Le blog d'eve anne, Madrid.

                              

 

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XLI-Ombrages
 

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Mon désir s'était pris aux fils de tes cheveux.
Mais ta proie est perdue, et plus rien ne t'en reste
Qu'une âme sans élan dans une chair sans geste.
L'amour est mort : demeure... Ou va t'en si tu veux.

Lucie Delarue


                                         Simone fit ses adieux à tout le monde, et je la reconduisis à la gare. Elle ne voulait pas me déranger, et elle était sur le point d’appeler un taxi. J’avais besoin d’être avec elle encore un peu.
« Alors ma belle, que penses tu de tout ça ?
—Je suis partagée. Je suis admirative de la qualité des gens que tu rassembles autour de toi, et qui sûrement t’aiment et veulent te le témoigner.
—Mais ?
—J’ai le sentiment que quelque chose ne tourne pas rond.
—Que veux-tu dire ?
—Ce n’est qu'un pressentiment, c’est tout. Je me trompe sûrement, tu as l’art de maîtriser toutes les situations. J’ai été comme tu l’as dit, ton employeur, ta conseillère, ta maîtresse, ton amie. Je ne suis plus que ton amie, pour tout le reste, tu es passée devant, et c’est toi qui mène la barque. Je le ressens très souvent, et quand je suis triste, je pense à toi, et j’ai besoin de toi.
—Mais pourquoi me dis-tu tout cela ?
—Parce que je t’aime, et que je ne suis plus sûre de pouvoir t’aider… Si tu en avais besoin évidemment. » Je regardais partir le train. J’avais une grosse boule dans la gorge, et je sentais que mes yeux se vidaient abondamment. Je dus m’asseoir sur l’un des bancs qu’il y avait sur le quai. Quand je pus repartir, je n’avais plus de larmes. J’arrivai au Domaine.
Maud m’attendait.
« J’étais inquiète. Tu en as mis du temps !
—Nous avons papoté.
—Ne me mens pas, le train est parti depuis longtemps. Regarde-moi : Tu as pleuré ?
—Elles sont ensemble ?
—Oui, je crois. Ce n’est pas grave, tu sais bien que nous nous aimons toutes, et que nous partageons tout. Toi-même tu me l’as offerte. Et tu l’as offerte à Luigi et à Linda.
—Oui, je sais, je suis stupide. Je me sens vidée.
—Fais un effort. Ils sont tous heureux de t’avoir témoigné leur sympathie.
—Effectivement, et certaines plus que d’autres.
—Reprend- toi, ça ne te ressemble pas de te laisser aller. Marie-No est comme toi. Parce que tu l’as faite comme ça. A sa place, tu agirais de la même façon. Tu ne peux pas lui en vouloir. »  Les invités s’en allèrent les uns après les autres. Je dus faire un effort considérable pour sourire, et remercier. Quand ils furent tous partis, je restai avec Maud et Linda. Mes parents attendaient Jane qui jouait avec Axelle. Marie-No et Michèle n’avaient pas reparu. C’est Maud qui donna le signal du départ.
« Partons. Rentre chez toi, Linda viendra à la maison. Je la conduirai à la gare demain matin. On passe chez toi pour prendre son sac.
—D’accord. On y va. Ce fut une belle journée. »  Jane s’approcha.
« Au revoir ma sœur adorée, merci pour cette superbe journée. Quand tu voudras faire la paix, fais-moi signe.
—Ok, quand il n’y aura plus rien à détruire. » Elle avait du remarquer que Marie-No et Michèle étaient parties ensemble. J’installai Axelle sur le siège enfant, et je rentrai à la maison suivie de Maud et Linda qui me semblait aussi triste que moi. Elle prit son sac, et me quitta en m’embrassant, et en me serrant très fort. Axelle s’était endormie. Je la portai sur son lit, et la couvrit de sa couette. Je me laissai tomber sur le canapé, et je regardai la télé éteinte. Il faisait presque nuit, quand la sonnette de la porte retentit. J’ouvris la gâche et la porte, et je retournai m’asseoir. Elles étaient là, toutes les deux. Marie-No s’approcha de moi, mit sa tête dans mon cou, et me murmura :
« Je sais que tu as mal, je le sens. Mais je ne peux rien expliquer, ça m’a paru tellement naturel. Pour moi, rien n’est changé, je t’aime à la folie, et je t’appartiens pour la vie. »  Je ne trouvai rien à répondre, je savourai de sentir Marie-No contre moi. Je sentis que Michèle s’asseyait sur le canapé à côté de moi. Elle se rapprocha, se colla à moi.  Je sentis la chaleur de son corps. Elle me prit la main et la porta à ses lèvres. Je ne comprenais plus rien.
« La première fois, tu m’as séparée de Christian. La seconde tu viens pour me séparer de Marie-No. La troisième fois, tu feras quoi, Linda, Maud ? Je n’imaginais pas que tu avais stocké autant de haine. Tu devais être bien déçue que je ne sois pas morte la première fois. Vous pouvez partir toutes les deux. Maintenant, tout m’est égal. Vous n’aviez pas le droit »
Rien ne changea dans la position des deux femmes. Marie-No me faisait des petits baisers dans le cou, et caressait le mamelon gonflé. Michèle tentait de glisser sa main sous mon chemisier. Comme si je n’avais rien dit.
