Le blog d'eve anne, Madrid.

 


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 Photo François Benveniste.Titre-1  Les Jeux de Saint-Elme,  Le Saint-Elme

 

Infir Lundi 6 Novembre 1965.

Je me sens fatigué. Très fatigué. Hier dimanche, c'était pourtant la pleine forme. Nous avons joué au foot en coupe de France, nous avons gagné contre une équipe de deux divisions au-dessus. Un match plaisant comme je les aime. J'ai peut-être pris froid. Je vais sûrement m'en tirer avec un gros rhume... Aux alentours de midi, je ne tiens plus debout, je suis bouillant de fièvre. On me reconduit chez moi. Mon épouse ne rentrera pas avant le soir, Elle fait l'école dans un village à quelques kms d'ici. Le médecin a été appelé, et je l'ai attendu tout l'après-midi. Il est passé vers vingt heures. Diagnostic: La grippe. Un traitement : des comprimés, des piqûres, et cela devrait aller mieux après une semaine de repos.
Deux semaines plus tard, aucun mieux n'est constaté; Au contraire, la fièvre a encore monté, et j'ai commencé à tousser. Je dors presque sans arrêt. Mon épouse est inquiète. Mes parents conseillent d'appeler un autre médecin. Celui-ci arrive le soir même. Alors qu'il m'ausculte, je vois son visage se fermer. Les sourcils froncés, il est concentré, il revient toujours au même endroit, et écoute longuement. Finalement, d’un geste brusque, il enlève son stéthoscope, et déclare:
«Je ne peux rien affirmer, il faut passer une radio».
Il rédige une ordonnance à l'attention du professeur Durand, médecin chef à l'hôpital régional d’Orléans. Je fus très impressionné. Le professeur faisait son cours à ses internes devant moi. J’étais assis sur un petit tabouret. Sujet du cours : ma radio, accrochée de travers devant la paroi luminescente. Après un long moment, il dut se rappeler que j'étais là:
«Vous avez une tuberculose. Il n'y a aucun doute. Vous êtes contagieux, pas question de retourner chez vous, je vous fais hospitaliser tout de suite.»
Puis il téléphona, donna des ordres, Il eut la grande bonté quand même de me montrer du bout de sa règle sur la radio, un point que je ne voyais pas différent de tout le reste:
«C'est là, vous voyez? On discerne très nettement le contour d'une caverne en formation.»
Je ne vis rien du tout, mais deux heures plus tard, j'étais dans un lit au centre hospitalier. Seul luxe, j'avais réussi à obtenir une chambre particulière. C'était le 22 Novembre, le jour de mon anniversaire, j'avais 22 ans!!! Le lendemain, ma mère m'apporta des affaires de toilette. Mon épouse ne vint pas, de peur de contaminer les enfants... Cela me parut bizarre, j'étais la veille encore, au contact des enfants. Tous les gens que je fréquentais eurent droit à leur radio, les enfants à leur cuti. Il n'y eut fort heureusement, personne qui fut victime de m'avoir fréquenté, pas même mon adorable voisine de palier, qui était bien jolie, et avait pour moi quelques tendresses. Mon épouse ne vint pas me voir. J'appris qu'elle se consolait de sa solitude avec un type de la région. Elle le recevait la nuit à la maison, et le samedi soir ils sortaient ensemble. Tous les amis qui me visitèrent me l'ont confirmé. J'écrivis à un avocat et demandai le divorce. Mon épouse vint quelque peu après, elle voulait «s'expliquer». Pour moi, je ne demandais pas d'explications, les faits étaient avérés depuis longtemps. Et même si je n’étais pas innocent, je détestais sa méthode.
Le traitement dura quatre mois. Quatre mois durant lesquels ma mère est venue me voir quotidiennement, bravant le plus souvent la neige et le verglas.
