Le blog d'eve anne, Madrid.

                              

 

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XXX-La Réale.
 

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Je vous disais que la main j’allais mettre
Sur votre sein : le voulez-vous permettre ?
Ne fuyez pas sans parler : je vois bien
A vos regards que vous le voulez bien.

P. Ronsard

                                          Je m’attendais évidemment à tout, sauf à ça. En d’autres circonstances, j’aurais éprouvé sûrement beaucoup de plaisir. Mais dans le cas présent,  j’avais le sentiment d’avoir été piégée. Je me levai de mon siège, et je devais avoir le visage décomposé, je me souviens avoir vu en un éclair, l’air étonné de Jocelyne. Je me retournais vers mon père :
« Tu le savais ?
-Je viens de l’apprendre.
-Je ne te crois pas. » Je fis le tour des visages, tous avaient l’air étonnés, ou ne comprenaient pas ce qui se passait. Je m’approchai de Michèle, elle me souriait de ce sourire un peu triste qui lui faisait deux petites fossettes au coin des lèvres. J’étais face à elle, quelques centimètres nous séparaient. Après un moment qui me parût une éternité, je me décidai à parler.
« Laisse moi passer s’il te plait, il faut que je prenne un peu l’air. » Michèle s’écarta, et je sortis de la pièce. Je descendis l’escalier, et sortis sur le trottoir. Je ne savais pas ce qu’il m’arrivait. J’avais la tête comme un ballon, et aucune pensée ne sortait de ce mélimélo qui me tenait lieu de cerveau. Je ne comprenais pas pourquoi elle était là, ni pourquoi on ne m’avait pas prévenue. Je ne voyais pas non plus ce que l’on attendait de moi. J’étais mariée et j’avais une petite fille, tout le monde le savait. J’avais un amour secret dont la pensée ne me quittait jamais, en tout cas mon père le savait, et Michèle devait savoir tout cela. Je marchais le long du trottoir, vers la mairie. Sur la place de l’hôtel de ville il y avait des bancs. Je m’assis, je n’avais plus envie de rien. Au diable leur société, au diable les combines, je ne voulais plus voir personne. Marie-No où es tu ? Est ce que tu m’entends ? Tu vois ce que l’on me fait ? Je sentis un mouvement à mon côté, c’était Michèle qui s'était assise à côté de moi.
«Tu n’as pas l’air heureuse de me revoir !
-Je ne le sais pas moi-même si je suis heureuse ou pas. Je ne suis pas faite pour les surprises. Et je ne comprends pas pourquoi personne ne m’a prévenue.
-Parce que personne ne savait.
-Mon père le savait lui, donc les autres le savaient. Pourquoi ce mystère
-Si tu avais été prévenue, tu serais venue ?
-Ha ! C’est ça ?Ttu craignais que je me défile ?
-Oui,
-Je l’aurais fait peut être, je n’en sais rien, mais j’aurais eu le choix.
-On peut peut-être retourner là haut, on discutera après.
-Discuter de quoi ?
-De ce que tu veux.
-Je ne veux rien, je n’ai rien demandé à personne, je suis là par politesse. Je vais rentrer chez moi. Mon mari m’attend, et ma fille aussi. Dis leur qu’ils aillent se faire voir.
-Ça ne te ressemble pas.
-Que sais-tu de ce qui me ressemble, je n’ai rien à cirer de cette société. La seule chose qui m’importe, c’est que ma femme soit partie, et que je ne la reverrai peut être jamais.
-Marie-Noëlle ?
-Je vois que tu écoutes Radio Madrid !
-Ecoute ma belle. Ces gens ont fait des km pour venir là, et moi je reviens de Portena, pour cette réunion.
-Je m’en contrefiche. Vas-y, personne ne te retient.
-Viens avec moi. ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------.Ok je te suis. » Et je la suivis sans dire un mot, je me demande encore pourquoi. Dans la salle, ils étaient tous là, ils discutaient. Quand nous sommes entrées, ils s’arrêtèrent de discuter. Mon père se leva et vint à ma rencontre:
