Le blog d'eve anne, Madrid.

                              

 

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XLVI-Ombrages
 

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-- Une femme jeune, grande et belle
en robe noire très décolletée.

Paul Eluard
 


                                    «Elle s’appelle Claudie. Aurais-tu l’intention de l’embaucher ?
—Peut être. Si je me souviens bien, elle est très jolie et visiblement intelligente !
—Oui.
—Tu n’as pas l’air convaincue ?
—Elle a sûrement retrouvé du boulot. Elle est peut être mariée !
—Arrête de me dire ce que tu ne veux pas dire. Donne-moi son numéro.
—Je peux te l’appeler si tu préfères, quand veux tu la voir ?
—Tout de suite. Ça n’a pas l’air de t’emballer. Dis-moi, si quelque chose ne va pas !
—Ce sont ses affaires, elle te le dira. » S’il y bien quelque chose dont j’avais horreur, c’est ce genre de discussion. Puce me dit avoir retrouvé ses coordonnées, et Claudie fut d’accord pour me rencontrer le lendemain à onze heures. Quand elle arriva, je ressentis un gros choc. Pas celui de ma vie mais presque. Claudie était sublime. D’une allure vraiment exceptionnelle. Marie-No en brune. Souriante, décontractée, vêtue légèrement, d’une robe noire courte, moulante, au décolleté démentiel. Tous ses appas étaient en vitrine. Elle connaissait mon point faible visiblement.
«Bonjour Claudie, très heureuse de te revoir. Mes compliments, tu es resplendissante. A te regarder, je me sens en apnée !
—Bonjour eve anne. Respire, ça passera ! Je t’appelle eve anne ou cocotte ?
—eve anne, je préfère, faute de mieux. Comment vas-tu ?
—Très bien comme tu vois, mais tu as des choses à me dire je présume ?
—Ok, je peux aller droit au but si tu es pressée !
—Pas spécialement, mais j’ai l’impression de me trouver à un entretien d’embauche, alors que je n’ai rien demandé.
—Tu as raison. Sortons, allons nous mettre à une terrasse, il fait soleil !
—Et tu pourras mater les nanas ! Non ? Ça t’a passé ? » Je n’aimais pas le ton qu’elle donnait à notre entrevue, je ne voyais pas où elle voulait en venir. Nous sortîmes sur le trottoir, et on se dirigea lentement vers le bistrot qui se trouvait à cent ou deux cents mètres de là. On s’installa à la terrasse.
« Tu as raison, je mate toujours les filles, je n’ai pas encore trouvé de distraction plus agréable.
—Et à ton âge, tu n’as pas besoin de lunettes ?
—Je mets des lunettes pour lire, j’ai trente quatre ans, j’ai encore l’âge de regarder les filles.
—C’est rassurant. Mais tu ne me regardes pas. Mes seins ne t’intéressent pas ?mes jambes non plus? Tu m’as demandé de venir te voir pour me proposer un poste ? C’est bien ça ?
—Oui, c’est ça !
—S’il n’y a que ça, je ne suis pas intéressée !
—Alors pourquoi es tu venue ?
—Pour te dire ce que j’ai sur le cœur.
—Qu’as-tu à me reprocher ?
—Nous avons souvent travaillé ensemble, on a souvent pris nos repas ensemble, on s’est croisées presque tous les jours, on se souriait, j’étais comme toutes les filles, amoureuse de toi, et tu m’as toujours ignorée. Je me faisais belle, je me faisais des décolletés déments, j’étais en minijupe, je frôlais ta main, je portais ton parfum. Et toi tu n’avais d’yeux que pour Simone. Forcément, c’était la patronne. D’ailleurs tu as réussi, tu as obtenu une superbe promotion, sans doute que tu l’as bien baisée. Tu sais, nous y sommes toutes passées, entre les cuisses de Simone, mais aucune n’a réussi comme toi. Tu dois être un bon coup. Alors voilà, aujourd’hui, le besoin m’a quittée. Tu continueras à te passer de moi, et le monde ne cessera pas de tourner pour autant. Je pense que les nanas que tu as méprisées se rebelleront un jour. L’une d’elles te chipera ta belle blonde, et tu ne l’auras pas volé. Voilà eve anne chérie quelle est ma réponse. Même pour une fortune, je ne veux plus te voir.
—L’avantage de la franchise, même si ce n’est pas la vérité. C’est vrai que l’on s’entendait bien. Mais toutes les filles ne sont pas lesbiennes, et je n’ai jamais pensé que tu l’étais. Les filles qui ont envie de moi, je les détecte à tous les coups. Tu serais bien la première à être différente. Et je n’ai jamais dragué une fille que je ne sentais pas disponible. Si je ne l’ai pas senti, c’est que tu n’en n’avais sentimentalement aucune envie. Si tu voulais coucher avec moi, je suppose que c’était pour montrer aux autres, ton pouvoir de séduction, ou bien que tu avais chipé la nana de la patronne. Ça, je ne pouvais pas le deviner, je ne détecte que les sentiments, quand le courant passe. Et pour que le courant passe, il faut être connecté aux deux extrémités.
