Le blog d'eve anne, Madrid.

 

 

tn 22Image: L'envol des libellules


 

Chapitre 22

 

 


          La perquisition de l’appartement de Prunelle commença à huit heures du matin. C’était un mercredi, jour où il n’y avait pas d’activité à l’école. Prunelle habitait au-dessus de la première classe. Un joli studio aménagé dans la soupente du bâtiment, ce qui donnait des pièces sous toiture aux murs pentus de bois de pin teinté clair. Des poutres apparentes, des fenêtres nichées, le tout étant d’un goût remarquable. Une atmosphère de confort et de douceur se dégageait de la décoration, sans artifices, féminine, sans plus. Un parfum de femme prenait le pas sur celui de la résine. Christa connaissait ce studio, elle y était venue quelques fois, dont elle pouvait se souvenir avec nostalgie. Cela lui fit tout drôle de se trouver là avec tous ces hommes, le juge, Mélie, et. . . Prunelle.
Tête baissée, sans réaction, le regard vidé. Christa se demanda si elle avait eu raison de venir. Elle vint vers Prunelle et lui prenant le visage avec douceur elle lui dit :
« Prunelle chérie. Dis-moi où je dois chercher, je ne tiens pas à ce que tous ces mecs mettent les mains dans tes secrets.
–Je m’en fiche totalement. »
Et à voix basse, à l’attention exclusive de Christa :
« J’ai tué Fanta, je n’ai pas tué Flora-Jane.
–Je le sais ma poule, mais pour arrêter l’assassin de Flora, il faut m’aider. Je sais qui , mais je dois le prouver. Alors et surtout, ne dis rien.
–Va dans le placard de l’entrée. Le sac de voyage. il n’y a rien d’autre qui puisse intéresser tous ces connards. En fait, les « connards » avaient trouvé un intérêt inattendu. Mélie vint rejoindre Christa.
« Tu savais que Prunelle faisait de la photo ?
–Oui bien sûr, elle est super douée.
–C’est ce que pensent les hommes sans doute. Viens voir. Et Mélie entraîna Christa vers la chambre. Christa vit que depuis son dernier passage, la déco avait changé. Et sur un pan de « mur » incliné, qui faisait face au lit, quatre portraits en noir et blanc, de facture « professionnelle ». Quatre nus de femme avec un éclairage particulier. Quatre grands formats, au moins 70cm de haut. Christa eut un mouvement de recul en se reconnaissant sur le premier portrait dans une pose assez suggestive qui ne dissimulait rien de son anatomie. La poitrine semblait assez forte, plus qu’en réalité, et la musculature des bras et du ventre fixait la lumière de façon très sensible. Un très beau travail. Le second, c’était Fanta bien évidemment, très jolie fille très bien photographiée aussi, où la poitrine exceptionnelle mobilisait inévitablement le regard. Son sourire éclatant et la rondeur des hanches ne pouvaient rivaliser d’intérêt.
Le troisième portrait était celui de Céline, que Christa découvrit avec surprise, mais aussi avec le sourire. Céline était très jolie, avec un corps plus mince, à la poitrine menue, mais d’une beauté sans pareille. Tout était dans les proportions, dans la finesse, et dans le regard, amusé, clair, extraordinairement sexy. Et le quatrième, c’était bien sûr Prunelle, dans une pose extrêmement osée, qui sentait l’autoportrait...Dans un tirage sépia éclairée quasi exclusivement sur la partie intime. Extraordinaire pose de la très belle Prunelle.
Il est certain que ces visions de femmes, ne devaient pas être le commun de ces hommes-là. Christa repensa à la rencontre autour de cadavre du chien. Etait-ce ce jour-là qu’elles s’étaient connues ou avaient-elles fait semblant de ne pas se connaître ?
Les hommes se rendirent compte que Christa était dans la pièce. Et quittèrent le spectacle sans un mot. Mais sûrement pas sans un regret. C’était du beau travail qui aurait rendu jaloux Helmut Newton en personne. Seul Quentin gratifia Christa d’un regard méprisant.
« Évidemment, si c’est la première fois que tu vois des femmes à poils, ça fait un choc ! T’es vraiment un malade ! »
