Le blog d'eve anne, Madrid.

 

 

tn 22Image: L'envol des libellules


 

Chapitre 24

 

 


          « Asseyez-vous madame, nous étions en train de faire le point sur l’enquête que nous menons au sujet de l’assassinat de votre fille, pour lequel la jeune Reine-Claude Devallois, inculpée, sera entendue par le Juge dans les jours prochains. Nous voudrions poursuivre nos réflexions, sur la mort de Mme Girault. Pour cet assassinat, nous n’avons pas d’inculpé à l’heure qu’il est. »
Christa nota un frémissement du visage que Mme tavernier tentait de maîtriser.
« Nous n’avions pas beaucoup d’indices sur ce malheureux évènement, jusqu’à ce que nous parvienne cet exemplaire de Picardie Matin. L’avez-vous lu Madame ?
–Non je ne me souviens pas.
–Page quatre, on voit une grande photo des travaux d’assainissement Rue Jean Jaurès à St-Fuscien. Le mur que l’on voit sur la droite, est celui du jardin de la villa de madame Girault. Cette voiture stationnée sur le trottoir, est-ce que vous la reconnaissez ?
–C’est une Twingo, comme celle de Fantine, mais aussi comme celle de Prunelle et comme des milliers d’autres je présume.
–Nous nous sommes procuré la photo originale auprès de Picardie Matin, qui après bien des difficultés a consenti à nous la remettre. La voici. Vous voyez que le cadrage est différent, et on peut voir la plaque d’immatriculation. Il s’agit de la voiture de Fantine. Or, vous nous avez déclaré qu’elle n’était pas sortie de son garage depuis le drame. Vous ne nous avez pas signalé de vol non plus. A part vous y a-t-il une autre personne qui aurait été autorisée à en faire usage ?
–Non, personne.
«  Les listings de la société de gardiennage confirment l’ouverture et la fermeture du garage au jour et à des heures compatibles avec la présence de cette voiture à cet endroit. Pouvez-vous me dire qui, ce jour-là  conduisait cette voiture ?
–Puisque vous semblez le savoir, je vous confirme que c’était moi.
Très bien, nous enregistrons. Quel était le motif de votre déplacement ? 
–Je voulais rencontrer madame Girault, vous comprenez, elle était l’amie de Fantine.
–Oui, je vous comprends. 
Mais pourquoi avoir garé la voiture à cet endroit ? La porte d’entrée est sur l’autre rue, et la sonnette aussi.
–Pour que ce soit plus discret.
–Vous êtes passée par le jardin ? C’est assez inhabituel, surtout si c'est votre première visite, et pas très conforme à votre éducation, ça ne vous ressemble pas !
–Non, j’ai fait le tour à pieds ?
–Ça fait loin, au moins trois cent mètres ! Oui, Mais ça peut se faire !
–Oui bien sûr, ça peut !
–Et vous avez rencontré madame Girault ?
–Oui, on a discuté un peu.
–Je vous pose la question parce que Mme Girault, une certaine heure passée, n’ouvrait plus à personne. Selon ses filles, elle était très craintive.
–C’est possible oui !
–Vous êtes restée combien de temps ?
–Une petite heure je crois.
–Donc, quand vous êtes repartie, il faisait nuit, vous n’avez pas eu peur dans la rue ? Ce n'est pas très bien éclairé !
–Je n’ai peur de rien vous savez !
–Je vous crois volontiers Madame. Mais vous devez faire erreur, car à l’heure où vous avez composé la fermeture du garage, il faisait encore jour !
–Ah bon, c’est possible, je ne me souviens plus.
–Vous êtes-vous servi de cette voiture une autre fois ?
–C’est possible.
–Combien de fois ? Cinq fois selon le listing.
–C’est possible !
–Monsieur Gervais a rapporté que vous aviez failli l’écraser, que s’est-il passé ?
–Oui, j’ai fait une fausse manœuvre. Je n’ai pas l’habitude de cette voiture ! J’ai eu peur moi aussi.
–Oui, ça doit faire peur, en effet !
Voulez-vous que je vous dise ce que je pense ?
–Pourquoi pas ?