« Plus tard », et je fis le geste de la main pour qu’il n’aille pas plus loin. Jocelyne me regardait d’un air triste et grave. Le type du midi me regardait d’un air goguenard. Louis commença :
« Est-ce que notre réunion peut commencer ?
-Oui, quand ce monsieur arrêtera de se foutre de ma gueule. »
Louis ne répondit pas à ma remarque, et exposa ses arguments. Des questions ? Pas de questions. Jocelyne recommença sa présentation, avec quelques pages supplémentaires. Je ne sais plus combien de temps dura cette réunion. Je n’ai rien entendu, je n’ai rien compris. Je regardais par la fenêtre les lumières du bistro d’en face. J’ai vu qu’ils se parlaient. Et je ne pensais à rien. J’avais l’esprit vide. Et soudain, je me mis à penser à Marie-No, et je ne pus retenir mes larmes. Non, elle n’avait rien, je le sentais, je sentais seulement qu’elle pensait à moi. Je la revoyais marcher devant moi, en balançant les hanches pour me faire mourir. Je la voyais dans son fourreau blanc sur ses talons aiguilles avec ses cheveux dénoués et son décolleté somptueux. Et là, maintenant elle était en treillis, avec ses rangers, sous la tente, il y avait peut être déjà de la neige. Et puis c’est moi qui avais fait cette affiche à la con, et si elle mourait, c’est moi qui l’aurais tuée. Je réalisai subitement que la discussion était finie, et qu’ils se levaient tous pour prendre congé. Michèle salua tout le monde, embrassa Jocelyne, me fit un petit geste de la main et sortit la première. Mon père vint me voir. Et proposa de me reconduire. Il commençait à faire nuit.
« Non, je rentre à pied. J’ai ma dose. Merci quand même.
-Merci de quoi ?
-De m’avoir joué ce tour à la con.
-Je ne l’ai appris qu’un instant avant la réunion. Et puis tu n’es pas obligée de faire la gueule, ce n’est quand même pas une catastrophe nationale. Arrête de jouer les gamines. Bonsoir à ton mari. Au fait, ta mère ne va pas bien.
-Pas de problème, Michèle est là ! Et puis il y a ma sœur. Elle doit bien se marrer cette pouffe. » Mon père haussa les épaules, et partit à son tour. J’allais dire au revoir à Louis, qui me répondit d’un air glacé, puis Jocelyne qui me prit par le bras :
«Je peux vous dire un mot ?
-Je vous écoute.
-Nous ignorions que vous vous connaissiez, et les liens qui existent entre vous. Michèle ne nous a jamais parlé de vous. Nous sommes totalement atterrés que cela vous pose problème, et je vous présente nos excuses.
-Si Michèle ne vous a rien dit. Je vais tout vous dire : Nous sommes deux gouines. Oui, c’est comme ça que l’on dit. Nous avons vécu huit ans ensemble, et ça fait huit ans que nous sommes séparées. Nous avons refait nos vies chacune de notre côté. On se retrouve aujourd’hui, et moi je ne le souhaitais pas. Ça me trouble et je ne me sens pas bien. Je suis mariée, j’ai mon mari qui m’attend, ma fille aussi, et ma femme est en opération en Bosnie. Voilà le bordel dans lequel vous me trouvez. Alors je vous prie de m’excuser, mais je vous laisse. Bonne nuit. ! Ha ! Un détail. Vous pouvez me tutoyer, ça ne me gêne pas. »
-Laissez-moi-vous embrasser.
-Ne vous donnez pas cette peine,  les gouines, c’est contagieux. Bonne nuit. » L’air frais me fit du bien. Je m’appuyai sur le poteau du feu rouge. Je repris mon souffle, et je traversais dans les clous. Je pensais que j’allais avoir du mal à raconter quelque chose à mon p’tit con de mari. Je passai sur l’autre trottoir, et comme j’arrivais à hauteur de la Société Générale, la porte d’une voiture en stationnement s’ouvrit. A la lumière du plafonnier, je vis le pantalon bleu marine et la chaussure à talon aiguille. Je me penchai et lui demandai :
