Le blog d'eve anne, Madrid.

 

La Massane II 

 

 

 

                Elle adossa son vélo contre le mur et plaça avec soin l'antivol d'acier. Elle remonta directement à sa chambre par l'escalier de service. Il faut dire que l'équipement cycliste bariolé de réclames et de couleurs vives, n'est pas tellement seyant pour les femmes habituées naturellement aux arcanes de l'élégance. Elle ouvrit tout de suite la fenêtre, et contempla avec ravissement l'orage au plus fort de sa fureur. Le tonnerre était d'une violence inouïe, et l'écho renvoyé par la montagne toute proche amplifiait les grondements incessants. Des éclairs jaillissaient de partout, et la pluie redoublait de puissance. Elle était au dernier étage de l'hôtel Belvédère, isolé du village, et c'est sans crainte d'être vue qu'elle se dévêtit totalement. D'une serviette à portée de main elle se sécha le corps, sans quitter la fenêtre des yeux. Les nuages étaient de plus en plus noirs, il faisait presque nuit à trois heures de l'après midi. Le sol asséché ne pouvait absorber autant d'eau en si peu de temps, et elle voyait les vignes d'en bas flotter sur un lac à la manière des nénuphars. Des torrents d'eau dévalaient la route en direction du village, l'inondation était inévitable. Et puis le calme revint peu à peu.

 

Lucile continuait de se frictionner avec la serviette, s'attardant sur sa poitrine ronde et ferme. L'air rafraîchi qui venait du dehors lui dressait les tétons. Lucile adorait cette sensation et elle sentait monter en elle des idées inavouables. Il faut dire que la violence de l'orage l'avait passablement excitée, et sans hésiter elle se dirigea vers le lit. Au moment où elle allait l'atteindre, un rayon de soleil apparut au travers de toute cette noirceur. Revenant sur ses pas, elle vit que le flanc de la montagne d'en face était tout illuminé, et l'atmosphère saturée d'eau la faisait paraître toute proche. Cette montagne, elle l'aimait bien, elle faisait partie intégrante de la chaîne des Albères entre Madeloc et Neulos. Cette montagne, elle l'aimait parce qu'elle avait la forme presque parfaite d'un sein, et tout en haut, tel un téton pointé vers le ciel, la tour de la Massane se dressait insolente et fière. Vestige d'un lointain passé, la Massane en ruines attirait depuis des siècles le regard impressionné du passant. Lucile fixait la tour d'un oeil amusé. Il venait de lui venir une idée : La tour lui avait lancé une invitation, et dès que possible, elle  y grimperait pour lui faire savoir qu'elle avait reçu le message. Elle espérait bien trouver là haut le pourquoi de cette invitation.

    Rassembler l'équipement nécessaire à cette excursion, ne fut pas un problème. De même elle se procura cartes et guides et étudia tous les itinéraires possibles avec soin. Quand elle eut appris par coeur le circuit, rien ne l'empêcha plus  de mettre ses projets à exécution. Elle décida qu'elle partirait le lendemain, si le beau temps était au rendez vous. Elle avait choisi de partir du Rimbau, petit hameau près de l'ermitage de Notre Dame de la Consolation qui surplombe la cité de Banyuls. Là elle gara sa voiture, et vérifia son équipement, il était 8 heures du matin. Elle avait choisi l'itinéraire qui sans être le plus court, était le plus facile et le plus intéressant.

C'était le GR10 balisé de rouge et de blanc, qui prenait son origine près d'Argelès au château de Valmy, et grimpait à la Massane par Madeloc et le col des Trois Hêtres.

 

 

Le chemin était en effet très peu pentu, et Lucile avançait bien, elle était en avance sur son programme quand elle passa au pied de la tour de Madeloc.Elle fut bientôt très proche des points de captage d'eau, elle en entendait le bruit. Puis ce fût le col des Trois Hêtres, la forêt de Couloumate, le col de la Place d'Armes, d'où elle aperçut enfin le but de sa balade. La montée fut rude cette fois, et quand elle atteignit le bas de la tour, il était 11h et demie. C'était l'horaire prévu. Elle savait qu'elle ne devait pas repartir trop tard, Le chemin du retour était abrupt et dangereux. Un coup d'oeil à la table d'orientation, mais elle connaissait parfaitement la région. Le panorama était absolument magnifique, la plaine du Roussillon verdoyante et le ciel était sans nuage. La mer était d'un bleu profond, et semblait vue d'ici d'un calme olympien. On distinguait même, dans les brumes de chaleur, les immeubles de Canet. Sur la gauche, le plan d'eau de Villeneuve de la Raho, étincelait de lumière argentée. Elle sortit son casse croûte, sa bouteille d'eau, s'assit sur une pierre plate, et savoura la réussite de sa grimpette. Elle n'avait pas l'habitude de ce sport, et pour une première fois, elle n'était pas déçue. Elle était plutôt contente de sa performance. Elle dirigea son regard vers Saint Cyprien village, et chercha des yeux l'hôtel Belvédère. Le minuscule point blanc auprès du château d'eau, nul doute, c'était bien lui, elle pensa que son regard avait fait l'aller-retour, exactement sur la même trajectoire.

 

A ce stade de ses réflexions, elle aperçut soudain une silhouette qui gravissait le chemin. Elle venait de regarder dans cette direction et n'avait pourtant rien vu venir. Elle fixa son attention sur le nouvel arrivant, un peu déçue que l'on osât menacer sa tranquillité. Elle attendit l'intrus avec sérénité, s'efforçant d'en deviner la nature. Un sourire commença à éclairer son visage, quand elle comprit que l'intrus était une intruse. Elle avançait lentement, d?une démarche mesurée, elle était lourdement chargée d'un volumineux sac à dos, d'où dépassaient tous les instruments et accessoires indispensables au bivouac.

 

 

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Mar 14 aoû 2007 Aucun commentaire