Le blog d'eve anne, Madrid.

 

(La brosse à dents)

 

                                                 Ce n’était pourtant pas un jour exceptionnel. Un samedi comme un autre, sauf que c’était l’'été, que la chaleur était déjà accablante, et que je me sentais légère, en pleine forme et heureuse. Pourquoi ? Je ne saurais le dire, j’étais bien c’est tout. Madrid était une fournaise, mais cela faisait maintenant pas mal de temps que je m’étais habituée, et franchement, je ne regrettais rien. Ma fille vivait avec moi, et le samedi matin nous avions pris l’habitude de faire nos courses pour la semaine. Il était encore tôt, mais nous n’étions pas pressées, bien qu’étant attendues pour déjeuner à la Finca où nous avions nos amis. Nos amis et nos habitudes, c’est là que nous avons logé avant de trouver cette petite villa du nord de Madrid, avec sa petite piscine et ses pins parasols. Cette villa, nous l’avons louée toute meublée, c'est-à-dire avec le minimum, ce qui lui donnait un genre particulièrement spartiate avec ses murs blancs son carrelage rouge- brun et ses meubles de bois foncés. On s’y était attachées, et pour nous, c’était le paradis. Nous n’avions plus que quelques achats de peu d’importance, mais il me fallait passer absolument à la pharmacie pour acheter de l’huile solaire. L’après midi on le passerait au bord de la grande piscine de la Finca, et pour l’occasion, elle serait fermée aux clients, et réservée à la famille et aux invités. Ce qui voulait dire, que nous pourrions nous mettre  nu(e)s sous le soleil brûlant, et même l’eau bleue ne parviendrait pas à nous en préserver. Pour moi, cela n’avait aucune importance, nue ou pas, j’étais à l’aise partout. En fréquentant les plages naturistes depuis toujours, ma petite fille s’y était habituée aussi, et la nudité, pour elle, était un état naturel. Á la pharmacie, il y avait un peu de  monde, et attendant mon tour, je regardais au hasard les étagères de parapharmacie, et je m’approchais d’un présentoir tournant sur lequel étaient disposées quantité de brosses à dents. Les brosses à dents, depuis quelques années, ont toujours été pour moi, symbole de rencontre et de bonheur. Cela peut paraître bizarre, mais il y a à cela quelques raisons exceptionnelles que l’on connaîtra plus tard. En tournant le présentoir, je finis par trouver les brosses dures, celles que je préfère. Celles-ci étaient bien jolies, avec leurs manches en plastique à deux couleurs fluo, et la tête articulée en deux parties, pour je ne sais quel brossage particulier. Ces brosses, au lieu d’être présentées dans ces blisters insipides, l’'étaient dans des étuis en plastique rigide et transparent cristal, comme dans le passé. Les brosses dures étaient rassemblées sur un seul niveau du présentoir, toutes groupées serrées sur la gauche, sauf une qui se trouvait à l’écart, à droite, à l’autre bout de la rangée. Bien qu’ayant les mêmes caractéristiques que les autres, elle me parut plus jolie, ses couleurs plus vives, et la forme de son manche plus galbée. Je faisais pivoter le présentoir pour la énième fois, quand, revenant en arrière, j’eus l’impression que la brosse à dents n’était plus dans le même sens que je l’avais vue. Je n’étais pas folle, je l’avais prise en main, et l’avais replacée les poils vers le bas, et là, les poils étaient vers le haut. Peut être qu’elle avait basculé en faisant tourner le présentoir. Pourtant vu la forme de l’étui, cela paraissait fort improbable. J’étais prête à refaire l’expérience, mais en y pensant, je trouvai cela ridicule. Je pris la brosse à dents, et continuai à faire la queue. Elle atterrit dans le sac plastique, avec l’ambre solaire, le stick à lèvres et d’autres bricoles dont je n’avais pas vraiment besoin. De retour à la Maison, il me restait juste le temps de faire un brin de toilette, avant de partir pour la Finca.
Je fis couler un bain, à peine chaud, j’y jetai tout ce dont j’avais besoin, le flacon de savon liquide, la brosse à ongle, la brosse à cheveux, le flacon de shampoing, la brosse à dents, (toute neuve) le flacon de dentifrice, et nue comme un ver, je rentrais dans l’eau qui me parut bien fraîche. Tous ces objets, qui me rappelaient les canards de mon enfance flottaient à la surface, tous, à l’exception de la brosse à dents qui avait coulé au fond sans la moindre hésitation. Comme une andouille que je suis, je remarquais la chose, (qui réellement n’avait aucun intérêt), et en fus fortement déçue. Étendue dans l’eau fraîche, la tête sur l’appui tête j’avais les pieds au mur, (baignoire trop courte). Je m’assoupis dans cette position, et quand je me