—Tu vois que tu n’as pas la science infuse. Bon, tu m’offres à déjeuner, que je ne sois pas venue pour rien. ?
—Une soupe à la grimace ?
—Non, je ne suis pas méchante, je ne suis pas hargneuse, tout cela est du passé. Tu vois, je te souris, je te caresse la main, je te regarde dans les yeux que j’ai tant aimés. Je te trouve toujours aussi plaisante, mais tu n’as plus cette allure jeune et dynamique qui faisait ton charme. Ta blondinette a du te fatiguer.
—Laisse ma blondinette où elle est. Elle te trouvait jolie, mais ne t’a pas sentie disponible non plus. On déjeune, si tu veux, et je retourne au bureau. J’ai été heureuse de te revoir. Tu es vraiment très belle. J’espère que tu seras candidate à Miss France.
—Tu te caresseras en pensant à moi. Tu verras, ça te fera un bien immense.
—Ne sois pas vulgaire, laisse moi un bon souvenir.
—Et que voulais-tu me proposer comme job ? Vider les poubelles ?
—D’être mon adjointe. Tu étais l’adjointe de Simone. Tu aurais assuré la direction de l’agence, car j’aurai de plus en plus besoin de voyager.
—Rien que ça ? Arrête de te moquer de moi. Je ne veux pas d’un job minable, dans une boîte de quat’ sous.
—Comme tu voudras. Si tu en as un plus lucratif, garde le.
—J’aurais aimé faire l’amour avec toi. Je t’ai tout dit. Je ne serai pas ton double. Je reste une femme libre que tu peux aimer. Si tu me disais « viens » je te suivrais sans hésiter. L’amour débarrassé de toutes les servitudes. Mais je vois que ce n’est pas à l’ordre du jour.
—Ni des autres jours.
Excuse moi, je n’ai plus faim. Désolée de t’avoir dérangée. » Et je rejoignis mon bureau. Puce guettait mon retour. Je la vis détourner la tête.
« Pourquoi ne m’as-tu rien dit ?
—Je n’ai pas eu le courage.
—Mais enfin, que s’est-il passé ? Comment es-tu au courant ?
—Tout le monde était au courant. Claudie passait pour être la plus jolie fille du journal. Elle était la préférée de Simone, et bien sûr sa maîtresse. Elle était persuadée que tu lui mangerais dans la main. Elle a été mortifiée de ton désintérêt pour elle.
—Conneries. Des histoires de gamines. Comme si on avait que ça à faire.
—Tu as raison. Tu en trouveras une autre.
—Non!  C’est celle là, que je voulais !
—Tu en aurais fait ta maîtresse ?
—On passe à autre chose tu veux ? » La semaine se terminait. Elle se terminait mal. Demain on prenait l’avion pour Ibiza. J’avais besoin d’être nue au soleil et de fermer les yeux. J’aurais ma titine à côté, et Maud de l’autre. Le paradis moins une.
Une qui faisait quoi en ce moment ? Des ronds en l’air avec son tas de ferraille? Est-ce qu’elle pensait à moi entre deux nuages ? Non, même pas. Elle me préférait son azimut et son niveau d’huile.
Finalement, je me donne un mal fou pour être aimée, et je reste seule comme une conne.
Il n’y a que Maud qui ne demande rien en échange. Elle a un cœur gros comme une montagne. Et dans cette montagne, il y a un refuge où je me plais, et où je voudrais être, là, tout de suite. J’ai tellement envie de pleurer. A force de me laisser, je deviendrai peut être comme Michèle, un cactus dans la Sierra.
Et quand j’en serai là, on me reprochera d’être insensible aux autres.
Mon portable se mit à sonner. Super cet engin, mais avant, je n’étais pas dérangée toutes les cinq minutes. C’était Claudine ? Ouf, j’étais contente de reconnaître sa voix.
« Oui Claudine, ça va bien ?
—Oui, je vais bien, tu ne peux pas savoir le bien que tu m’as apporté. Je te téléphone plus tôt que prévu, parce que j’ai peur que tu changes d’avis.
—Il n’y a pas de raison, je t’ai proposé ce travail en toute connaissance de cause. Je suis sûre que tu réussiras. Hubert est satisfait ?
—Oui, il est soulagé que je sois heureuse, parce qu’il sentait bien qu’il n’avait pas grand-chose à m’offrir.
—Claudine, cet homme là t’aime réellement, que peut-il te donner de plus ?
—Tu as raison. Tu pars en vacances ?
—Demain, nous allons à Ibiza !
—Je te souhaite de bonnes vacances. Marie-No t’accompagne ?
—Non, j’y vais avec ma fille et avec Maud.
—Maud, ta belle mère ?
—Oui, ma belle mère,…Aussi.
—Oui, je comprends eve anne. Surtout, essaie d’être heureuse, et embrasse Axelle.
—Merci, à bientôt Claudine. »
Oui, j’y allais avec ma belle mère. Je n’avais plus de femme. Je reprenais la route. Il y a des jours comme ça. Arrivant chez moi, il y avait Maud avec Axelle et Eliande. Elles jouaient toutes les trois aux petits chevaux. Sur la table, il y avait un magnifique bouquet tout emballé avec des œillets rouges et une carte. Je me précipitai, la carte était de Luigi. « Bonnes vacances Belle Amie » Je m’effondrais en pleurant. J’avais cru…