« Tu as oublié quelque chose ?
-Allez monte. » Et stupidement, je montai.
« Tu as passé ton permis ?
-Oui, il y a déjà longtemps.
-J’ai tout raconté à ta copine.
-Raconté quoi ?
-Que l’on était des gouines !
-Et alors ?
-Elle s’en fiche, elle n’a pas eu l’air de me croire. Elle ne sait peut être pas que ça existe.
-Alors tu as perdu ton temps.
-Et tu m’emmènes où ?
-A l’hôtel Mercure.
-Excellent choix. Mais je préfère Royallieu.
-Ça sera pour la prochaine fois.
-Parce qu’il y aura une prochaine fois ?
-On verra bien. » On arriva au Mercure. Elle gara sa grosse Mercédès, prit sa clef et se dirigea vers l’ascenseur. Dans la chambre, elle s’assit sur le lit, me regarda un moment et me dit. Voilà, je suis là, tu es là, on fait ce que tu veux, on peut se parler, on peut se faire monter le dîner, ou on peut boire du Champagne. -C’est tout ?
-Si tu t’entêtes à être désagréable et que tu préfères t’en aller, je te reconduis. » Elle était assez jolie, je trouvais que les années l’avaient épargnée. J’avais trente trois, donc ça lui faisait 47 ans, elle ne les faisait pas.
«Tu sais bien que je vais rester. Tu ne m’as jamais pardonné notre séparation, et aujourd’hui, tu viens prendre ta revanche. J’ai un mari, un p’tit con de mari comme dit sa mère, mais je l’aime. Il me baise bien, et il m’a fait une superbe petite fille. S’il sait que je suis avec toi, il va me tuer, et c’est ça que tu veux.
-Ne dis pas de bêtises, je connais tout de ta vie, ta maman est très bavarde. Il te tuera s’il sait que tu es avec moi ? Et quand il saura que tu couches avec sa mère , Avec Marie-Noëlle, avec Simone, avec Patricia ?
-Tu oublies Linda. Prends le téléphone, et raconte-lui tout ça.
-Non, bien sûr que non, mais ta sœur oui, elle le fera.
-Je m’en fiche. La seule chose qui m’importe est de retrouver Marie-No ! Fais-moi monter du Champagne.
-Il y en a dans le frigo derrière toi.
-Tu es venue pour que l’on fasse l’amour ?
-Je ne sais pas, tu ne me facilites pas les choses.
-C’est parce que je ne comprends pas où tu veux en venir.
-Ce n’est pas un piège si c’est à ça que tu penses. Le hasard a permis que l’on se revoie, mais demain je serai repartie, peut être pour des années.
-Alors il me tuera pour rien.
-Je crois que tu as raison d’avoir peur.
-Et pourquoi ?
-J’ai rencontré ton mari. Je suis allée à son bureau de Paris.
-Pourquoi faire ?
-Des banalités, mais en réalité, c’était pour le voir.
-Et alors ?
-Je l’ai connu quand il était jeune au lycée de Creil. Je fréquentais Maud à l’époque. Je pense que Maud t’a tout raconté. C’était un gosse difficile. Il est dangereux ce mec. Il a les mêmes yeux que Ludovic !
-Pour Maud, je l'ai appris récemment. Et ça fait cinq ans que je suis avec lui. C’est le bonheur parfait. Il n’y a que depuis que Marie-No est partie, que je n’arrive pas à retrouver mes marques. Ça fait six mois maintenant, et je n’ai pas récupéré. Maud et Simone m’ont dit la même chose. Mais je sais qu’il est très amoureux.
-Oui, trop possessif peut être. » Michèle se leva, et elle servit le Champagne. Elle me tendit une flûte et s’approcha pour trinquer :
« A nous- me dit-elle.
-A toi mon amour. »
Elle prit la flûte de mes mains, la posa sur le frigo, mit ses mains derrière mon cou, et approcha ses lèvres. Moi, je me sentais devenir molle et incapable de réagir. Quand je sentis ses lèvres rafraichies au Champagne, mes jambes se dérobèrent. Je me laissai tomber sur le lit, et elle se retrouva sur moi.