réveillai en sursaut, je regardai l’heure. Je n’avais finalement dormi que cinq minutes. Je me redressai, et je constatai que la brosse à dents, n’avait pas bougé, comme de fait, si elle était au fond elle avait de bonnes raisons sûrement expliquées par Archimède et ses principes. Je fis ma toilette en vitesse, me brossai les dents avec ma vieille brosse, « ça t’apprendra à ne pas savoir nager », dis-je tout haut à l’attention de la brosse à dents bleue aux reflets d’argent. Je vidai la baignoire, ramassai tous ces objets, mis soigneusement, dans un petit pot en terre, la brosse neuve, les poils vers le bas, et je pensai en faisant ce geste que j’allais prendre une photo témoin. Trouvant l’idée complètement ridicule et inutile, je passai à autre chose. Je fus habillée coiffée, prête à partir, que la fille batifolait encore dans la piscine. Ce qui nous fit partir « légèrement » en retard, comme d’habitude…
La route ne nous parut pas trop longue dans mon petit cabriolet Toyota tout neuf. Toutes les deux avec un foulard sur la tête et des lunettes noires, on ressemblait aux belles des films américains en noir et blanc. La voiture marchait bien. J’aimais les sensations qu’elle procurait dans les cotes et les lacets de la montagne. Arrivées peu après, ils étaient tous là pour nous accueillir, Marisol la maîtresse de maison et son mari Xomin, leurs enfants, José, Luis et Patricia, et quelques personnes que je ne connaissais pas, deux ou trois couples, quelques femmes seules (comme moi), quelques hommes seuls, ou peut être les hommes étaient -ils les maris des femmes, allez savoir. On se dirigea directement vers le buffet, à l’ombre du mur de la maison, sous un toit de paillote. Il y avait là quantité de victuailles, des cochonnailles, des hors d’œuvre, des viandes froides, des fruits, tout cela disposé sur un « comptoir réfrigéré » recouvert de glace. Et puis des boissons, des jus de fruits, mais aussi des vins, blancs et rouges, pétillants ou non. Tout cela était offert à la vue avec un goût exquis. Marisol me prit la main et fit les présentations. Tous ces gens étaient espagnols sauf un couple d’anglais, (facilement identifiable). De toutes ces personnes je ne remarquai qu’une grande fille brune aux formes généreuses, qui m’avait toisée de son regard pétillant de castillane pure race. Les hommes étaient généralement typés, assez jeunes dans l’ensemble, sauf un vieux monsieur aux cheveux blancs et au ventre rond. J’en remarquais un autre aussi, qui me fit le baisemain, cheveux gris très bronzé, et qui croisa mon regard avec sympathie.
Les enfants étaient déjà à l’eau, chahutant bruyamment, aspergeant tous ceux qui se trouvaient à portée. Je jetai un œil pour repérer Juliette ma gamine, qui nageait comme un poisson. Là, avec une autre fille, elles étaient au fond de la piscine, immobiles, peut être un concours d’apnée ? De la voir immobile au fond de l’eau, je repensais à la brosse à dents qui, le matin même, faisait également sans doute de l’apnée. Je me reprochai cette pensée absurde, mais fus quand même rassurée de voir Juliette remonter d’un coup de talon et sortir de l’eau comme un diable de sa boîte. Nous avions commencé à faire honneur au buffet, et les convives, entre deux dégustations commençaient à se déshabiller pour piquer une tête dans l’eau fraîche. Après quelques brasses, ils remontaient tout ruisselants pour croquer qui un fruit, qui un tapas, ou boire un Tinto bien frais. Ce fut la castillane, nue, époustouflante de beauté, qui vint me proposer d’aller dans l’eau avec elle. Marisol, d’un clin d’œil complice, me fit signe d’accepter. J’enlevai ma robe d’été, je n’avais rien dessous, je pris la main qu’elle me tendait et nous ne fîmes qu’un seul plouf. « Je m’appelle Paula, et je suis célibataire ». « Je suis Julie et je suis mère célibataire » « Oui j’ai vu ta grande fille, elle est très belle, elle te ressemble ».

Cela commençait bien ; En un rien de temps nous étions devenues des amies intimes. Adossée au bord de la piscine, je sentais ses mains qui me parcouraient le corps, discrètement, enfin, aussi discrètement qu’il était possible. Elle se colla à mon dos, je sentais ses seins durs contre moi, et elle me pelotait les seins à pleines mains. Je me rendis compte que Marisol ne nous quittait pas des yeux. Quand nous sortîmes de l’eau, Marisol s’approcha de moi et doucement me glissa à l’oreille, « je surveille Juliette. La chambre N° 8 est libre ». Je pris le chemin de la maison, et Paula me suivit à quelques pas.

 

 

                                                    

 

Dim 8 jui 2007 Aucun commentaire