« J’ai passé dix ans sans t’oublier, à penser à toi avec bonheur. Et toi à ruminer ta vengeance. Allez-vous-en. N’essayez pas de m’attendrir. Arrêtez de me prendre pour une cloche »  Michèle avait atteint le téton gauche, et Marie-No continuait de caresser le droit. Je sentais des frémissements. Sans doute le résultat de la lutte entre mes désirs et ma colère. Michèle approcha ses lèvres et m’embrassa. Je me laissai faire, sans répondre au baiser. Elle abandonna mon téton, dressé malgré moi, aux caresses de Marie-No, et sa main disparut sous ma jupe. Mon entrejambe dut reconnaître une présence amie, car il se laissa pénétrer et s’ouvrit, déjà ruisselant du plaisir attendu. Je luttai affreusement, pour ne pas hurler. J’avais en moi et contre moi, rassemblées dans la même passion, les deux femmes de ma vie. Et c’était pour en souffrir. Elles totalisaient presque vingt ans d’amour indicible. Michèle et Marie-No, Marie-No et Michèle. C’était un nouveau jeu ? Quel en serait la règle ? Qui l’avait inventé ? Qui tirait les ficelles ? Je ne pouvais répondre. Je fermai les yeux et je m’abandonnai totalement. Je m’aperçus que je pleurais, je ne savais pas si c’était de joie ou de tristesse. Je sentis près de moi, un mouvement qui me fit ouvrir un œil. Marie-No était nue. De l’autre côté, Michèle avait retiré son chemisier. A travers mes larmes, je distinguais ses seins, qui en dix ans n’avaient pas perdu un millimètre. Bientôt, elle fut nue des pieds à la tête. Quel cadeau du ciel, de voir ces deux corps de femmes rivalisant de perfection, s’offrir à mes passions. J’étais absolument désorientée, comme si j’avais vidé la bouteille de whisky d’un seul trait. Je me sentis tirée pour me lever. Marie-No me retira le chemisier, je ne portais pas de dessous. Et Michèle dégrafa la jupe, je n’avais pas de slip non plus. Je retirai moi-même mes chaussures, et je me laissai guider vers le lit. Jamais on ne m’avait fait l’amour, comme elles s’employèrent à le faire cette nuit là. Je me suis abandonnée à leur passion, à leur envie de me posséder, de prendre de moi ce qu’elles aimaient. Je n’avais que les mains pour reconnaître les corps. Je gardais les yeux fermés, toujours noyés de larmes. J’avais l’habitude d’entraîner Marie-No pour jouer à ce jeu là, mais je n’avais jamais partagé Michèle. J’étais très excitée de la sentir là, et je commençais à comprendre la raison de cette aventure. Insensiblement, dans les courts moments de répit, je me souvenais que Marie-No devait partir. Elle savait que je retrouverai Michèle à chacune de ses visites. Elle avait choisi cette solution pour qu’il n’y ait plus de rivalité entr’elles, et que toutes les trois nous vivions dans la même sphère amoureuse. C’était moi qui lui avais appris le jeu, en la donnant à Maud, à Linda, à Simone, à Luigi. Le jeu de nous aimer, et de vivre l’amour avec les unes et les autres sans jalousie, sans drame. Marie-No avait voulu faire entrer Michèle dans le cercle. Je comprenais tout. Il n’y avait aucune trahison, c’était un cadeau, comme celui que je lui avais donné en lui offrant deux garçons quand elle en avait eu envie. Marie-No voulait partir sans que Michèle restât sa rivale. Elles s‘étaient aimées avant, parce qu’elles voulaient que notre rencontre à trois me soit offerte exclusivement. Si elles s’étaient découvertes à ce moment là, mon plaisir en eut été diminué, peut être effacé. Marie-No avait instinctivement l’imagination qu’il fallait pour créer l’amour là où il pouvait exister. Serait-elle en train de prendre la place de Simone ?
Le lundi matin, je ne fus pas en mesure d’aller à Paris. Marie-No ne serait pas aux couleurs à Dijon. Henri lui pardonnerait sûrement. Et Michèle avait raté son train. Je fus la seule à me lever pour préparer Axelle, qui n’avait pas été réveillée par nos débauches de la nuit. Puis je revins dans la chambre. Les deux belles dormaient enlacées. Je les regardais émue, et je pensais, que j’avais été bête de ne pas y avoir pensé plus tôt. Heureusement, dans sa petite tête, Marie-No pensait à tout. Serait-elle en train de jouer mon rôle ? Mon dieu, qu’elles étaient belles. Jamais je n’aurais pu imaginer voir Marie-Noëlle et Michèle nues, endormies enlacées sur mon lit, m’offrant le spectacle irréel de leurs féminités. Pourquoi cette image ne m’avait-elle jamais traversé l’esprit. Pourquoi avais-je toujours distingué l’amour de Michèle de l’amour de Marie-No ? J’avais uni toutes les autres femmes dans un seul et même amour, excepté ces deux là. Etait-ce une erreur, était-ce une précaution ? Je ne l’avais pas fait, ça s’était fait sans moi. Symbole de mon inutilité ? J’étais tentée de respirer leurs corps, de caresser leurs formes, d’enfouir mon visage entre leurs seins, entre leurs cuisses. Je me contentais d’en rêver, et je pris ma douche seule, sachant qu’elles la prendraient ensemble.