–Je crois, Madame Tavernier, que vous êtes intelligente, honnête généreuse, et très courageuse. Et vous ne savez pas mentir, ce qui vous honore. Vous avez multiplié les indices qui vous installent dans la peau du meurtrier possible de Mme Girault. Jusqu’à faire le plein d’une voiture qui ne roule pas, et dont le réservoir était plus qu'à moité plein, uniquement pour que votre carte bleue signe votre passage.
Vous dites avoir fait le tour de la maison, mais avec les travaux, ce n’était pas possible, ou pour le moins très risqué. C’était un samedi, les ouvriers ne travaillaient pas, et par mesure de sécurité, des barrières étaient installées, rendant l’accès particulièrement difficile, voire impossible. Il aurait fallu faire un détour d’au moins 1 km avec votre voiture ou escalader les barrières. Je vous vois mal dans cet exercice, surtout de nuit, avec vos hauts talons. Vous n'auriez pas rendu visite à madame Girault avec des bottes en cahoutchouc? Je crois que vous faites tout cela pour protéger quelqu’un. Je me trompe ?
–Vous vous trompez Capitaine. J’avoue avoir tué Mme Girault avec une aiguille dans la nuque pour faire croire que c’était Prunelle qui l’avait fait.
–Je ne vous crois pas Madame Tavernier. J’admire votre courage. Je devine vos motivations, mais nous ne pouvons pas créditer cette version. Passons à la suite. »
Christa se leva, alla jusqu’à la porte qu’elle ouvrit.
« Entrez Monsieur, asseyez-vous. »
Samuel Tavernier entra, il avait les menottes aux poignets. Il regardait le sol, il n’eût pas un regard pour sa mère. 
« Monsieur, Tavernier. Je vous informe que vous êtes ici dans le cadre de l'enquête que nous menons sur l'assassinat de Madame Girault de Saint-Fuscien. Nous voulons que vous répondiez aux questions qui vont suivre. Toutes vos déclarations seront enregistrées. Je suis le Capitaine Zimermann. Voici le Brigadier Dubreuil, Le lieutenant Mélanie Robillard, et Melle Manon  Maitrot, adjoint administratif.
Votre mère, ici présente, tente courageusement d’endosser la responsabilité de l’assassinat de Mme Girault. On parle de « crime » quand l’acte n’est pas prémédité. Je vous accuse monsieur Tavernier, de l’assassinat prémédité de Mme Girault. Il nous reste à mesurer le degré de complicité de votre mère. Le fait de s’accuser à votre place, n’est pas sans risques ni sans conséquences. Je pense que le motif est la vengeance, car à cette époque, Madame Girault était suspectée d’être responsable de la mort de Fantine. La suite a prouvé qu’elle était étrangère à cet assassinat.
–Vous n’avez pas de preuves contre moi !
–Vous avez peut-être raison. et dans ce cas là, je vous ferai mes plus sincères excuses.
Nous n'avons effectivement que de simples présomptions. Je pense que vous avez utilisé la voiture de votre sœur, pour ne pas éveiller les soupçons des voisins, habitués à la  voir stationnée à cet endroit.
Vous êtes entré par le jardin. Nous avons vérifié que la porte ne fermait pas à clef. Vous avez surpris Flora-Jane dans sa chambre. J’imagine que vous l’avez trouvée assoupie, puisqu’il n’a été relevé aucune trace de lutte dans la pièce ou de drogue dans ses analyses. Mais peut-être avez-vous remis de l’ordre, et peut-être que votre métier vous a permis de trouver la drogue qui ne laisse pas de traces. Vous avez eu tout votre temps, puisque "Sécurit-Am" nous indique un espace de temps d’une heure et demie entre l’ouverture et la fermeture du garage.  