Le blog d'eve anne, Madrid.


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 Photo François Benveniste.Titre-1  Les Jeux de Saint-Elme,  L'Après

 

Jeanne-NB2  Les adieux ont été réellement douloureux. Même si, sur le coup, il y avait un peu de fanfaronnade, j'ai eu tout le temps du trajet pour réfléchir au fait que je venais de quitter des femmes exceptionnelles, et que sûrement, je ne les reverrai plus.
Dire ce qu'ont été les jours qui ont suivi, est impossible. Ne serait-ce que pour respecter mes parents, qui ont fait des efforts considérables pour me faciliter la réadaptation à la vie courante. En principe, je ne devais reprendre le travail que trois mois plus tard. En attendant je ne savais que faire de mes journées. J'écrivis à Hilda. Je reçus une réponse, et ainsi s'installa une correspondance suivie. Lettres d'amour, où l'écriture avait autant d'importance que les sentiments. Je sentais Hilda très désireuse de me rencontrer. J'en avais envie aussi, sachant très bien ce qui m'attendait. Rendez vous fut pris dans la banlieue, pas très loin de chez elle.
On se regardait, étonnés d'être encore ensemble. Ce fut un réel bonheur. Je crois que cette fois là, nous sommes allés en forêt de Fontainebleau et au restaurant de Barbizon. Je suis retourné la voir plusieurs fois, dont une fois à Paris. Je revois encore sa silhouette m'attendant à la station St Michel. Ce jour là, nous sommes allés au cinéma, aux Champs Élysées, et nous avons vu «Le Docteur Jivago », qui était sorti depuis peu. C'était des rencontres tout à fait platoniques, tout juste si l'on trouvait l'occasion de s'embrasser comme de vrais amoureux. Puis il y eut une dernière fois, à Versailles, dans un joli restaurant, «Au Chapeau Gris » où là, je posai franchement la question qui fâche. Aurions nous, oui ou non un avenir ensemble? Silence radio. Je sus à l'instant que l'on se voyait pour la dernière fois.
On rendit visite à René dans un hôpital parisien, qui nous avait oubliés. Notre visite ne fut pas appréciée. On s'écrivit malgré tout encore quelques fois. J'écrivis une nouvelle, inspirée par notre séjour au Plateau. Je l'envoyais à Hilda. Elle se mit à écrire «Roue Libre » qui devait être l'histoire romancée de notre rencontre. Il n'y eut plus d'échanges épistolaires, notre «Amour » venait de mourir.
C'est le moment que choisit Emma, pour m'annoncer son passage. J'étais heureux de la revoir, Emma était sûrement celle qui avait le plus compté pour moi. Hélas, notre rencontre ne remplit pas toutes ses espérances. Elle aurait voulu faire revivre notre amour insouciant, comme à St-Elme Mais nous n'étions plus à St-Elme, elle le prit très mal. Je reçus une lettre incendiaire, qui me reprochait tous les malheurs du monde. Cela me fit sourire, J'en déduisis que Emma m'aimait encore. Je n'eus jamais de nouvelles de Marie-Claude, ni d' Hélène. En revanche, je reçus la visite inattendue de Lysiane, de passage vers une ville où se trouvait son dernier amant.
Je fus obligé d'aller à Orléans pour m'occuper de mon divorce. Au cours de l'un de ces déplacements, j'eus envie de passer la soirée sur place. J'entrais dans un bar qui me servit un copieux sandwich jambon beurre, (mon plat préféré) Le barman voulut bien me renseigner sur l'existence de quelques boîtes. On n'appelait pas encore ces endroits des «discothèques » Mon choix se fixa sur «Le Rodéo ». Une vingtaine de marches, un lieu très sombre, une ambiance feutrée, une musique jazzy, et pour cause, un orchestre de Jazz était là, et jouait pour quelques clients. J'appréciai ma chance, et je me promis de revenir. Il y avait une jolie barmaid, et une autre fille qui jouait le rôle de : «Pousse à la consommation de champagne ». Je n'en buvais pas, mais pour lui faire «plaisir », je commandai du champagne que je dégustai en sa compagnie. Elle était très agréable. Nous devînmes d'excellents amis. Elle était divorcée, avait une petite fille. Quelques jours après, elle m'accueillit chez elle. Une maison «Orléanaise » belle de l'extérieur, en mauvais état dedans. Je pris l'habitude de passer mes nuits avec elle. Ce n'était pas un canon, mais elle me plaisait. La poitrine était ferme et volumineuse, elle était brune, les cheveux courts, et d'un caractère extra. Je suis resté quelques temps avec elle. Puis un jour, elle n'est plus revenue au Rodéo. Elle ne répondit plus à mes appels, Elle avait déménagé. Je l'ai croisée une fois en ville, avec deux garçons avec lesquels elle semblait très intime, et puis plus rien. Je me consolais avec la barmaid qui était blonde et moins bustée. Mais entre nous, ça n'allait pas bien. Elle finissait trop tard, je m'alcoolisais beaucoup en l'attendant, et je dormais quand elle revenait. Je perdis l'habitude d'aller au Rodéo.