Neuf ans venaient de disparaître, je retrouvais intactes toutes mes sensations, je n’avais jamais senti d’autres lèvres que les siennes. Après quelques instants de baisers fougueux et de caresses, elle se releva, et se déshabilla.
Nue, elle se dirigea vers la salle de bain. Dix huit ans nous séparaient maintenant de ce moment où j’allais pour la première fois la rejoindre sous la douche. Et tout s’enchaîna sans que l’on puisse l’une ou l’autre enrayer la marche de cette nouvelle découverte de nos corps, et de nos amours. On fit l’amour durant des heures. Pas plusieurs fois, non, de façon ininterrompue pendant des heures, tant qu’un souffle nous permettait encore d’exister. Ce n’était pas l’amour de « mes femmes », c’était le nôtre, celui que l’on avait inventé, tué, et que l’on venait de faire revivre. La fatigue nous prit par surprise. On s’endormit quelques instants. Il était deux heures du matin quand je me réveillai.
«Cette fois, c’est sûr, je vais y passer. » Je repartis sous la douche, histoire de perdre le parfum de Michèle. Rien que cette action là : vouloir se débarrasser de son parfum m’était intolérable. Je me résignai. On se rhabilla. Quand on fut prêtes à partir, je la regardai,  elle était belle comme au premier jour. Je retrouvai ses yeux amoureux, sa façon de me regarder comme si j’étais la seule à exister ; Comme avant.
« On se revoit quand ?
-Je ne sais pas.
-J’essaierai d’y être. Si je ne suis pas morte. Essaie de me prévenir....
Tu as gagné, et j’ai perdu. J’ai tout perdu.
Je ne serai plus jamais heureuse, je le sens. » On reprit la voiture. Et durant le trajet, on ne se parla pas. Je n’eus pas besoin de lui indiquer le chemin, elle s’arrêta devant la porte de l’immeuble.
«Pourquoi suis-je incapable de résister ? J’ai toujours eu l’impression que mes amours ne pouvaient nuire aux autres. Mais c’est le contraire. Je suis une pute comme dit ma sœur. Je t’ai aimée comme une folle, comme jamais peut être je t’ai aimée, et j’en sors plus malheureuse qu’avant. C’est de ça dont j’avais peur, inconsciemment, quand je t’ai vue.
-Tu ne peux pas regretter ce qu’on a fait, c’est ce qu’il y avait de mieux pour nous deux. Nous existions avant les autres, et nous nous sommes battues pour exister.
-Oui, tu as raison ma belle andalouse, c’est vrai que j’ai été ingrate avec toi, mais ce n’est pas bien de m’avoir fait ce coup là.
-Veux tu que je t’accompagne ?
-Non, n’aie crainte. Mon mariage est fichu, c’est sûr, mon p’tit con de mari va me virer, c’est sûr aussi. Et tout le monde lui donnera raison. En plus je l’aime ce con ! Allez, ciao Bella. Si tu veux me tuer une seconde fois, appelle moi. » Je pris l’ascenseur, et j’ouvris la porte avec ma clef. L’appartement était éclairé, la télé marchait, je vis que Christian était assis dans le fauteuil. Il regardait le film,( sans rire) « Les choses de la vie » J’allais dans la chambre de la puce, elle dormait. Ouf ! c’était déjà ça. J’allais dans la salle de bain et je me regardais dans la glace. J’avais une tête à faire peur. Des cernes sous les yeux par paquets de dix. Je me dirigeai vers le fauteuil.
« Dis donc, elle était bien longue cette réunion!
-Non pas tellement, j’ai rencontré quelqu’un que je connaissais.
-Oui, je suis au courant.
-Au courant de quoi ?
-Ne te voyant pas revenir, j’ai pensé que tu étais chez tes parents. J’ai téléphoné, et je suis tombé sur ta sœur qui m’a dit que « tu étais à l’hôtel en train de t’envoyer en l’air avec ta pute. » C’est exactement les mots qu’elle a employés. Elle était étonnée que je ne sache pas que tu étais une gouine jusqu’au bout des ongles, et que tu te faisais toutes les femmes que tu rencontrais.
-Et alors ?
