Le blog d'eve anne, Madrid.

 

 

 

 

 

 

                      

                       Le 19 mai 1940 restera à jamais le jour le plus sombre de l’histoire d’Amiens.
Tandis que le général de Gaulle, à la tête d’une division blindée, contient l’avancée des troupes allemandes dans le Vimeu et la région d’Abbeville, l’armée nazie bombarde la ville préfecture de la Somme. Tout le centre-ville et les gares de chemin de fer sont rasés. L’ancien secrétaire général de la Somme , Jean Moulin, lorsqu’il apprend la nouvelle de la destruction de la ville, revoit dans ses récents souvenirs la belle cité telle qu’il l’a connue, la préfecture d’Amiens et son propre bureau où il a travaillé au service de l’État. Il n’accepte pas que tout cela soit souillé par la présence ennemie. Amiens s’enfonce dans quatre années de souffrance et de terreur. La communauté amiénoise se divise. Certains acceptent la fatalité. D’autres la refusent et résistent. Et d’autres encore se mettent du côté des plus forts. Jean-Marc Laurent n’a que 16 ans en 1942 lorsqu’il entre dans le réseau “Centurie”. Simple cheminot, il intègre les FTP, unités combattantes clandestines. Il participe à de nombreuses opérations contre l’armée allemande. Dénoncé et arrêté à La Hotoie par la Gestapo , il est incarcéré à la Citadelle , torturé et envoyé en déportation, où il meurt dans le camp de Flossenburg. Madeleine Michelis, jeune professeur agrégée au lycée d’Amiens, s’occupe des prisonniers évadés, des parachutistes et des aviateurs alliés tombés sous les feux de la DCA. Elle les dissimule et leur procure de faux papiers.

 

Dénoncée, arrêtée, elle meurt le 12 février 1944, étranglée après avoir été torturée. Renée Caussin fait également passer des clandestins au-delà de la ligne de démarcation. Elle organise un réseau de femmes résistantes pour distribuer des tracts et des journaux. Arrêtée en juillet 1942, elle meurt à Auschwitz. Julia Lamps, sous le nom de Jacqueline Delaporte, responsable de l’Union des Femmes Françaises, est également une combattante de l’ombre et participe aux actions dangereuses. Regroupés en commando sous le nom de “groupe Michel”, des résistants sabotent des trains et harcèlent l’armée allemande. Ce groupe est arrêté sur dénonciation. Onze d’entre eux, après avoir été torturés, sont fusillés à la Citadelle d’Amiens. Parmi eux, Charles Lemaire, membre d’une famille résistante, qui a participé notamment à l’attentat du “Royal”, à l’angle de la rue des Trois Cailloux et de la rue Ernest Cauvin, un café réservé aux soldats et officiers allemands (33 morts et 50 blessés). Son père Arthur Joseph, son frère Maurice Arthur et son fils Arthur seront aussi exécutés ou déportés. Jean Catelas, député d’Amiens, entre dans la clandestinité dès l’interdiction de son parti. Livré à la Gestapo par des dénonciateurs, il est torturé. Condamné à mort par un tribunal créé de toutes pièces par le gouvernement de Vichy, il est guillotiné à Paris le 24 septembre 1941, à la prison de la Santé. Ces noms ne sont que quelques exemples parmi ceux qui ont agi contre l’occupant. Durant l’occupation de nombreux cheminots renseignent les alliés sur les convois allemands, sabotent des trains nazis, empêchent ou retardent l’acheminement de marchandises destinées à l’ennemi. Plusieurs paieront leurs actes au prix de leur vie. . .



Les mois et les années passèrent, Amiens, toujours occupée avait appris à vivre sous le joug de l’ennemi.  La résistance s’était réorganisée, s’était restructurée.  Une véritable toile d’araignée  constituait le réseau,  dont peu de personnes connaissait, l’existence et son organisation. Les actions de harcèlement jours après jours portaient leurs fruits.  Les responsables de l’organisation, constataient que la force ennemie commençait à faiblir.  Ils ressentaient une plus grande facilité à agir, tout se passait comme si les soldats allemands en garnison commençaient à craindre des actions de représailles.  Les déplacements d’hommes et de matériel étaient réduits au minimum, ils étaient entourés d’un maximum d’effectifs pour assurer leur protection, ce qui bien sûr rendait possible d’autres actions. L’occupant était toujours là, mais les gens attentifs à ce qui se passait sentaient bien qu’il ne gérait plus la situation. Les arrestations avaient diminué, les exécutions avaient cessé. Les Résistants n’éprouvaient plus le besoin vital de se dissimuler, mais ne croyant pas trop à ce qui se passait, ils économisaient les munitions et leurs moyens, pour des jours qu’ils pressentaient plus durs. Cela donnait le sentiment d’un calme relatif, précurseur d’un événement, de quelque chose qui devait fatalement arriver. 
 

