Le blog d'eve anne, Madrid.

 

 

 

 


                      
Le Général ne s’embarrassa d’aucune fioriture, et dans un très bon français commença la discussion. « Monsieur Durieux, je vais essayer d’être bref et aussi concis que possible. Je vous ai demandé cette entrevue parce que j’ai une proposition à vous faire. Je vais aller droit au but: Je suis en charge de votre ville depuis deux ans,  et vous avez pu remarquer que sous mon autorité,  la ville est calme,  et nous n’avons à déplorer que peu d’incidents. Arrêtez-moi si je me trompe. Depuis mon arrivée ici je suis fermement convaincu que la guerre est perdue pour l’Allemagne, et que le temps est venu pour nous de quitter la place. Le Général marqua un temps, Durieux ne broncha pas.
Vos alliés ne sont pas loin, et j’espère que nous serons partis avant leur arrivée. Ne souriez pas Monsieur Durieux ce n’est pas aussi simple. Une armée en repli est une armée qui ne peut plus se battre. Et de toute façon je ne suis pas un militaire de profession. Donc je viens vous proposer un marché. Nous partons dans quelques jours, et la Résistance dont vous êtes le chef et l’inspirateur n’interviendra pas, qui plus est, je vous demande de nous ouvrir la voie !!! Durieux, mal à l’aise répliqua : 
« Général je ne suis pas celui que vous pensez, et je n’ai aucun moyen de... Le Général le coupa : Monsieur Durieux, pensez vous que je me serais donné cette peine si je n’étais sûr de ce que j’avance ? Alors, puisqu’il le faut, je vous précise que vous n’avez pas le choix ! Ou vous acceptez ma proposition ou bien j’anéantis votre organisation. . . (Silence.). . . Je n’ai pas d’autre solution.
En admettant Général, êtes vous sûr d’en avoir les moyens ? La Résistance dispose de moyens importants et ce sont des combattants éprouvés, entraînés et courageux . . . . Je n’en doute pas monsieur Durieux mais vous ne me prenez pas au sérieux. Je vais être contraint de vous faire des révélations. 