Je dois dire que j'ai été bien soigné. Le personnel de l'hôpital était hors de tous reproches. Le traitement était simple, tous les jours, le matin, perfusion de P.A.S, piqûre de STREPTOMYCINE et un cachet de RIMIFON. L'après-midi, je dormais presque tout le temps, j'écoutais Europe1, je lisais. Et le temps passa. Je ne revis pas mon épouse. J'avais des nouvelles des enfants c'est tout. Et puis on parla de mon départ. Le médecin conseillait vivement pour la suite du traitement, d'aller en maison de cure. On me recommanda la montagne. Et mon père choisit pour moi « Le Saint-Elme», Haute-Savoie, le sana qui avait parait-il la meilleure réputation. C'était le plus confortable, et il était mixte. Cela ne me sembla pas être de première importance, (la suite me prouva que si) mais mon père insista. Le temps qu'une chambre se libère, de faire les formalités, de rencontrer l'Avocat, j'arrivai au  Saint-Elme le dimanche d'avant Pâques, le 03 Avril si je me souviens bien. Mes parents m'avaient conduit. Mon père était tout fier d'inaugurer sa Renault 16. Nous sommes arrivés en réalité le samedi soir. Il était tard, et nous avons dormi à l'hôtel du Mont Joly à Saint-Gervais.
Le lendemain matin il faisait un soleil magnifique. Il y avait encore énormément de neige, et la lumière était aveuglante. Mon père demanda à l'hôtelier où se trouvait le Saint-Elme. L'homme nous emmena sur la terrasse, pointa la lunette qui s'y trouvait et nous dit:
«C'est là !»
De voir ce point blanc accroché à la montagne, nous parut incroyable. Comment allait-on là-haut? L’homme nous expliqua longuement et très aimablement. On prit donc le chemin. On descendit dans la vallée, et l'on entama la remontée vers le Plateau d'Assy, là où se trouvaient, parait-il, plusieurs sanas. Pendant toute la montée, j'étais subjugué par la beauté du paysage, de toute cette neige ensoleillée.
Nous arrivâmes au Plateau d'Assy, un petit village très animé dont on ne pouvait d'en bas, soupçonner l'existence. C'était l'heure de la sortie de la messe. Cela expliquait peut-être la foule importante de gens dans les rues. Ils étaient tous emmitouflés. Malgré le soleil, il ne faisait pas chaud. On arriva enfin au Saint-Elme, terminus du voyage.
C'était un beau bâtiment très important, très impressionnant, très grand, très haut. On y arriva par une petite route enneigée, et on stoppa le véhicule sous un porche, qui permettait de décharger les bagages «au sec». Nous fûmes accueillis tout de suite, visiblement, nous étions attendus. Une jeune femme blonde, tailleur et hauts talons, nous reçut dans un petit bureau sur la gauche du hall d'entrée. Après les politesses, et les sourires, elle expliqua ce qu'était la cure, ce que je pourrai faire et ne pas faire. J'ai compris que le plus grave était d'arriver en retard au restaurant. Il fallait quand même s'y présenter «habillé» correctement. Cela me parut possible. Le réceptionniste attendait, mes deux valises sur un petit chariot. 5ème étage à gauche en sortant de l'ascenseur, au fond du couloir, chambre 545. Je regardai le hall, impressionnant, plafond très haut, colonnes de marbre gris. Deux ascenseurs face à l’entrée principale. On prit celui de gauche.
Au cinquième étage, la porte s'ouvrit, maintenue par une jeune personne en blouse blanche. Elle était petite et souriante.
«Je m'appelle Marie-Claude, et je suis l'infirmière du 5 ème étage, je vous conduis à votre chambre.»
Ce disant je croisai son regard, même ses yeux souriaient. La chambre était spacieuse, et très lumineuse, avec un grand balcon face au massif du Mont-Blanc. De là, on dominait la vallée de façon vertigineuse. On avait l'impression d'être sur un nid d'aigle. Un petit cabinet de toilette, des meubles en bois peint. Le lit était fait, un couvre lit orange apportait encore un maximum de couleur. Sur le balcon une chaise longue, l'endroit était plaisant. J'étais très content de ce premier contact.
Marie-Claude était une bavarde. Elle ne tarissait pas d'explications, de ce qu'il y avait autour, ce que l'on pouvait voir, ce qu'était le traitement, les habitudes de la maison. Elle nous fit voir au loin, l'endroit où elle allait faire du ski. Elle n'était pas de la région, elle n'était là que pour le ski !!! Pendant qu'elle parlait, je la regardais. Je la trouvais amusante et jolie. Elle était petite, assez ronde sans être grosse, elle avait les cheveux très courts blonds méchés, elle avait une (très) forte poitrine, et des fesses rebondies. C'était une rieuse, décontractée, et a priori fort agréable. Je remarquais ses regards furtifs quand ils se tournaient vers moi, et quelques fois ils me paraissaient plus appuyés. Après tout, je ne me gênais pas pour la regarder.
