Le blog d'eve anne, Madrid.

Le Coupe Chou.

1ère Partie.

Gare de Lyon

       S’il existe un lieu magique à Paris, c’est bien la gare de Lyon. Pas cette gare TGV souterrainement austère et sans âme, mais la gare de surface, la vraie, celle qui fait vibrer le cœur dès que l’on aperçoit l’horloge, de la rue de Lyon. J'ai toujours aimé les trains, depuis ma plus tendre enfance quand, avec mes parents et ma sœur, nous partions à la mer.

La Gare de Lyon à l’heure des grands départs, est habitée d’un esprit particulier. Peut être est-ce simplement la concentration des voyageurs en attente. C’est cette odeur particulière, faite d’humanité, d’ozone et de poussière. Ce grand espace qui fait face aux quais, animé de ses panneaux affichant les horaires, et les milliers d’yeux, levés vers les chiffres verts qu’ils ne semblent pas comprendre. Et puis ce sont tous ces jeunes avec sacs au dos, assis sur les murets des escaliers descendant au sous-sol. Ils fument, ils mangent d’énormes sandwiches, vident quantité de boîtes de bière ou de Coca. Ils dorment ou s’embrassent; l’amour des fois, se fout du décor. En haut de l’escalier, ce superbe restaurant : « Le Train Bleu » qui fit briller de ses ors, la redoutable Nikita, alias Anne Parillaud. En bas, le bistro, si joliment décoré d’une façade de faux chalet alpin, quand les départs sont ceux des sports d’hiver. Et puis tous ces gens, qui n’ont aucun projet de voyage, et qui sont là, parce que c’est peuplé d’autres gens, et que l’on peut y espérer l’improbable rencontre. La foule est dense.

Si les trains au départ absorbent quantité d’usagers, d’autres déversent continuellement des milliers de nouveaux transits. Dans les points Hachette, des hommes feuillettent les magazines défendus, prenant l’air absorbé de ceux qui lisent Le Monde, l’Express, ou Le Nouvel Obs. Les toilettes publiques débordent de types plutôt glauques, le regard au niveau de la braguette, n’essayant même pas de dissimuler ce pourquoi ils sont là des heures durant, guettant la bonne fortune. Tous ces détails font la vie de la gare, avec en plus cette voix particulière qui annonce les retards, les changements de quai, les arrivées, et l’enfant égaré qu’il faudra bien récupérer. J’ai traversé tout ce monde, cette foule hétéroclite, les sens en éveil, attentive à tous ces détails qui bien souvent ont meublé mes attentes. Ce soir là je n’étais pas seule, je tenais la main de ma petite fille, qui de sa hauteur, ne voyait sûrement pas grand-chose, peut être un autre décor, peut être un autre monde. Je portais sa petite valise, elle avait aux épaules l’incontournable petit sac à dos qui devait contenir trois mouchoirs une bd, une boîte d’Orangina et quelques chocolats. A l’heure dite, je m’approchai de l’entrée du quai, là où l’on valide ses billets avec cet infâme machin toujours en panne quand il s’agit de mon billet .

Ma sœur était là, déjà, fidèle au rendez vous. Comme toujours, plutôt en avance, qu’en retard. J’adore sa ponctualité. Je me jetai dans ses bras car cela faisait au moins un mois qu’on ne s’était vues. Son gamin était dans les bras de son père, les bagages dans un chariot. Les effusions durèrent un bon moment, puis l’heure d’embarquer arriva. Ils partaient en Bretagne pour les vacances de Pâques, ma fille les accompagnait, gentiment invitée pour tenir compagnie au petit. J’étais sur le quai, et je les regardais s’installer à travers la double vitre, je voyais le visage heureux de la petite. Voyager dans ce beau TGV était une véritable aventure. Elle aurait plein de choses à raconter à sa petite copine à son retour. A la seconde près, le train se mit à glisser silencieusement, vers le triangle de ciel de  la sortie du hall de gare, salué par quantité de mains qui s’agitaient, peut être aussi par quelques larmes vite épongées. Déjà la vitesse allait croissante, et ce furent deux gros feux rouges qui filèrent devant moi. Lentement je m’en retournai et remontai le quai, seule subitement, sans savoir au juste ce que dans l’immédiat j’allais bien pouvoir faire, je n’étais pas pressée ; j’avançais. Je me retournai une dernière fois, les feux du TGV avaient déjà disparu, absorbés dans un mouvement lointain que je n’identifiais pas tellement. Sur le même quai, sur l’autre voie, un autre TGV arrivait doucement, sans bruit, semblant rouler sur du velours, ses trois gros phares allumés. Les lumières du hall zébraient les vitres noires de la motrice. Le TGV s’immobilisa sans un bruit. J’imaginais le chauffeur, satisfait d’avoir amené sa machine à la seconde près, et de l’avoir stoppée au millimètre près. Déjà la foule descendue était en marche vers moi ; déjà ces gens entraient dans le décor de la gare, remplaçant d’autres gens à l’instant disparus. Je me mis à scruter les visages, machinalement, puis, je repris la direction de la salle des pas perdus. A peine eus-je fait trois pas que surgit devant moi, un monsieur pas tout jeune qui me barrait le passage. Je levai les yeux vers lui, et il me dit :
«  Je vous offre un verre ? 
--Non merci lui répondis-je » mais il ne bougea pas. Réprimant l’insulte qui me montait aux lèvres, je lui tournai le dos et revint de quelques mètres vers le bout du quai. A une dizaine de mètres de là, sur le quai, une silhouette féminine arrivait lentement. Elle tirait une valise à roulettes, et dans l’autre main elle tenait un sac de voyage. Entre les anses du sac, un vêtement, une veste sans doute. Elle paraissait grande et l’allure était gracieuse. Elle était montée sur de très hauts talons, la jupe, serrée sur une taille fine, descendait à la hauteur du genou et les jambes étaient assez jolies bien qu’un peu fines à mon goût. .Elle portait un chemisier blanc. Je la regardais s’approcher, et cela me procurait ce plaisir secret, cette vibration que je connaissais bien, de la vision de la beauté. Je trouvais sa démarche élégante, démarche un peu cassée au niveau des hanches, comme les mannequins dans les défilés de mode. Je ne la quittai plus des yeux, elle était à deux mètres de moi à peu près. Je saisis l’instant précis où son regard accrocha le mien. Sa jupe était bleu marine, en daim apparemment, et le chemisier de soie était champagne et non pas blanc. Profondément ouvert il laissait voir le soutien-gorge dans l’ouverture. La poitrine était discrète, les cheveux courts, noirs ou très foncés. Elle avait une coupe de garçon un peu longue sur la nuque, avec une mèche qui semblait assez indépendante sur le front. Pas de bijoux apparents, Le visage paraissait jeune, légèrement hâlé, mais sans plus, la trentaine sans doute, je la trouvai très jolie. Je n’arrivai plus à m’en détacher le regard. Tous ces détails, m’arrivaient en flots continus espacés de fractions de secondes. Mon esprit enregistrait à toute vitesse chaque millimètre carré de l’élégante créature



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Lun 10 sep 2007 Aucun commentaire