-Et alors, comme je ne percutais pas elle m’a donné des précisions : Michèle, celle avec qui tu viens de faire tes saloperies, Marie-Noëlle depuis des années, Simone sûrement, Patricia , et pourquoi pas ma mère pendant que tu y es ?
-Tu es sûr de ne pas en oublier ? » Il se leva de son fauteuil, et vint vers moi. C’est vrai qu’il faisait peur, la colère lui déformait le visage. Bravement je lui fis face. Je sais que tu es amoureux de moi. Je suis amoureuse de toi. Mais depuis que Marie-No est partie, je n’arrive plus à vivre normalement.
-Tu avoues que tu couchais avec Marie-No ?
-Je n’ai rien à avouer, je ne l’ai jamais quittée. Je n’aurais jamais pu la quitter.
-Mais alors pourquoi es tu venue avec moi ?
-Pour faire notre enfant. J’ai essayé quantité de fois de t’expliquer, de te faire comprendre, mais tu n’as jamais rien voulu entendre.
-Et les autres ?
-Les autres ça ne compte pas.
-Ça ne compte pas, et celle de ce soir c’était pour rire ?et Simone ? Ne me dis pas que tu couches avec cette horrible bonne femme ? Et ma mère ? Tu l’as baisée aussi ma mère ? C'est toi qui fait l'homme?
-Arrête s’il te plait.
-Et les autres ? Il y en a encore ?
-Christian s’il te plait, cela ne concerne pas ce qu’il y a entre nous, je t’ai aimé loyalement, je t’aime encore, je ne veux pas d’un autre homme, je n’en n’ai jamais eu et je n’en aurai jamais ! Nous avons passé des années de bonheur, et les femmes que je voyais n’ont jamais apporté de troubles entre nous. Ce sont deux mondes différents. Ils ne peuvent pas se mélanger.
-Ecoute, arrête tes salades. Je ne veux plus te voir. Tu fiches le camp et que je ne te revoie plus jamais.
-Tu simplifies. Tu oublies que ma fille dort à côté. Que j’ai des affaires à prendre, que l’appartement est à nous deux ; alors si tu ne veux plus de moi, Ok, je m’en vais, je prépare mes affaires et je m’en vais. D’ ailleurs je ne vois pas pourquoi je resterai une minute de plus avec un connard stupide et borné. On fera une demande de divorce, pas besoin de continuer cette scène ridicule et d’ameuter tous les voisins !
-Tu laisses ma fille ici, tes affaires aussi, et tu vas retrouver ta pute. Tu n’avais pas besoin de ta fille tout à l’heure, et tes affaires non plus. Fiche moi le camp.
-Laisse-moi » Il avança vers moi, et quand je vis son visage, j’ai vraiment eu l’impression de vivre mes derniers instants..
« Fiche moi le camp sale pute de gouine!
-Christian, fais attention à ce que tu dis !
-Tu ne comprends pas ? Je te dis de te barrer ! Dégage ! »
Je reçus le premier coup sur la tempe, et je tombai à genoux. Le second m’atteignit au menton de l’autre côté. Je m’écroulai. Je ne compris plus ce qu’il hurlait. Je sentis qu’il me donnait des coups de pieds. Je ne sais pas combien de temps je suis restée évanouie. Quand j’ai repris conscience, je sentis un courant d’air. La porte était ouverte, la fenêtre aussi. Je me levais péniblement et je courus dans la chambre d’Axelle. Elle dormait toujours. Je pris des affaires que je mis en vrac dans un sac, et je l’habillais. Pauvre chérie, elle dormait encore à moitié. J’avais très mal à la tête et dans les cotes. Je sortis dans le salon, la télé marchait toujours, et la porte était toujours ouverte. Je cherchais mon sac, je ne le vis pas. Je pris l’ascenseur pour descendre. Pas de Christian à l’horizon. Je voyais mon sac et des affaires par terre sur le bord du trottoir. Il les avait jetés par la fenêtre. Axelle bougonnait, je ne tenais pas à ce qu’elle se mette à pleurer. Je m’assis un moment sur un banc de la petite place, je la serrais contre moi, elle se calma un peu. Je repris la petite rue à peine éclairée. Il avait plu, il faisait froid. Une voiture passa, fit le tour de la place et s’arrêta. Une gendarmette en sortit.