Je ne me sentais pas tout à fait satisfaite de l’état des choses. Mais je décidai de ne rien brusquer. On aura tout le temps plus tard. Quand même, je ne le sentais pas. Cela pouvait être de l'amour, ou peut être autre chose...
Je les réveillai doucement, elles pourraient se faire belles pendant que je préparerai le repas. Je ne savais pas ce que j’allais proposer, j’étais simplement sûre qu’Odile avait fait le nécessaire. Et elle l’avait fait. Poulet froid mayo, avec salades de carottes râpées, céleri, fromages, et….macaron glacé aux framboises. Le tout avec un rosé bien frais. Tout cela servi sur la terrasse, sous le parasol, face à l’appartement de Christian. Michèle nous parla de son travail. Elle travaillait pour une multinationale sur le secteur de l’Espagne et des îles, et au vu de ses résultats, elle venait d’obtenir l’exclusivité de l’Amérique Hispanique. Elle avait installé son point de chute à Séville. Elle était sûre de cette façon que les clients éventuels, auraient plus envie de se déplacer à Séville plutôt qu’à Madrid ou à Barcelone. Elle avoua gagner énormément d’argent, sachant pertinemment que la conjoncture était favorable, mais que ça ne durerait pas. Actuellement, elle créait son réseau en Argentine. Elle serait en France jusqu’au dimanche suivant, et après, elle repartirait pour Séville puis pour Buenos Aires. Elle ne savait pas quand elle reviendrait, et elle m’enverrait les procurations de la société si elle ne pouvait revenir pour les assemblées générales. Puis on parla un peu de nous, de nos amours, de la jeune prof de gym avec qui elle vivait.
« Je te dois ma réussite eve anne. C’est toi qui m’as fait comprendre que l’on pouvait quitter l’enseignement, et être plus heureuse en dehors qu’en dedans. Je fais mon mea-culpa en présence de Marie-No. On s’est séparé pour une bêtise, parce que j’avais mal structuré notre couple. J’ai bien étudié le vôtre avant de venir, et j’ai compris que vous aviez trouvé la solution. Ne pas se renfermer sur soi, mais s’ouvrir à d’autres femmes, choisies avec soin, ce qui combattait la lassitude, et les besoins de changement. La jalousie n’existe plus, le doute disparaît, et la confiance n’est jamais remise en question. J’aurai appris beaucoup de choses en venant à l’anniversaire d’Axelle ! Il m’a fallu ramer jusqu’à près de cinquante ans pour admettre que tu avais raison. J’ai été aussi surprise de retrouver Maud dans votre cercle. Moi je l’avais abandonnée pour toi, et toi tu l’as récupérée.
—On ne peut abandonner une femme comme Maud. Maud, c’est l’amour au féminin dans toute sa beauté. Maud c’est plus qu’une amoureuse, c’est plus qu’une amie, elle fait partie intégrante de moi, de nous. Elle m’avait prévenue de ne pas épouser son petit con de fils, parce qu’il était dangereux. Nous avons découvert son homosexualité par hasard, ce qui nous a permis de comprendre sa réaction. Christian est homo, et il le vit comme un mal-être.
Ayant découvert l’homosexualité de sa maman, il s’est imaginé que c’était à cause d’elle qu’il était comme ça, et il s’est mis à la haïr, de l’avoir mis au monde homo. Il voulait lutter contre cette homosexualité par le mariage. Quand il a eu la preuve que j’étais lesbienne, il a compris que je pouvais avoir des relations avec sa mère, ce qui a déclenché chez lui cette fureur incontrôlée. Maud avait vu au premier coup d’œil que j’étais lesbienne, puis elle nous a vues nues, enlacées avec Marie-No à l’habillage de notre mariage. Elle a eu le coup de foudre pour Marie-No. Il faut dire qu’elle était diablement belle. Elle n’a pas senti notre différence d’âge comme un obstacle. C’est une femme qui a su rester jeune, et qui a su s’entretenir pour rester belle et désirable. Le corps de Maud est une merveille de féminité. Dans notre mode de vie, nous ne serons pas étonnées de te voir renouer des liens amoureux avec Maud. C’est