moins, allait elle essayer de comprendre sa disparition. Pour Dolorès, ce n’était pas un gros problème de se transformer en boy-scout, de reprendre le sac à dos, dormir sous la tente, parcourir la montagne à pied et boire l’eau des torrents; Dolorès n’avait peur de rien, à vingt-huit ans, elle vivait seule, n’avait pas de famille, et ne demandait rien à personne pour assurer son existence. Elle informa Lena de son projet, celle-ci ne fit pas d’objections, elle fut plutôt favorablement impressionnée de la décision de Dolorès, et s’entendit lui dire : « S’il vous manque quelque chose ? Ou, si vous avez besoin d’aide ? N’hésitez pas ».C’était une politesse gratuite, Lena n’aimait pas Dolorès. Son départ pour la sierra fut néanmoins préparé avec soin. Elle se procura les cartes de l’endroit, acheta les guides, rechercha le matériel indispensable, et partit dans un petit véhicule tout terrain qu’elle avait loué pour le mois. Respectant à la lettre le programme qu’elle s’était fixé, elle se mit à parcourir méticuleusement, à partir de l’endroit où la Golf avait été retrouvée, toutes les routes, les chemins, les sentiers à la recherche de quelque chose, d’un indice, voire seulement d’une idée. Elle partait du principe que, vu la météo de ce jour là, Teresa n’avait pu partir à pied, elle était donc forcément montée dans une voiture, de gré ou de force, et que cette voiture était « forcément de la région », vu que ce n’était pas un itinéraire fréquenté. Elle eut l’idée d’avoir recours aux services de l’aéro-club de Herrera, et elle survola la région, la carte sur les genoux, les jumelles à la main. Dix fois au moins, le petit avion passa et repassa au dessus des mêmes endroits, quand soudain, dans la lumière rasante, elle découvrit une construction qui n’était pas signalée sur sa carte. Elle fit signe au pilote, et ils survolèrent l’établissement.   Complètement isolé, loin de la route, au milieu d’un désert de pierres et de rochers, l’ensemble des bâtiments était à peine visible, tant ses couleurs et ses formes se confondaient avec le relief alentour. Le pilote, étranger à la région, ne sut pas donner de nom, ni au lieu, ni à l’établissement. Qu’était t il ? Castillo? Caserne ? Monastère? Dépôt? Nulle trace de vie ou d’activité ne fut relevée, ni mouvement, ni fumée, ni lumière, le bâtiment n’était-il pas abandonné? Sur les conseils du pilote, Dolorès pointa sur la carte l’endroit supposé, nota également quelques repères, le cours d’un ruisseau, et traça approximativement la direction du chemin qui semblait être l’accès à l’ édifice. Après l’atterrissage, par différents recoupements le pilote confirma la position de la construction sur la carte en possession de Dolorès, Il lui proposa même ses services pour la conduire sur le lieu, ce que Dolorès refusa poliment.   Elle se mit en marche dès le lendemain. Il lui fallut pour cela, reprendre la route   jusqu’au col de San Isidoro de Sevilla, et de là, rechercher le chemin tracé sur la carte. Ce ne fut pas chose facile, Après avoir fait de multiples tentatives, sans avoir à aucun moment laissé le découragement l’envahir, elle trouva un chemin carrossable, qui d’ailleurs était défoncé par endroits. Le chemin, à son origine, était couvert d’une épaisse végétation de pins et d’eucalyptus, ce qui l’avait rendu invisible de l’avion. Au détour de la corne du bois, elle se trouva devant une haute muraille de pierres grises, percée en son centre d’un porche aux fortes proportions. Cela ressemblait plus à une fortification qu’à tout autre chose. Elle stoppa son véhicule et fit le reste du chemin à pied, lentement, comme si elle redoutait d’être surprise. En fait elle ne ressentait aucunement la peur. Ses sens étaient en éveil, elle enregistrait tous les détails du lieu. Elle s’arrêta devant le porche, et lut l’inscription gravée en arc, en sa partie supérieure :   « Senatorio Psiquiatrico San Isidoro de Sevilla »    

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Ven 14 sep 2007 Aucun commentaire