Il ne faut pas longtemps pour aller à Ibiza en avion, on se dit qu’on devrait y venir plus souvent. Pour quoi y faire grands dieux ? On se fit conduire dans un taxi pourri à l’hôtel « Los Molinos » Un superbe endroit avec une plage privée et une magnifique piscine. Un peu loin de la ville, mais la ville la nuit, n’était pas vraiment ce qui nous intéressait. Et le port de plaisance, là où sont les yachts des milliardaires dégage une odeur absolument pestilentielle. A croire que les toilettes de ces « pauvres » gens, et tous les égouts de la ville, se déversaient directement dans les eaux du port, ce qui était sûrement la vérité. Ce qui me retint d’utiliser la plage privée, à peine à cinq cents mètres du port. Je trouvais une voiture à louer. Une Fiat décapotable, qui devait avoir fait la guerre. Ce qui nous permit de visiter tous les recoins de l’île. Toutes les criques, toutes les plages. Je constatais à quel point tous les endroits ayant une situation privilégiée étaient déjà occupés par de magnifiques villas, entourées de murailles, comme de véritables forteresses. Beaucoup de ces résidences étaient protégées par un gardien en uniforme. Je conduisis Maud dans les hauteurs de la ville. Dans tous les coins et recoins, de la vieille ville, ou sur les remparts de la citadelle, on voyait des couples homos qui se dissimulaient plus ou moins. Je lui présentai Isidoro Macabich. Ce qui, pour une philosophe, est un beau cadeau. Une photo assise à ses côté était de rigueur. Axelle supportait difficilement la chaleur. Il faut dire que cet été était particulièrement brûlant. Je ne prenais pas le risque de lui ôter le tee-shirt. Sur une plage au nord ouest, où il y avait de nombreuses cabanes de pêcheurs, en face de l’île Conillera, il devait faire plus de 45° à l’ombre, si on avait trouvé de l’ombre. Nous avons été obligées de battre en retraite.
Une chose était divinement belle, sur ces « playas Pitiusas » c’était Maud avec son minuscule string, et sa jolie poitrine qui bougeait à merveille au rythme de ses pas. Elle avait une couleur de bronzage magnifique. Son regard gris argent ressortait comme une curiosité sur son visage brun. Et ses cheveux aux mèches argentées brillaient au soleil, comme le reflet du métal poli. Puis quand elle voyait que je la regardais avec quelques tonnes d’amour qui devaient me sortir de partout, elle souriait, et c’était l’apothéose. Maud avait cinquante six ans. Ses hanches douces et sa taille fine, ses jolies jambes et son ventre plat, son visage sans une ride et son magnifique sourire de joie contenue, la faisait paraître d’une jeunesse éternelle. A Ibiza où tous les couples étaient du même genre, nul ne pouvait s’étonner de nous voir ensemble. Nous étions du même âge, nous étions amoureuses, nous avions une petite fille. Il est sûr que nous faisions des envieuses, et personne n’aurait pu affirmer laquelle des deux était la maman. On pouvait s’embrasser en public, s’enlacer sur les plages, ou au bord de la piscine, nous étions transparentes. Un matin, il fit un peu moins chaud, le ciel était couvert. Il était sept heures à peu prés, tout l’hôtel dormait encore. J’avais mal dormi, je faisais des cauchemars, le moindre bruit me réveillait. Je voyais toujours en rêve cet hélico tournoyant sur lui-même dans une gerbe de feu. Résidu sans doute d’un film américain. J’étais mal, je me levai et je descendis. La mer était de platine, il n’y avait pas un souffle de vent. Je me suis mise nue, et je plongeai dans la piscine où l’eau fraîche me fit du bien. Et je me mis à nager. Comme j’avais l’habitude, seul ennui, je n’avais pas de bonnet, et mes cheveux me gênaient. Je vis