Le blog d'eve anne, Madrid.

 

La Massane III
 

 

 

 

 


E
lle arriva à la hauteur de Lucile, et répondit d'un sourire au sourire qui l'accueillait. La jeune fille était très jolie, blonde aux cheveux mi longs retenus en catogan... Elle avait de fines lunettes sans monture, qui agrandissait un regard plus vert que l'espérance. Elle portait de grosses chaussures de marche, d'où émergeaient deux mollets musclés. Un short blanc ajusté, et un débardeur vert. Le pauvre débardeur avait fort à faire pour contenir l'énorme poitrine de la demoiselle. A sa vue, Lucile fut troublée et l'aida à quitter le sac à dos. De la sueur perlait à son front que Lucile essuya d'un kleenex

« Je m'appelle Alice, dit-elle.
et moi, Lucile ; 
Tu es fatiguée ?
—Non pas vraiment, j'ai chaud, je vais me rafraîchir. » Lucile lui tendit sa bouteille d'eau, Alice but avec avidité.
« Je t'offre le sandwich, j'ai des provisions pour trois jours !
—Avec plaisir.
—Tu vas où ? Ici, je redescends dès que possible.
—Je te gêne alors ?
— Pas du tout, et je te trouve très jolie.
—Merci je te retourne le compliment. Je fais le GR10. C'est un programme très précis, Demain je dois être au Neulos pour midi, et là haut j'ai une journée de repos. » En disant cela elle désignait l'un des sommets voisins, surmonté d'une antenne radio. Lucile regardait les lignes de crêtes, qui menaient à Neulos (prononcer Néoulous)
« Ben ça ne parait pas facile !
— Ce n'est pas si difficile, le plus dur c'est le sac ! 
—Redescends avec moi, et je te conduis en voiture demain à Neulos, on y accède facilement. » Alice éclata de rire.
« Mais non ! Tu n'as pas compris, c'est un sport, un engagement, il y a une heure de départ, une heure d'arrivée, des pointages, et l'itinéraire fait 125 km environ. Je me suis engagée, j'irai jusqu'au bout ! » Lucile l'écoutait, médusée.
« Ok, je ne dis plus rien, mais on peut se revoir demain à Neulos ?
—Pas de problème, j'y serais entre midi et deux.
—Tu veux bien que je te rejoigne là haut ? 
—Bien sûr, Je pense que ça fait partie du programme ! » Et elle éclata de rire. Lucile ne pouvait pas comprendre la subtilité de la réponse et ne s'en soucia pas.

« Viens t'asseoir près de moi. » Et le temps, hélas passa trop vite. Quelques minutes plongée dans les yeux verts, le contact de son épaule, le sourire permanent sur des dents éclatantes. Et c'est Alice qui, à regrets, semble-t-il, donna le signal du départ, l'ordre de la séparation. Lucile ne voulut pas rester seule après le départ d'Alice sur cet éperon rocheux, qui n'avait à ses yeux, vraiment plus aucun intérêt. Le baiser de l'au-revoir dévia quelque peu, le regard vert était traversé par moments d'étincelles jaunes orangées, d'un effet tout à fait curieux. Alice posa ses mains délicatement sur la poitrine de sa nouvelle amie, en murmurant des mots si bas qu'ils en étaient incompréhensibles. Au contact des mains, Lucile sentit une vibration bizarre la traverser entièrement, mais au fond pas désagréable. Puis d'un ton plus audible, Alice prononça, en souriant, ces paroles quelque peu énigmatiques ; 
« Demain je t'apprendrai tous mes secrets ».Dernier baiser, ultime caresse, un geste de la main, et Lucile commença la descente, heureuse de cette rencontre, mais intriguée par les paroles de sa jeune nouvelle amie. Qu'importe, d'ici demain elle aurait le temps d'éclaircir le mystère. Elle se demanda si cette rencontre était le motif du signal ensoleillé de la veille.

 


C'est vrai que la descente fut rude, la pente, les feuilles mortes, les épines de pins,
les cailloux qui roulaient sous ses pieds. Le sentier était glissant et vertigineux. C'est à peine si elle porta attention à l'Abbaye de Valbone, nichée dans un coude de la vallée du torrent de Massane, Lucile arriva au Rimbau sur le coup de dix neuf heures. Elle gardera sûrement de cette journée, un souvenir inaltérable. 
Le visage d'Alice, cette peau douce et ce sourire éclatant, cette jeune poitrine audacieuse qui appelait ses caresses, Lucile les revit toute la nuit. Elle ne savait pas son âge, elle devait être beaucoup plus jeune qu'elle. « Demain je t'apprendrai tous mes secrets, » Qu'avait elle voulu dire ? Cette question cent fois posée la mena au sommeil réparateur.
Le lendemain matin, Lucile aurait dû prendre le chemin du retour. Mais comme ses vacances n'étaient pas terminées, elle décida de remplacer la peinture de son salon par quelques balades supplémentaires dans les Albères, Dont celle du Neulos ! Après quelques coups de fil dans les agences, elle trouva une location à Sorède, petite ville soi-disant calme, au pied du Neulos, et de la Massane. Sorède présente cette particularité d'être située dans une forêt de micocouliers, ces arbres rares, que l'on trouve uniquement dans le sud, et dont le bois très flexible sert à faire des fouets ou des cravaches. Il ne reste qu'une seule fabrique à Sorède, que Lucile se promit d'aller visiter. Il y a d'autres merveilles à Sorède : la vallée des tortues, et la vallée heureuse, et, tout à coté, le cloître de Saint Genis des Fontaines. Lucile prit possession de sa nouvelle résidence vers les neuf heures du matin. La villa était belle et propre, assez spacieuse, bordée d'un jardinet planté de citronniers de pamplemoussiers et d'orangers. Même, un olivier faisait une ombre propice à une sieste méritée.

 

 

La chaleur, déjà, était difficilement supportable. Lucile ne prit pas le temps de défaire ses valises. Elle mit le sac à dos, au cas où, dans son coffre, et partit pour Laroque des Albères, point de départ de l'ascension du Neulos. La route était facile, quoique un peu étroite, et comme ce n'était pas la première fois qu'elle faisait le trajet, elle n'éprouva aucune difficulté, à atteindre le col de l'Ouillat, traverser la forêt de la fontaine, et grimper le dernier raidillon pour atteindre le parking du radio phare militaire, quelques dix mètres plus haut. Comme à la Massane, le panorama était immensément beau. Le Neulos était un pic frontalier, et l'on distinguait non loin de là, une clôture en barbelés, servant de frontière entre la France et l' Espagne. Celle-ci paraissait bien dérisoire à notre époque, et cela ne servait qu'à certains touristes inventifs, pour faire pipi à l'étranger.

Assise sur le banc au bord du précipice, Lucile tournait le dos à la mer, faisait face à cette antenne ridicule et inesthétique. Á sa gauche, le GR 10 débouchait de la forêt.

Elle ne s'ennuya pas, et d'ailleurs n'attendit pas très longtemps. De la frondaison toute proche apparut la silhouette attendue d'Alice, qui, de son pas assuré, grimpait les derniers mètres de l'ascension.

Lucile avança à sa rencontre : 
« Bravo ! Pile à l'heure !
—Mais non, j'étais là bien avant toi et je t'attendais.
—Il y a une auberge à quelques centaines de mètres en bas, allons déjeuner.
—Non, j'ai encore quelque chose à faire : je dois trouver l'endroit où « L'épouse infidèle donnait rendez vous à ses amoureux, pour y couler des instants de fraîcheur. »

 

 

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Lun 13 aoû 2007 Aucun commentaire