«Police municipale, vous avez besoin de quelque chose ?
-Emmenez-moi aux urgences s’il vous plait.
-C’est pour le petit ?
-Non pour moi, Je dois avoir une cote cassée.
-Que vous est il arrivé ?
-Emmenez-moi s’il vous plait.
-Oui tout se suite, montez. » La voiture démarra et prit la route de l’hôpital par la rocade.
« Vous avez eu un accident ?
-C’est mon mari qui m’a frappée.
-Et pourquoi ?
-Par jalousie. Il était fou furieux.
-Il vous a surprise avec votre amant ?
-Non, je suis rentrée trop tard, j’étais avec une amie.
-Une amie ?
-Oui, une amie, que je n’avais pas vue depuis dix ans bientôt.
-Vous êtes….
-Lesbienne oui, ce n’est pas un crime ?
-Je ne crois pas. Vous allez porter plainte ?
-Evidemment.
-On arrive. Donnez nous votre adresse.
-L’appartement est resté grand ouvert. Il a dû sortir …
-N’ayez crainte, on y retourne, on s’occupe de tout. Passez au commissariat dès que vous pouvez. » Les urgences c’était la bonne idée. Je fus prise en charge tout de suite. On recoucha la gamine, je passai un examen et des radios. J’avais le visage complètement déformé, un œil fermé, un bleu monumental sur le côté du sein, et j’avais effectivement une cote cassée, et l’autre à coté fêlée. J’avais la lèvre ouverte, qui avait saigné sur mon chemisier. Je me rappelais avoir trouvée Marie-No une nuit dans le même état. Je compris tout de suite que j’en aurai pour plus d’un mois à me remettre.
Le lendemain matin, j’appelais Maud, pour qu’elle vienne me chercher. Quand elle me vit dans cet état là, je vis son visage se tordre de douleur, comme si c’était elle qui avait mal.
«C’est Christian ?
-Oui, c’est lui.
-Je t’avais prévenue, c’est un taré. C’est un assassin. Et c’est mon fils. Quelle pitié ! Et la puce ?
-Elle n’a rien, elle dormait.
-Où veux-tu aller ?
-Au commissariat rue Saint Fiacre.
-Et après ?
-Je ne sais pas. Au commissariat, je déposai ma plainte, en présence de Maud. Je dûs relater toute la soirée. Quand je prononçai le nom de Michèle, Maud éclata en sanglots. Je signai ma déposition. Tout de suite après, une fille entra.
«J’ai le fax de l’hôpital, avec le rapport du médecin de garde. Le gradé s’en saisit, le parcourut des yeux et fit un bref commentaire :
« Hé bien, il n’y est pas allé de main morte ! Rassurez vous, nous l’avons ramassé hier soir, il a passé la nuit au poste, il est là à côté. Il n’est pas là de recommencer. Nous avons été obligés de le « persuader » de nous suivre. Vous voulez le voir ?
-Oui. » Maud me suivit. Christian était assis sur un banc au milieu de quelques ivrognes et quelques filles. Ils étaient enfermés dans une sorte de cage avec de gros barreaux. Il avait un sparadrap sur l’arcade. Quand il me vit, il se leva et vint vers moi.
« Je te demande pardon, retournons chez nous !
-Pauvre con ! » Maud ne dit rien, et on sortit du commissariat. Je demandai au gradé de m’accompagner à l’appartement pour prendre mes affaires.
« Rien ne vous empêche d’y habiter. Il sera calmé quand il sortira d’ici. Il va être jugé en référé cet après midi, pour avoir frappé un officier de police. Il y aura un autre procès suite à votre plainte.
-Non, je prends mes affaires et je ne remets plus les pieds chez lui. » Je demandai à Maud de me conduire chez un avocat pour demander le divorce. Ceci étant fait, elle me reconduisit chez mes parents. Ma mère en me voyant se mit à hurler. Mon père venait d’arriver, il devint livide.
« Voilà, vous êtes satisfaits ? » Ma sœur arriva :
« Tu as fait une mauvaise rencontre ? Ben dis donc, il ne t’a pas ratée !»