Il n’y a que 5 km, entre les deux villages. Vous avez agi de la même façon que l’avait fait l'assassin de votre soeur,  (Avec une aiguille médicale cette fois). Les deux Twingo pouvant être confondues. Votre volonté de faire endosser votre crime par le premier assassin est prouvé par le choix de l'arme du crime. Vos « traces » dans la Twingo ont été soigneusement effacées, et remplacées par les traces volontairement exposées de madame Tavernier. Seulement, c’est l’une de vos traces à vous, que j’ai personnellement relevée dans la chevelure de madame Girault, et sur son lit de mort, en présence des policiers et du médecin légiste. Deux cheveux qui vous ont échappé lors de votre nettoyage, et que nous allons analyser dès ce soir. Demain, nous aurons le résultat. Mélanie s'il vous plait ? »
Mélie sortit et alla au coffre prendre la pochette échantillon. Elle la déposa sur la table. Elle appela le labo de la préfecture pour l’enlèvement de l’échantillon.
« Voici les échantillons. Sur la pochette, ma signature et celle du médecin légiste. Le jour, le lieu et l’heure. Je présume que madame Tavernier n’était pas au courant de votre vengeance à ce moment là. Elle l’a découverte par la suite. Il faudra donner toutes ces précisions au juge d’instruction. Mon conseil est de ne rien dissimuler. Votre coopération vous apportera sûrement la clémence du jury.
Nous allons vous mettre en garde-à-vue.
Les policiers vont vous reconduire à votre domicile, Madame, pour procéder à la fermeture de votre maison et de votre pharmacie. Vous prendrez votre nécessaire de toilette. Débarrassez-vous préalablement des objets pointus coupants ou agressifs. Ils vous ramèneront tout de suite après. Dans 48 heures, soit vous serez libre soit vous serez inculpée et écrouée. Nous laisserons sur place, une garde discrète. Aucune déclaration ne sera faite à la presse, sans l'accord du Juge d'instruction. Pour le reste, nous nous reverrons demain. Vous pouvez appeler votre avocat. Votre dossier sera transféré au Juge d’instruction qui poursuivra l’enquête et en tirera les conséquences. J’espère pour vous Madame Tavernier, que les juges seront cléments. Je l’espère avec sincérité.
Pour l’assassinat de Fantine, si la préméditation est reconnue, ce sera très grave, pour Melle Devallois. De même que pour votre fils. qui se trouve dans une situation quasi identique. Dans les deux cas, le soucis de vouloir faire accuser une tierce personne pourra  aggraver la sentence .
Nous avons été troublés par ces deux assassinats perpétrés dans un petit groupe de personnes très proches les unes des autres. Dans un village habituellement sans histoires. Des personnes que nous connaissions pour la plupart. Ce drame laissera des traces, l’assassinat est toujours la pire des solutions.»
Christa regarda les policiers emmener les prévenus, et se tourna vers ses amies.
« C’est pour nous une affaire terminée, mais j’ai mal. Alors que je devrais être contente d’en avoir fini, je constate que la condamnation des uns et des autres ne changera rien à ce qui s’est passé.
Vous avez tous très bien travaillé. Je suis très fière d’être parmi vous. Il nous reste à refermer les pages encore ouvertes. Ça ne va pas être facile. Quentin prit la parole :
« Mais si tu as les échantillons, pourquoi ne pas les avoir analysés plus tôt ?
–Il me fallait surtout préserver la vérité. Si Samuel s’était senti suspecté, il y a de fortes chances que l’on arrive trop tard pour l’appréhender. Sans parler du risque de fuites possible dans la presse.
La liste des gens pouvant avoir accès aux résultats des analyses est trop longue. Surtout quand les suspects sont regroupés dans un espace restreint.
Si les analyses ne confirment pas nos attentes, on en sera quitte pour une garde-à-vue abusive, pas plus, et on continuera l’enquête ! »

 

culdecoblanc

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Lun 20 nov 2000 Aucun commentaire