une jeune femme arriver au bord de la piscine. Je m’arrêtai et lui demandai de me prêter sa pince. Elle défit ses cheveux et me la tendit avec le sourire. Et je repartis à nager comme une bête. Je nageais ainsi pendant deux heures. Deux heures durant lesquelles je ne pensais à rien d’autre que de déclencher ma galipette à la bonne distance du mur. Et puis je m’arrêtais, parce que j’avais reconnu à travers le bouillonnement de l’eau, la silhouette d’Axelle munie de ses flotteurs sur le bord du bassin. J’avais du faire un peu plus de cinq km. Il n’y avait personne d’autre dans l’eau, les gens me regardaient, personne n’avait voulu me gêner. Je sortis de l’eau, embrassai ma fille, Maud qui lui tenait la main, et j’allais rendre la pince à la jeune femme allongée sur son hamaca, et je la remerciai. C’était une espagnole, elle me sourit et me dit : « Tu n’es même pas essoufflée !
—Non, je n’ai pas voulu battre un record. Et tu n’es pas venue me rejoindre. Merci beaucoup. » Elle éclata de rire. J’étais nue, mais personne ne semblât s’en offusquer. Puis après, avec Maud et Axelle, je retournai à l’eau pour l’amuser un peu. De retour sur le bord de la piscine, le garçon de restaurant m’apporta mon petit déjeuner. A la première miette de croissant que je laissai tomber, une nuée de petits lézards sortirent on ne sait d’où, et commencèrent une bataille rangée pour s’octroyer la miette de croissant, ce qui amusa beaucoup la petite. La moitié du croissant y passa ! Durant notre séjour à Ibiza, je n’eus pas d’appel de Marie-Noëlle. Je l’appelais deux fois, je laissais deux messages. Je n’eus pas de réponses.
Pour notre retour à Roissy on se retrouva sous un orage épouvantable. Des trombes d’eau, de superbes éclairs et des roulements de tonnerre. Cela faisait des semaines que nous n’avions pas vu une seule goutte d’eau.
Maud était heureuse de nos vacances, moi un peu moins, mais je réussis le miracle de ne pas lui laisser voir.
Dans le courrier, qui m’attendait, un papier bleu, un télégramme. Curieux, on n’était plus habitué à cette façon de communiquer. Je l’ouvris, il était de Simone, Axel était décédé.
Quand j’eus repris mes esprits et que je n’eus plus de larmes à verser, j’appelais Simone. Axel était décédé en début de semaine, en salle de soins intensifs. Il était à la maison funéraire, elle attendait mon appel pour que j’aille la rejoindre. Elle se sentait incapable d’organiser les funérailles.
Je confiai Axelle à Maud, je me changeai, fis un autre sac, et je repartis pour Roissy. Je retrouvai Simone, je la trouvai extrêmement amaigrie. Les yeux secs, un sourire triste.
« Je n’ai pas voulu gâcher tes vacances.
—Tu as eu tort. Je m’y étais préparée. Où veux-tu faire l’inhumation ?
—A Villefranche de Rouergue, là où il y a son caveau familial. Mais avant, je veux avoir la certitude de pouvoir passer l’éternité à son côté.
—Je m’en occupe. Repose-toi. Donne-moi votre livret de famille. Et toi, ta famille repose à quel endroit ?
—Moi ? Je ne sais pas, je n’ai jamais connu mes parents, ils sont morts en déportation. Je ne suis même pas sûre de mon identité. Les gens qui m’ont recueillie n’ont pas su me la garantir.
—De mieux en mieux !
—J’ai passé mon enfance dans une famille de Milly la Forêt. Je ne sais pas ce qu’ils sont devenus. Je suis allée en pension, et je ne les ai jamais revus.
—Nous n’avons jamais parlé de tout ça..