Mélie s’était emparé du sac de voyage. Elle avait déjà fait main basse sur tous les « papiers » retrouvés dans le bureau de Prunelle. Les hommes ne trouvèrent rien de plus, la voiture avait déjà été « filtrée ». La perquisition prit fin, et en prenant congé, le Juge murmura à voix basse,
« Mes compliments Capitaine ! Je vois que vous avez décidément bien des ressources !
–On fait ce que l’on peut Monsieur le Juge. Je n’ai pas à me justifier, je ne porte atteinte à l’amour de personne. Il n’en va pas de même avec la troisième jeune femme que vous avez vue. Cette photo peut nuire de façon dérangeante à son ménage. Vous connaissez sa situation, je vous demande instamment la plus grande discrétion. Ce sont des jeux de filles, il n’y a aucune pensée malsaine.
–C’est absolument garanti en ce qui me concerne. Je passerai le message comme venant de ma part à vos collègues.
–Merci Monsieur le Juge. » Le dépouillement de la perquisition se fit au commissariat. dans les papiers de Prunelle, rien de particulier ne fut découvert. Des papiers purement personnels, administratifs, affectifs professionnels, pas de quoi fouetter un chat. Dans le sac de voyage, Mélie trouva « un déguisement » pour reprendre ses termes. Mais Christa savait ce qu’elle allait trouver.
« Fait attention, tu dois trouver une grosse épingle, genre épingle à chapeau. C’est sur cette épingle que l’on devrait retrouver l’ADN de Fanta, et rien d’autre, vu que Prunelle a du procéder avec des gants. Quant au déguisement, il s’agit des vêtements de travail du magnétiseur. Le sac de voyage était dans le 4x4 que Prunelle a emprunté. Je suppose que Prunelle l’a gardé pour éviter que le magnétiseur fasse disparaître une preuve qui devait le confondre. Tout cela dans l’esprit de Prunelle bien entendu. Elle voulait absolument que le magnétiseur soit accusé. Prolongement de sa vengeance.
–Je ne vois pas pourquoi ?
–Tu sauras le moment venu ma poule. Je te le dirai dans le creux de l’oreille. Durant la journée suivante arrivèrent quantité de résultats, couronnant les efforts des policiers. Le rapport le plus riche fut celui de la voiture de Fanta. Par une enquête systématique auprès du garage vendeur de la Twingo, Mélie apprit que le garage avait posé la plaque d’immatriculation définitive le matin du 14 Décembre. Le kilométrage avait été noté par le garagiste, 689 kms. Le relevé qu’en avait fait Mélie le jour de la perquisition, 828kms. Non seulement la voiture avait quitté son garage, mais pour un ou plusieurs déplacements totalisant 139kms ! Il ne fut relevé qu’une empreinte à l’intérieur. qui n’était pas celle de Fanta. mais qui se révéla être celle de Madame Tavernier.
Il y avait eu une séance de nettoyage, vu l’emplacement où les empreintes ont été relevées. Et des cheveux en pagaille, des cheveux de femme au premier abord, longs, teints, roux foncés, très loin de la blondeur de Fanta. On retrouva comme prévu, l’ADN de Fanta sur l’épingle du turban du magnétiseur. La carte bleue de madame Tavernier avait été utilisée à la station TOTAL de Moreuil pour un plein de Sans Plomb 98. Pas de passages payants enregistrés aux péages d’autoroute.
L’analyse des listings remis par la société « Sécurit-Am » fut sans appel. Il y avait eu un code frappé le jour de l’assassinat de Flora-Jane. et composé à nouveau trois heures après. Le garage fut ouvert à trois reprises après cet évènement. Seuls éléments non analysés, les deux cheveux noirs ou foncés dans la pochette qui dormait dans le coffre du commissariat. Christa gardait cet indice comme son arme absolue. Elle en tirerait avantage ou non le moment venu. Sa révélation prématurée risquait de compromettre l’issue de l’enquête. Christa convia Quentin et Mélie dans son bureau.
« Mélie, tu prends de quoi écrire, enregistrer, et la photo de la rue de St-Fuscien. Quentin mon chéri, tu vas conduire les plus jolies femmes de la Ville à l’Hôpital Pinel.
–Et je les laisse là-bas ?
–Si tu as envie.
–On va voir Bertin ?
