Le blog d'eve anne, Madrid.

 


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 Photo François Benveniste.Titre-1

 Les Jeux de Saint-Elme,  Le Pourquoi.


Roue-NB Juin 1999 décès de mon père, puis en octobre, celui de ma mère. Après 63 années de mariage, la pauvre femme n'a sans doute plus estimé utile de continuer à vivre. Ils ont ainsi rejoint au paradis, leur fille décédée neuf ans plus tôt, à l'âge de quarante-huit ans. Il avait quatre-vingt-sept ans, elle en avait quatre-vingt-deux. Ils ont donc élevé trois enfants: deux filles et le garçon que je suis. Quelques mois plus tard, il fallut se décider à tirer un trait sur la matérialité de leurs existences: Vendre la maison où nous avons grandi, et la débarrasser de tous les meubles et objets leur ayant appartenus. Voir la maison de notre enfance, complètement vide fut pour ma sœur et moi, une douloureuse épreuve. Au moment de charger les derniers cartons, ma sœur me désigna celui qui était resté un peu à l'écart.
«Tiens, celui-là tu le garderas, il contient les papiers que j'ai trouvés dans l'armoire de la chambre du haut. Tu feras le tri plus tard, moi je n'y connais rien.»
L'armoire de la chambre du haut, était l'armoire à linge de ma mère. Curieux qu'il s'y trouvât des «papiers». Étaient-ils si importants? Et le carton vint terminer le chargement de la camionnette que j'avais louée pour la journée. Tous ces cartons sont venus s'ajouter à tout un tas d'objets hétéroclites, dans la cave de l'immeuble que j'habitais alors à Orléans. Puis un jour, la cave fut pleine, on ne pouvait plus y entrer, et les grandes décisions s'imposèrent. Ce que je fis lors d'un week-end maussade. Re-camionnette, direction la déchetterie. Je ne devrais pas m'en vanter, mais le désordre et moi avons toujours fait bon ménage ; Il me fallut plusieurs voyages pour venir à bout de ce dépotoir. Alors qu'un vieux proverbe de ma grand-mère dit ceci :
«Il faut toujours mettre de côté ce que l'on jettera la prochaine fois».
Et puis quand tout fut jeté, rangé, nettoyé, balayé, il restait un carton, celui des «papiers de ma mère», que je me proposai d'explorer dés que possible. Ce fut le lendemain, que j'ouvris la boîte à secrets. Je trouvai des chemises pleines de factures, des dossiers d'actes notariés, des talons de chèques, des boîtes à souvenirs, et puis soudain, mon cœur s'est mis à battre : J'avais dans les mains un « document», un livre, une ébauche de livre, format A4, dactylographié avec un carbone, les pages étaient jaunies. Cent cinquante pages environ, deux photos glissées sous la couverture. Et sur celle-ci, un titre, «Roue Libre». Avec un nom d'auteur que je ne préciserai pas. Ce livre n'était plus tout jeune, je comptai mentalement: Nous étions en 2001, cela faisait 35 ans que ce document avait été écrit. Et puis tout de suite, LA question, mais que faisait-il là ? Au fond de ce carton dans les affaires de ma mère? Ce document m'avait été envoyé contre la promesse formelle de le retourner au plus tôt. Promesse que je fis en toute bonne foi. A l'époque, j'étais en cours de divorce, et j'habitais provisoirement chez mes parents. Dans ma chambre de jeune homme, je n'avais pas l'habitude de ranger mes affaires, bien sûr, et il y régnait «un désordre attractif». J'avais lu et relu le document, puis je l'ai oublié. Pas longtemps, quelques jours seulement, un mois peut être, avant que ne me vienne l'idée de le retourner. Et là, catastrophe, il me fut impossible de remettre la main dessus. Et pour cause. . . Je n'aurais jamais pu imaginer que ma mère ait pu subtiliser un objet m'appartenant, le lire, l'emporter, et le dissimuler, pour quelque usage à venir, ou peut-être l'a-t-elle aussi oublié? Bizarre. Cela ne lui ressemblait pas.
Le texte était très personnel, elle n'avait pas l'habitude du moins je le croyais, de lire mon courrier. Je ne saurai jamais pourquoi ce roman m'avait été «dérobé». Il s'agissait de l'histoire romancée d'une période vécue, d'une courte liaison (peut-on vraiment parler de liaison?) entre l'auteure et moi. Ainsi ma mère n'ignorât plus rien de mes secrets. La suite ne fut pas si simple. Ce livre me brûlait les doigts. Qu'en faire? Je me souvenais avoir reçu une carte me donnant une adresse, à laquelle je pouvais retourner ce document. Mais comme je ne l'avais plus, je n'ai pu satisfaire cette demande, et avec le temps, cette adresse fut égarée. (Comme le reste). Je ne voulais pas le ramener à l'appartement, je pense que la personne qui l'occupait avec moi, n'aurait pas apprécié. Je choisis donc la solution la plus vile qui soit, l'emmener au bureau, où je pourrai l'enfermer. Et puis surtout, le relire à l'heure de midi, lorsque je retrouverai un peu de temps et de solitude. Le livre fut placé dans une pochette, la pochette sur l’étagère, et les papiers, et documents, les revues spécialisées s'entassèrent au-dessus. Ce fut le second oubli. L'activité, les soucis, les plaisirs les réussites les échecs, bref tout ce qui fait la vie d'un homme d'affaires, fit que ce document dormit encore 7 ans d'un profond sommeil. La vie étant un éternel recommencement, je redécouvris ce document. J'ai aujourd'hui soixante-quatre ans, et demi. Je me dirige doucement vers une retraite qui m'angoisse de plus en plus. C'est en déménageant mon bureau que je retrouvai «Roue Libre». Mais là, il y eut une petite différence, je pris le parti de relire cet ouvrage. Je me disais qu'à force de perdre ce roman, il devait y avoir un signe du destin à me le faire retrouver. J'avais donc envie de confronter cette histoire aux souvenirs que j'en avais gardés.
Quarante-deux ans de souvenirs, quarante-deux ans à vivre une vie qui fut très profondément marquée par ce séjour à SAINT-ELME.

Saint-Elme

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Mer 9 jan 2002 Aucun commentaire