 

Et puis,  sournoisement,  une rumeur s’insinua, abondamment commentée,  savamment répandue,  et entretenue : Les Alliés se prépareraient à un débarquement.  Les troupes de Leclerc  seraient en marche,  elles remonteraient vers Paris pour faire la jonction avec les alliés. Tout cela n’était que des « on-dit », mais tout le monde y croyait, les Allemands en premier lieu. A la Kommandantur , le Général Wolfram Hotzendorf, s’enfermait régulièrement dans son bureau,  et demandait à ne pas être dérangé.  Ce qu’il y faisait pendant ce temps,  nul ne le savait,  sauf peut être  le jeune Günther son secrétaire qui l’aidait quelques fois classer des papiers  des heures durant. Le général ne se faisait plus d’illusions sur la fin de l’occupation dont il avait la charge. Le haut commandement avait cessé tout contact depuis quelques semaines déjà. Un matin de Mai, il rassembla ses officiers et leur parla de ses projets. Il leur fit part de sa volonté et de sa détermination à quitter Amiens et organiser le repli de ses troupes. Il espérait bien réussir la prouesse de rejoindre la mère patrie avec un minimum de pertes. Personne parmi les officiers, n’y croyait vraiment, ils savaient parfaitement que la Résistance était toujours sur le pied de guerre, fortement armée, et avec la confiance qu’elle avait acquise dans le succès des opérations, rien ni personne ne l’empêcherait de harceler les troupes allemandes en repli vers le nord. Mais le Général avait une idée. Homme intelligent et déterminé, il n’allait pas tarder à mettre en œuvre le plan qu’il avait longuement élaboré.
Il fit venir l’un de ses jeunes lieutenants,  qu’il connaissait bien,  parce que,  comme lui,  il parlait le français,  mais lui, le lieutenant,   il le parlait de façon impeccable,  sans accent, pour avoir vécu sa jeunesse dans une famille française du centre de la France. « J’ai pensé à toi pour une mission délicate lui dit il, et il lui expliqua longuement ce qu’il attendait de lui ».
Antonin Durieux, était un homme de 52 ans. Rien de particulier dans l’allure de ce monsieur, insignifiant dans son bleu de travail, le sécateur à la main, en train de mettre un peu d’ordre dans sa haie de lauriers. Il travaillait   en bordure de son jardin, près des hortillonnages dans la commune de Camon. De l’autre coté de la haie, un bras de Somme coulait les premières feuilles mortes.   Il avait l’allure du retraité des chemins de fer, déjà trop vieux pour être dans l’armée, ou peut être réformé pour infirmité, il avait l’air de traîner un peu la jambe. Il ne se sentait pas menacé, qui aurait pu lui en vouloir ? Les hortillons étaient des gens calmes qui vivaient par ces temps de guerre dans l’autarcie la plus complète. 
Aucune frayeur ne lui vint quand il entendit la clochette de la barrière. Il alla au devant du visiteur et se trouva en face d’un jeune homme correctement vêtu, grand et mince, le sourire aux lèvres, visiblement « bien élevé ». Il s’exprima le premier en demandant :   « Monsieur Durieux ?  Êtes-vous Monsieur Durieux ? » Oui répondit l’homme en bleus, et que puis je pour vous ? »
« Je désirerais vous parler si vous le voulez bien, j’ai à vous transmettre un message important ». Durieux ne laissa paraître aucune surprise ni inquiétude, bien que la crainte commença à le pénétrer. « Venez par ici dit il en désignant la cabane à outils, « mettez vous », je vous écoute. »
« Voici, Je suis officier de l’armée d’occupation allemande. La discrétion que nécessite ma démarche m’oblige à revêtir la tenue civile. Je suis en mission, aux ordres du Général Hotzendorf commandant la place d’Amiens, pour vous transmettre son désir d’avoir avec vous une entrevue secrète. . .   » Le jeune officier et Durieux ne se séparèrent qu’une bonne heure après, ayant réglé tous les détails de l’entrevue »
Sauf que Durieux n’avait obtenu aucun renseignement sur les motifs exacts de la demande du Général.
L’entrevue eut lieu quelques jours plus tard dans une vieille auberge près de Picquigny.  Nulle escorte, pas d’armes, simplement le général et son aide de camp, simplement Durieux et son chauffeur. Les aubergistes, avaient disparu.








 

Lun 16 jui 2007 Aucun commentaire