—Non, on n’a vécu que le bonheur, et c’est déjà beaucoup. » Je pris l’avion pour Toulouse, et de là, je pris une voiture pour Villefranche. Je recherchais la famille d’Axel, et je retrouvais son cousin germain. Il me conduisit au cimetière. Apparemment le caveau était complet. C’est ce que nous confirmèrent les pompes funèbres. Je leur demandai s’ils pouvaient réaliser une tombe rapidement, ils s’engagèrent sur 48 heures après accord de la Mairie. J’appelai Simone, elle hésita puis décida qu’elle préférait organiser les obsèques à Clairefontaine.
« C’est là bas que nous avons vécu le plus longtemps ensemble. Et puis je vais revendre cet appartement. Je ne pourrai pas vivre ici. Je me trouverai une maison dans la vallée.
—Ok, je rentre, et je retourne chez moi, mais en passant, je m’occupe de tout.
—Merci cocotte. Fais comme tu peux. » Je rentrais à Nice, et je repris l’avion pour Paris. J’allais directement à Clairefontaine. Je n’eus aucun problème à obtenir ce que je voulais. En deux heures j’avais tout réglé. J’allais même dans une agence pour voir les maisons disponibles. Il y en avait quelques unes que je me proposais de visiter. Et puis, j’avais l’appartement libre. Pour l’instant je rentrais à Compiègne, et je rendais compte à Simone. L’enterrement pouvait être fixé dans une semaine, le temps de prévenir les amis de Simone.
Le soir, j’eus un coup de fil de Marie-Noëlle. Elle était toute heureuse de pouvoir me parler. Elle me dit avoir un problème de batterie avec son téléphone, et elle ne parvenait pas à en trouver une de rechange. Sinon, elle semblait en pleine forme, elle était contente, tout allait bien. Elle s’enquit de mes vacances, me demanda si Maud était bronzée partout, et si elle m’avait fait ce qu’il fallait. Elle me demanda d’embrasser Axelle. Elle ne reviendrait pas avant Noel. Alors je lui promis d’aller la violer sur place. L’idée sembla lui plaire. Je finis par lui annoncer le décès d’Axel. Elle se promit d’appeler Simone pour l’embrasser. Voilà. J’étais rassurée. J’avais encore quelques jours de vacances à écouler.
Je commençais par aller voir mes parents. Ma mère se lamentait toujours, elle fut malgré tout heureuse de voir Axelle. Mais la pauvre fillette était bien perdue de nous entendre parler, elle prenait un air un peu inquiet, se demandant sans doute ce qu’il nous arrivait. Mon père était dans un état stationnaire. Rien n’avait évolué, et les médecins avaient sursis au traitement par chimio. C’était toujours ça de gagné.
Et je refis nos bagages, et je partis avec Axelle à Fort Mahon. J’appris à faire des châteaux de sable, et à profiter du calme, et de la solitude des adultes. Ma gamine était heureuse que je me consacre entièrement à elle, jusqu’à faire la sieste ensemble l’après midi. Et moi, je n’avais envie de rien d’autre.
L’enterrement était fixé au Jeudi 28 Aout. Nous rentrâmes la veille. J’avais proposé à Simone d’habiter dans l’appartement du Boulevard, et j’avais laissé les instructions à la concierge. Elle préféra le studio. Je la prendrai le lendemain en passant, pour aller à Clairefontaine. Maud m’accompagnait. Habillée de noir, elle avait l’air d’avoir retrouvé son âge, et cela me fit un drôle d’effet. Moi, j’étais en noir aussi, mais c’était mon habitude, rien ne changeait vraiment. Maud n’était jamais venue à mon agence, elle ne connaissait ni le studio ni l’appartement. Je lui en avais parlé bien sûr, mais l’occasion pour elle de connaître ces endroits, ne s’était jamais présentée.
Quand nous sommes arrivées au studio, nous avons eu la surprise de trouver Simone tout de blanc vêtue.