–Oui, on prend de ses nouvelles. Téléphone pour savoir s’il y a impossibilité ! Ah ! Aussi ! Préviens tes copains ! Surveillance de la maison de Madame Tavernier, et intervention si elle ou son fils quitte la ville ou prend le train, l’avion ou le bateau à voiles.
–Ben la mère Tavernier, elle n’a pas la côte on dirait !
–Je la prends pour une femme intelligente, et je sens qu’elle va nous en jouer une !
–C’est vrai que depuis que tu baises avec les magiciens, ça devient facile pour toi !
–Tu l’as dit bouffi ! On y va ?
–On peut, la voie est libre. A l’hôpital Pinel, il n’y eut aucune difficulté. Une infirmière pas très jolie, les fit patienter quelques minutes, le temps d’aller chercher Paul Bertin.
« Ben voilà » Dit Quentin, « j’ai compris !
–T’aurais compris quelque chose toi ?
–J’ai compris où ils mettaient les moches !
–Les moches ?
–Les infirmières moches ! »
Christa et Mélie se regardèrent et pouffèrent de rire.
« Complètement barjo le flic ! Ah voilà Bertin. »
Ils entrèrent dans une petite salle repeinte de frais, tout près de l’entrée. « Bonjour Monsieur Bertin, Comment vous sentez-vous ?
–Je me sens assez bien pour retrouver ma maison.
–Ne vous impatientez pas Monsieur Bertin, nous sommes proches de votre libération. Nous n’allons pas abuser. Nous avons quelques questions à vous poser. Vous allez nous répondre franchement, nous sommes venus en nombre pour vous écouter. Et nous allons enregistrer vos réponses à nos questions..
Première question : Monsieur Bertin vous étiez l’homme à toutes mains de madame Girault.
–C’est exact.
–Seconde Question : Connaissiez-vous Fantine Tavernier ?
–Oui, je la connaissais pour être une employée de la pharmacie.
–Question Trois : Durant votre présence chez madame Girault, avez-vous remarqué des visites de Fantine Tavernier ?
–Oui, quelques fois.
–Question quatre : Venait-elle avec sa propre voiture ?
–Oui, une petite Renault.
–Question cinq : Elle garait sa voiture dans la cour de la maison ?
–Non, elle la garait dans la rue derrière. Elle rentrait par le jardin, la porte était toujours ouverte.
–Nous allons vous montrer une photo. Derrière la photo, il y a un numéro.
Question six : Nous vous demandons de lire le numéro de la photo, et de nous dire si vous reconnaissez ce que vous voyez sur la photo.
–Le N° est 8942G. et la photo… Ben oui, il s’agit bien de la voiture de Fantine Tavernier.
–Question sept : Vous connaissiez le N° ?
–Non, mais l’autocollant sur la vitre oui.
–Question Huit : Donc, selon vous, cette photo a pu être prise quand Fantine Tavernier était en visite ?
–Ça parait logique. Cette voiture là, à cet endroit-là, ça ne peut-être que la voiture de Fantine Tavernier. !
–Très bien Monsieur Bertin, nous en avons terminé. Avez-vous quelque chose à ajouter ?
–Oui. je ne veux pas causer de problème à personne. J’ai passé des moments difficiles. Et je ne sais pas pourquoi. J’espère que vous me laisserez sortir un jour ?
–Bientôt Monsieur Bertin. Je vous le promets. Autre chose ?
–Si vous le voyez, vous direz bonjour à Tcho-Phil. C’est un gentil garçon vous savez ?
–C’est la vérité Monsieur Bertin, comptez sur moi, je transmettrai votre bonjour. reposez-vous bien et à très bientôt. »
Les trois policiers reprirent la route. Silencieux dans un premier temps, puis Quentin posa la question.
« Mais pourquoi tu t’entêtes à le laisser là. apparemment il est normal ?
–Oui, il est plus en sécurité ici que chez lui !
–Mais il n’est responsable de rien ?
–Si, en revenant sur ses aveux, il désignait l’assassin probable ! 
–La mère Tavernier ? On peut la serrer ce soir ou demain ?
–On l’entendra demain, comme témoin. Elle est certainement innocente !
–Ben si ce n’est pas le magnétiseur non plus, c’est qui ? Tcho-Phil ? 
–Mais non ! Le suspect N°1 c’est toi ! . Tu ne m’as pas sorti ton alibi 
– Je ne vais pas te le sortir maintenant ?
–Chiche !
–Mélie contrôle-toi, ce n’est pas le moment ! »
Le lendemain, Christa réunit ses adjoints, Mélie et Marion pour faire le point de l’enquête.

 

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Mer 22 nov 2000 Aucun commentaire