La jeune femme qui nous avait si agréablement accueillis, vint s'enquérir de nos impressions, au vu de l'installation qui m'était proposée. Pour l'instant, nous n'avions qu'à nous féliciter du choix de mon père, et de l'accueil exceptionnel qui nous fut fait.
«Il est midi, et si cela vous convient, nous vous offrons le déjeuner en signe de bienvenue, au restaurant avec l'ensemble de nos pensionnaires».
C'était avec plaisir, nous étions conquis. La salle de restaurant, au rez-de-chaussée, était vaste et très lumineuse. Un très joli parquet, des tables aux nappes blanches, des plantes vertes à profusion. Le Maître d'hôtel, veste blanche et nœud papillon, nous accueillit avec le sourire. Il nous conduisit à notre table, à côté de la fenêtre, avec l'inévitable vue sur le Mont-Blanc, toujours ensoleillé. La salle se remplissait, les gens s’installaient, seuls ou par petits groupes. Tout ce beau monde était assez divers, des jeunes, des plus âgés, des très âgés, de jolies femmes, même quelques très jolies femmes, qui semblaient être très courtisées. Des regards se tournaient vers nous. Sans doute se posaient-ils la question:
«Lequel des trois va rester?»
J'eus droit à quelques sourires. Le repas fut agréable. Le café nous fut offert au salon. Très peu de monde au salon «non fumeurs», pourtant très joliment décoré, et une foule bruyante au salon «fumeurs» beaucoup plus ordinaire. Moi à l'époque, je fumais mes inséparables Gitanes, (j'ai cessé de fumer depuis 27 ans) et ma mère ses cigarettes blondes. Mon père ne fumait pas, il ne buvait jamais d'alcool non plus. Nous fûmes étonnés qu'on laissât fumer des gens malades des poumons. Mais c'était ainsi.
Mes parents reprirent la route tout de suite après le repas. Deux jeunes hommes vinrent spontanément me voir pour me souhaiter la bienvenue, et m'inviter dans leur groupe, si j'en avais envie. Je remontai dans ma chambre pour ma première «cure», en plein soleil, avec la crème protectrice que Marie Claude avait déposée sur la table pendant notre absence. Lunettes noires, et bien emmitouflé, je m'installai sur le balcon. Nous étions à 1000 mètres d'altitude, et ce qui n'était pas au soleil était glacé. Miracle, je m'endormis, fatigué ou enivré de l'air vivifiant.
En fin d'après-midi je sortis avec mes nouveaux amis, pour une balade «Au Plateau» (au village). Revenu dans ma chambre, Marie-Claude vint me tenir compagnie une petite heure. Elle était intarissable. Elle parlait de tout et de tous, riait beaucoup, prenait des poses, se levait de la chaise, s'asseyait sur le lit etc... Je remarquai qu'à travers la blouse blanche, on voyait très nettement le slip, et le soutien-gorge. D'ailleurs, il aurait fallu être aveugle pour ne rien voir, car elle ne cachait pas grand-chose. Sa blouse n'était pas fermée, ni en haut ni en bas. J'avais une vue plongeante dans l'échancrure de la blouse, et aussi entre les jambes qu'elle croisait et décroisait sans arrêt. Moi je m'amusais beaucoup, et je trouvais son jeu de séduction bien au point. J'avais du mal à détacher mon regard de l'endroit où les seins se rejoignent (ma grand mère appelait cet endroit: Le Bénitier du Diable). C'était très beau, très attirant, j'en pris plein la vue, et je n'oublierai jamais ce numéro de séduction. Le soir au salon «fumeurs» après le repas, je retrouvais mes nouveaux copains. Deux jeunes filles s'étaient jointes au groupe, mais visiblement je ne les intéressais pas. Beaucoup de gens vinrent gentiment me souhaiter la bienvenue et un agréable séjour. Cette expression me sembla être le «leitmotiv» des bienvenues. L'agrément du séjour devait sans aucun doute faire partie du traitement. Mais après tout, pourquoi pas?
Puis j'allai me coucher pour ma première nuit en altitude. La vallée était toute illuminée, et les lumières étaient parsemées sur toutes les montagnes visibles, certaines très haut perchées. Le panorama était aussi beau la nuit que le jour. Nuit calme, pas de bruit de circulation, pas de coqs, pas de musique, pas de bruits de voix, le calme absolu. Je dormis comme un bébé.


Eglise-nb

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Mar 8 jan 2002 Aucun commentaire