Je repris le travail au plus tôt. Cela me fit beaucoup de bien. Je me rendis compte peu à peu, combien avaient été artificielles les «vacances » passées à Saint-Elme. Mais je dus lutter encore très longtemps pour retrouver ma sérénité dans un autre monde, avec d'autres gens. Avoir voulu recréer la même ambiance à Orléans était une utopie. Quelques mois après, un an peut être, je reçus l'exemplaire de «Roue Libre ». Je lus ce roman, extrêmement bien écrit, le talent de romancière était indéniable. Par contre, le roman ne me plut pas tellement. Il y avait une trop grande place réservée à Max, Il y avait trop de critiques sur mes «fréquentations » précédentes, jusqu'à être méprisante pour une femme qui m'avait tout appris de l'amour et de la femme. Et puis il y avait cette fin imaginée, qui n'avait pas lieu d’être. Ce document m'apporta la preuve qu'Hilda avait passionnément aimé l'amour qu'elle avait eu pour moi, beaucoup plus que moi même. Je fus déçu. J'avais retrouvé ma vie «provinciale ». Je n'étais plus l'homme aux innombrables succès féminins. Je ne regrettais rien.
Emma m'écrivit une autre lettre. De laquelle je ne me rappelle qu'une seule phrase,
«Quels merveilleux amants nous avons été ». C'est sûrement la phrase, la seule, que je n'oublierai jamais. Puis une autre quelques mois après. Dans laquelle elle me disait qu'elle partait pour l'étranger, et me demandait si je voulais accueillir Quinta, qu'elle ne pouvait emmener. Mes parents acceptèrent avec joie. Ce fut son neveu qui nous l'amena. Quinta a vécu très longtemps, elle a fait la joie de mes parents, durant des années. Calme et très altière, elle ne fréquentait pas n'importe qui ! J'étais le seul à provoquer chez elle un grand intérêt lorsque j'arrivais à la maison.
J'avais repris l'habitude de jouer au foot. Tous les dimanches soirs, avec une équipe de bons copains, on se retrouvait dans un dancing, et la troisième mi-temps durait très longtemps. C'est dans cette boîte que je fis la connaissance de Stéphanie. Elle était très jeune, mais d'une beauté démentielle. Ce fut le coup de foudre immédiat. Le seul problème : elle était mineure. On s'est fréquenté pendant plus d'un an. On ne se voyait que le dimanche, et l'on faisait l'amour aussi longtemps que possible. Après de difficiles démarches auprès de ses parents, nous nous sommes mariés environ un an après. C'était mon second mariage. Nous avons vécu très heureux durant dix-sept ans. Nous avons eu une petite fille magnifique, Mylène. Cette gamine nous a donné d'immenses joies. Elle avait toutes les qualités. C'est vers ses quatorze ans que Stéphanie demanda le divorce. Pourquoi ? Je ne le sais toujours pas. Pour un homme plus riche, plus vieux, qui avait le temps sans doute, de s'occuper d'elle. C'était la pleine époque de ma vie professionnelle. On a divorcé par consentement mutuel, à la seule condition pour moi, d'avoir un droit de visite illimité. Ce qui fut, et j'en ai profité au maximum. Bien que divorcés, Mylène est restée très proche de moi, elle a toujours aimé passer ses vacances en ma compagnie.
Aujourd'hui, elle a 35 ans, elle est mariée, elle a deux superbes enfants.
Alors qu'elle avait quinze ans, je l'ai emmenée avec moi, pour passer le week-end de Pâques à La Rochelle. Visiter ma seconde fille, sa demi-sœur. Lors de l'incontournable passage par l'île de Ré, nous étions assis à la terrasse du «Skipper », le grand café restaurant de Saint Martin de Ré. Au fond de la terrasse, à l'ombre, deux femmes étaient assises, lunettes noires. L'une surtout attira mon attention. Je ne sais pourquoi, je n'arrivais plus à détacher mon regard, quitte à être taxé de gougeât.
Malgré les lunettes, je devinai que la femme me regardait aussi. Elle appela le garçon pour régler, et là, je devinai le geste qu'elle allait faire: Elle se saisit d'un sac à main dont je reconnaissais la forme, je la vis plonger la main dans le sac, et je savais avant qu'elle ne le fasse, qu'elle allait sortir un billet de cent francs, tout neuf, pas encore plié. Ce geste, je l'ai vu faire des dizaines de fois, il était unique, et c'était à Hilda qu'appartenait le sac, la main, le geste.
Dix huit ans après, je reconnus Hilda. Certes, elle avait changé, mais rien de fondamental. Toujours aussi élégante, aussi class, je ne pouvais me tromper. Elles se levèrent, Hilda marchait la première, elle vint vers moi, frôla la table. Je m'attendais à ce qu'elle ait un geste, fasse un signe, mais non. C'est moi qui lançai «Hilda ? » Ce nom était le surnom que je lui avais donné. Il y avait peu de chance pour qu'une autre personne l'employât. Je l'ai vue marquer un temps d'arrêt, une hésitation fugace, puis elle continua son chemin, sans se retourner. Elle partit dans une autre direction, ce qui me donna la certitude que le fait de frôler la table avait été délibéré.
Ma fille qui ne comprenait rien à mon attitude me questionna.
«C'est une femme que je connais » lui dis-je.
«Partout où l'on va, il y a toujours une femme que tu connais »
exagéra-t-elle. Je ressentis un sentiment de bonheur intense. Hilda était là, vivante, telle que je l'avais aimée, et elle m'avait reconnu. Je me souvins qu'à Saint-Elme elle me parlait souvent de ses vacances à l'île de Ré.