Il se leva frappa à la porte « Hans !»  Le Jeune officier entra, lui remit des documents. Il ouvrit une feuille de papier grand format, la déplia sur la table.
Voilà Monsieur Durieux l’organigramme de votre réseau.  Voyez vous, en haut, la première case, Antonin Durieux c’est bien vous ? Donc voilà, votre réseau comporte environ 1800 combattants actifs, dont tous les noms adresses et professions se trouvent dans les feuillets ici. Est ce que je me trompe ? bien sûr je ne parle pas des sympathisants. Sur les autres feuillets, là, le détail des groupes d’action avec les véhicules et l’armement. Voilà un autre document où sont détaillés tous les objectifs qui sont prioritaires pour vous. Je dois ajouter que mes hommes sont en contact visuel avec la plupart de vos hommes, vos caches à munition désignées ici, sont minées. La plupart de vos véhicules sont piégés. Je donne un ordre, et en deux heures votre organisation est anéantie. Deux années ont été nécessaires pour préparer cette opération, vous n’avez aucune chance. Je ne souhaite pas déclencher le feu d’artifice, personne n’en sortirait grandi. Durieux restait sans voix, tout ce travail depuis des années. . . Vous vous demandez comment nous avons su ? Le travail Monsieur Durieux,  Le travail,  Les Allemands qui sont ici, sont des travailleurs,  pas des machines à tuer, nous ne sommes pas des nazis,  nous avons travaillé avec méthode. Monsieur Durieux puis-je compter sur votre intelligence, et pouvons nous passer à la suite?  Nous avons encore beaucoup de travail . . . et sûrement très peu de temps. . . « Vos services ont apparemment bien travaillé, apparemment, car rien ne prouve que tout cela est exact »« Monsieur Durieux vous êtes plus têtu qu’une mule bavaroise! Mais si je dois vous convaincre. . . . . . . . . . . . Il se leva à nouveau « Hans ! » et l’officier entra avec une valise lourdement chargée qu’il déposa sur la table et ouvrit.
« Voilà Monsieur Durieux, toutes les lettres de dénonciation de vos compatriotes concernant votre organisation, les gens qui sont avec vous, et les moyens et repaires que vous utilisez. En deux ans ,500 documents au moins, me sont parvenus. Vous ne me croyez pas ? Tenez dans cette chemise qui porte votre nom, une lettre anonyme identifiée par analogie comme provenant de votre beau-frère, une autre de votre employeur, une autre de votre voisin, une autre encore de la mairie, et il y en a des centaines vous concernant.  . . Prés de 500 Monsieur Durieux. Vingt cinq personnes ont déchiffré et identifié tous ces documents pendant deux ans  . . . . . . . . . . . . . . .
Antonin Durieux était livide, il ne pouvait plus dire un mot. Il se voyait inutile, perdu, trahi, pitoyable.. . . . . . . . . . . . . .
Il se sentit soudain très vieux. Sa jambe brusquement lui fit très mal. Une énorme douleur dans la poitrine lui coupait la respiration.
En fin de journée, épuisé, Il rentra chez lui, dans le quartier Saint Leu presque totalement détruit, dans une vieille maison à étages, miraculée. Il sortit sur son balcon et accrocha une chemise blanche à la corde à linge; c’était le signal. On pouvait l’apercevoir de l’autre coté de la Somme , sur la rive où, contre vents et tempêtes, persistait le marché sur l’eau.   Quelques heures après, tout le monde savait que les armes devaient se taire jusqu’à nouvel ordre, que toutes les opérations étaient suspendues sine die.  Le 31 août 1944, venant de Conty et du sud de la Somme , les troupes alliées entrent dans Amiens. L’armée allemande est en fuite et les poches de résistance ennemies sont vite éliminées. Les amiénois sont les premiers surpris de voir des chars britanniques arriver dans leur ville. Bientôt, les rues du centre-ville se noircissent de monde et la foule cède à l’allégresse. Les drapeaux frappés de la croix gammée qui flottent aux portes des immeubles administratifs sont arrachés, et brûlés. « Les résistants locaux ont fait du bon boulot pour préparer la déroute des nazis » lira-t-on dans le Courrier Picard, récemment créé.  La population ne manque pas de rendre hommage à ceux qui ont combattu pour la liberté, et se presse dans les rues pour les acclamer. Le général Leclerc de Hauteclocque, enfant du pays, héros de la libération de l’Afrique du Nord, de Paris et Strasbourg est reçu tel un chef d’État. Le général de Gaulle, venant dans la Somme pour honorer la mémoire de ceux qui ont combattu sous ses ordres dans la campagne d’Abbeville en mai 1940, se rend également à Amiens pour fleurir les stèles et rassembler ceux qui veulent redonner un pouvoir fort à la France. Les cérémonies commémoratives donnent lieu à des scènes émouvantes. Les noms qui viennent d’être gravés sur les monuments aux morts sont ceux de fils, de frères, d’époux, de camarades de travail. La Marseillaise se chante avec des sanglots dans la gorge. Ceux qui ont pu revenir des camps de la mort, résistants, déportés, portent dans leur chair et dans leur âme une blessure profonde, pour le reste de leur vie. Antonin Durieux avait vieilli. Sa jambe le faisait souffrir. Il revenait d’une commémoration où Il venait d’être décoré.  Sitôt de retour à son domicile, La sonnette de l’entrée retentit. Il alla ouvrir et n’en crût pas ses yeux. Sur le pas de la porte il reconnût Hans Meyer. « Vous ? Mais que faites-vous ici ? Hans souriait et lui dit : « Je ne suis pas parti avec les autres. Je suis resté ici où je compte me marier bientôt. Je veux épouser ma fiancée, une amiénoise très jolie, que j’aime passionnément. Je ne m’appelle plus Hans Mayer, mais Nicolas Berthier, j’ai des papiers en règles, il ne me manque qu’une chose. Je n’ai pas de famille ici, et pas encore d’amis.  Monsieur Durieux, voulez vous être mon témoin à notre mariage ? » Durieux n’hésita pas une seconde et fit entrer le jeune homme. Celui ci tenait à la main une grosse valise ; La valise. « L’un de vos amis m’a prié de vous remettre ceci dit il en déposant l’encombrant fardeau. Il m’a prié également de vous dire qu’il repassera bientôt, pour vous serrer la main ». . . Durieux sourit et appela son fils. il lui désigna la valise : « Tu vas aller dans le jardin, l’arroser d’essence et la brûler, entièrement, il ne doit rien rester ». « Mais qu’elle est lourde ! Que contient-elle ? » Demanda le jeune homme.« De la dynamite fiston de la Dynamite  !. . . . . . . . . . »

 

 

 

 

 Imaginé par eve anne d’après les articles de Pierre Mabire . (JDA)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dim 15 jui 2007 Aucun commentaire