« Bon, je me suis trompée d’adresse. Emmène-moi Maud. »




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Jeu 24 mai 2007 2 commentaires

Vraiment, en lisant ce 30ème chapitre, hier soir, j'en ai été toute chamboulée. Je frissonnais en te lisant. Cela m'a aussi provoqué une insomnie en début de nuit. Je pensais à ce que tu avais dû vivre en retrouvant Michèle... Je vivais ton angoisse quand Christian t'annonce qu'il sait que tu es lesbienne et qu'il se sent trahi... et sa violence. C'est terrible d'être face à quelqu'un qui ne comprend rien, mais on peut aussi comprendre que Christian se soit senti trahi. C'est terrible d'être frappée par un homme, les hommes n'ont pas le droit de faire ça... Et toi à la rue, avec ta puce... Cela a vraiment dû être atroce. Je t'imaginais, j'avais les larmes aux yeux. C'est stupide n'est-ce pas? Mais, au fil des chapitres précédents, je pressentais cette apocalypse. Je me disais: comment tout cela peut-il tenir? Tout était en équilibre en apparence, mais tout ne tenait qu'à un fil. Ce que tu as écrit là est vraiment poignant, et raconté avec beaucoup de sensibilité et de vérité humaine, ce que je ne saurais pas faire. J'ai besoin, plus que toi, de produire des effets... J'y ai retrouvé, non pas ce que j'ai vécu moi-même avec mon mari, parce qu'avec Léo, ça s'est plutôt fait en douceur, mais ce que mon amie de l'époque, Apolline, a vécu avec son petit ami, quand il a su qu'elle le trompait avec moi... ce fut également un massacre. Je n'ai pas encore publié cette partie de ma vie dans "Le saut de l'ange", mais cela viendra. Je t'embrasse très fort. Ophélie

Ophélie Conan - le 24/07/2010 à 11h34

J'ai lu jusqu'ici le passionnant roman de votre vie, un tourbillon de passions, d'amours et d'intrigues extraordinaires, où la réalité dépasse la fiction

J'admire la femme exceptionnelle que vous êtes, la force et la volonté qui vous ont permis de vous réaliser à coeur et à corps perdu dans toutes les entreprises que vous avez choisies (pour tenter d'oublier un amour qui n'a jamais cessé de vivre)

Je vois en vous une femme d'une générosité hors du commun, qui a ce don d'Amour multiple que je n'aurais jamais imaginé possible

C'est ce mélange en vous de sentiments puissants, violents parfois, alliés à une grande tendresse romantique qui vous rend extraordinaire    

(Je me sens une toute petite fille n'ayant pas vécue à côté de vous)

Merci Eve Anne pour ce partage bouleversant 

Je vous embrasse

Ondine - le 15/01/2013 à 17h45

Je suis très émue de ce que vous me dites. Il est vrai que les évènements passés sur quelques années, paraissent différents quand ils sont bout à bout sur une page de livre. J'ai vécu une jeunesse active et passionnante. Je ne regrette qu'une seule chose, mais chutt ! c'est la suite. Baisers eveanne.

eve anne