« C’était la dernière volonté d’Axel, il ne voulait pas que je porte le deuil. » La tombe était prête, et la réalisation me sembla parfaite. La pierre était gravée comme me l’avait demandé Simone. Le cimetière était calme et bien entretenu. Une bonne cinquantaine de personnes s’étaient déplacées, parmi elles, Josépha et Linda et beaucoup des anciennes employées de Simone. Je remarquai que Claudie n’y était pas. Simone devait faire partie de sa liste noire tout comme moi. Le cercueil arriva à l’heure prévue. En direct de Nice. La cérémonie fut courte, mais emprunte d’une profonde tristesse. Simone ne pleurait pas, comme si, elle avait déjà tout donné. Etonnant l’amour de cette femme pour son mari, alors que son handicap les avait séparés toutes ces années. Elle se tenait droite, proche de la tombe comme la figure de proue de tous ces gens rassemblés derrière elle. Puis ce fut la fin de la cérémonie, et après quelques condoléances, les proches se séparèrent. Sur le côté de la tombe, parmi d’autres, une gerbe de fleurs rouges, des œillets. Avec une bannière, « Lieutenant Marie-Noëlle Duval » On se retrouva au studio, avec Maud et Simone. Je proposai à Simone d’habiter l’appartement le temps qu’elle trouve une maison, et que le site de Nice soit vendu. Elle accepta. Elle retournerait à Nice faire ses bagages et mettre le Duplex en vente. Puis je proposai à Maud de visiter l’appartement et mes installations. On passa la journée ensemble. On fit l’excursion d’un Paris presque désert, avec une pause au Luxembourg, ce parc qui pour moi avait un attrait particulier. J’aimais cet endroit, sans vraiment savoir pourquoi. Le soir venu, on prit un repas dans un restaurant que j’avais découvert avec Linda quelques jours avant
« Le Coupe Chou » rue Lanneau. Près de la rue des écoles. Je savais que Simone aurait le coup de foudre pour cet endroit. Je reconduisis Simone boulevard Malesherbes, et avec Maud, on reprit le chemin du retour. Je m’arrêtai sur l’aire de Roberval, histoire de lui faire un petit câlin.
Le lendemain matin, j’eus un appel de Puce. Elle m’informait que Claudie avait fait une tentative de suicide. Et elle m’exposa le résultat de son enquête : « Il semble qu’elle ait souffert de jalousie de façon maladive quand nous étions au journal. Et lorsque vous vous êtes revues, elle avait décidé de ne rien accepter de toi, et de se montrer méprisante. En réalité, elle vivait seule, elle était au chômage depuis longtemps, et dans une situation extrêmement précaire, à la veille d’être expulsée de son studio. Elle s’est ouvert les veines. C’est la concierge qui l’a trouvée alors qu’elle venait lui porter son courrier, inquiète de ne pas l’avoir vue. Il y avait près d’elle un mot te priant de lui pardonner. Ta proposition lui aurait sauvé la vie, mais sa fierté a bien failli la tuer.
—Et comment sais-tu ça ?
—On habite le même immeuble, je la voyais souvent. »



« Si tu savais comme j’en ai marre des nanas et de leurs conneries ! »




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Mar 8 mai 2007 1 commentaire

Les femmes entre elles, hélas, ne sont pas toujours très tendres, comme tu le montres bien avec Claudie, dans ce chapitre. Mais cela me semble dû, comme chez les hommes, au phénomène de meute. Celles et ceux qui ont le sentiment d'être démuni(e)s, pour des raisons qui leur sont personnelles, ont toujours envie de se rapprocher du chef, de s'octroyer ses faveurs et d'éliminer les rivales et rivaux. C'est bien dommage et cela crée des ravages, dont l'Amour fait les frais. Mis n'est-ce pas la racine du mal? Doux baisers

Ophélie Conan - le 08/03/2011 à 18h05

Les femmes comme les hommes. Quand,pour certaines raisons tu te trouves être l'animal alpha, il y a celles qui te suivent, quelques unes, et celles qui te détruisent, la plupart.
Merci de me lire avec autant de lucidité. Tes analyses me font le plus grand bien. Je pense que tu mérites la suite......... 

 

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