Pour des raisons professionnelles, je me mis à apprendre l'espagnol, comme j'avais appris l'anglais, quelques temps avant, avec des méthodes intensives. J'eus la chance d'avoir une jeune Prof de qui, bien sûr je tombai amoureux. Elle fut plus difficile à séduire. Je suis restée avec elle presque deux ans, jusqu'à mon déménagement, quand notre maison fut vendue. Cette fois encore, la séparation fut dure. Bien qu'il y eut huit ans d'écart, elle était très amoureuse, et espérait bien faire sa vie avec moi. J'eus par la suite une très grande impression de gâchis, d'avoir abandonné cette jeune femme, belle, douce, cultivée, agréable à vivre.
Durant la dernière année que je vécus avec Stéphanie, nous étions allés en vacances à Mallorca. Nous y avions rencontré un couple de jeunes filles, très jolies, qui visiblement étaient "ensemble". Nous avons sympathisé. Celle que je préférais, vint à la maison pour un week-end. Bien sûr, il me fallut la séduire. Ce ne fut pas difficile. Malgré ses tendances affichées, elle trouva en moi son premier amant, elle avait 21 ans, et moi 41. Quand je fus divorcé, elle reprit contact et nous nous vîmes plus souvent. Elle travaillait à Lyon, et je prenais le TGV un dimanche sur deux, Elle en faisait autant l'autre dimanche. Je lui appris tout ce que je savais de l'amour hétéro, elle m'apprit tout ce qu'il y avait à savoir de l'amour lesbien voire homo. J'eus la chance d'être reçu dans les milieux très fermés de ces dames. J'y ai découvert des filles étonnantes. Elle s'appelait Guylaine, elle avait 20 ans de moins que moi et n'était pas jalouse. C'était même très agréable, nous regardions les mêmes filles, nous avions souvent les mêmes goûts. Durant les vacances d'hiver, elle et moi avons invité un autre couple de filles à Orléans, dans mon appartement. Ce fut une semaine de délire. Être le seul homme avec trois superbes créatures, fut un séjour de Paradis. Je suis resté cinq ans avec elle.
Sa maman avait mon âge. Elle était très belle. Je fis l'amour avec elle. Avec le recul, je serais enclin à imaginer que la fille avait "arrangé" la rencontre. Notre liaison cessa le jour où elle tomba follement amoureuse d'une jeune parisienne, jolie mais toute plate, avec une dégaine de garçon pas possible, une fille qu'elle avait piquée à sa meilleure amie.
Quelques années passèrent encore, de ces années qui comptent, quand le total commence à devenir respectable.
Vers 2002, surfant sur internet, je remarquais un site qui portait le nom d’Emma. C'était son fils qui l'avait créé, je reconnus, et son nom et la description qu'il faisait de sa famille. Je lui demandai par e-mail de bien vouloir transmettre un message à sa maman. Emma reçut le message, et m'écrivit à l'adresse que je lui avais donnée, celle du bureau, évidemment. Nous échangeâmes quelques lettres, elle m'envoya quelques uns de ses recueils de poésie. Ouvrages que je ne peux citer, sans révéler ipso-facto son identité. Emma toujours très entière, se plaignit que je n'avais "pas assez de temps à lui consacrer, ce qui était la vérité. Elle n'avait rien oublié de notre aventure, elle s'en souvenait même avec bonheur. Les lettres qu'elle m'envoya alors furent de pures merveilles. Son nom avait changé, un autre nom à la consonance hispanique était accolé au sien, comme il est courant là bas. Je compris qu'elle était ou avait été remariée. Je ne tenais pas à ce que l'on se revoie. Notre image dans le souvenir, devait rester celle de notre jeunesse, quand nous nous étions regardés et admirés. Elle m'avait laissé son numéro, de téléphone. Je l'ai appelée. Ce fut un moment de plaisir intense , et de très grande émotion. La voix n'avait pas changé, et les mots sont venus tout seul, comme avant, c'était tellement facile avant...........

Et le silence s'installa à nouveau. Peut-être maintenant pour longtemps.

Je suis devant mon PC, et sur ma droite, un scanner avec lequel je vais pouvoir conserver les documents que je possède encore, les photos que j'ai prises de Marie-Claude, de Chloé, de Lysiane, d’Emma, Hilda, Hélène. Aussi de Monique et de Francesca. Les lettres d’Emma, celles d'Hilda. Je ne scannerai pas «Roue Libre », je sais maintenant que je ne le relirai plus. Ayant écrit ce texte, je me rends compte une fois de plus, combien j'ai été marqué par le charme de ces belles amoureuses. D'autres femmes ont traversé ma vie, sans qu’il soit nécessaire d'en parler. On disait à Saint-Elme, que le traitement anti-BK, exacerbait la libido. C'est possible, mais je n'y crois pas.
Il n'y a que des hommes et des femmes qui n'ont rien d'autre à faire que de se plaire et de s'aimer. Ou alors, l'effet en question aura duré pour moi toute la vie
.

Je garde au fond de moi comme ma source de vie, l'Amour d'Emma, et son immense générosité. Je sais qu'elle n'a rien oublié des secondes d'éternité de notre rencontre. Bien qu’elle et moi, ayons vécu notre vie séparément, le fil qui nous relie encore est indestructible, et c'est un grand bonheur. A part ma sensibilité, et ma tendresse, je n'avais pourtant pas grand chose à offrir.
Demain commencera l'ennui. Même si je trouve à occuper mon temps, quelque chose sera cassé. Peut être qu'ayant écrit ce texte, je serai plus libre de penser à autre chose, à mes petits enfants par exemple.

Il est grand temps de rallumer les étoiles

Apollinaire.

Quand je te retrouverai
garde le silence
laisse nos sangs se calmer
d'une trop longue absence
et nos regards mesurer
de nos vies la distance
quand je te sourirai
ouvre-moi tes bras
afin que se comble
le vide qui m'enterre
donne-moi tes lèvres
afin que s'apaise
ma faim de toi
celle de tous mes rêves
ma soif de toi
et que cesse ma fièvre.

Emma.


 

 Lac vert FB 1

Le lac vert Photo François Benveniste.



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Jeu 4 jan 2001 Aucun commentaire