un plaisir que l’on t’offre avec simplicité. Et ma Blackie chérie, si elle te fait envie. Marie-Noëlle et Maud ont adoré Linda, elle n’a que 19 ans, c’est une belle amoureuse. Nous sommes heureuses comme ça. Et la conclusion, c’est que lorsque que l’on se retrouve toutes les deux, on se redécouvre à chaque fois avec un besoin d’amour extravagant. Je ne pourrais jamais abandonner Marie-Noëlle. Et si elle me quittait, je crois que je me laisserais mourir, tout simplement. Allons nous balader. » On repassa au Domaine régler la facture. Puis on partit à pieds dans la forêt. Au Carandeau, il n’y avait personne, on s’est baigné nues. Le soir, nous avons invité Maud, et nous sommes allées dans une pizzeria, puis nous sommes sorties en boîte, la seule ouverte le lundi. Ce dont on parlait quelques heures avant, se produisit sous nos yeux, Maud et Michèle se retrouvèrent, visiblement avec un vif plaisir. En sortie de boîte, Maud emmena Michèle à la maison des avenues sans doute. Elle rentra à l’appartement à trois heures du matin. Le lendemain matin, nous prenions le train pour Paris. J’avais beaucoup à faire. Déjà, embrasser Linda et lui raconter toute l’histoire. Ensuite j’appelai Josépha.
« Allo Puce ? Tu me laisses sans nouvelles ? Tu vas bien ?
—Bof, pas trop, je me traîne.
—On peut se voir ? Quand es- tu libre ? Ce midi ça irait ? Tu sais où est l’agence ? À deux cents mètres après Saint Augustin, au numéro XX. Je t’attendrai. » Puce arriva vers midi trente. Je lui présentai Linda, et je l’emmenai au bistrot un peu plus loin.
« Puce, j’ai besoin de quelqu’un. Une femme un peu comme toi, de ton âge, qui saurait faire ce que tu sais faire. Ce serait pour diriger l’habillage correct des mannequins. Faire des réglages pour les photos ou pour les défilés. Figure-toi que l’autre jour, une fille a passé une robe à l’envers, et personne ne s’en est rendu compte. Si tu pouvais te libérer, ça m’arrangerait bien. Le salaire sera celui que tu voudras. Si tu ne peux pas, ben tant pis. Je mettrai une annonce.
—Dis donc cocotte, il n’y aurait pas du Simone là-dessous ?
—Grand dieu non ! Pourquoi dis-tu cela ?
—Parce que la semaine dernière je l’ai eue au téléphone, et je lui ai dit que j’étais au chômage.
—Au chômage ? Mais alors tu es libre ?
—Oui, et je serai très heureuse de retravailler avec toi.
—A partir de demain neuf heures !
—Marché conclu. Je suis très contente Bon, c’est un peu différent de ce que faisait Simone, mais je t’expliquerai tout. Une côte de bœuf pour deux ? Ok ça marche ! » C’était un problème réglé. Ensuite, je pris un rendez vous avec Elke Kellermann. En Anglais, parce que le Français de la dame au téléphone n’était pas terrible. J’irai donc à Düsseldorf la semaine prochaine.
Pendant ce temps, Linda avait organisé la visite de Jeudi. Il y aurait justement une répétition de défilé, et une présentation de Vidéo. Ensuite, j’appelais Rosine. Elle me rappela dès qu’elle fut seule. Je lui proposai d’aller à Amiens quand elle serait libre. Elle fut très contente que je lui demande une rencontre, qui ne l’oblige pas à passer deux heures sur la route. Elle me rappellerait pour un rendez-vous. J’avais besoin d’elle, de sa joie de vivre, de sa décontraction, de sa simplicité, j’avais besoin de sa jeunesse, et de son amour cannibale. J’étais sûre qu’une cure de Rosine me ferait le plus grand bien.
Il me restait à appeler la voisine de l’appartement. Elle me donna rendez vous le lendemain à dix heures.
Et enfin j’appelais Luigi. Je tombai sur son répondeur. Je lui laissai un message : "pour me faire pardonner, je t’offre le restau un soir quand tu veux. Rappelle-moi merci."
De retour à la maison, je retrouvais Axelle qui n’avait pas encore fini l’inventaire de ses cadeaux. Je déballai le cadeau de Michèle. C’était une magnifique poupée Andalouse, qui parlait bien sûr en espagnol. Avec un petit mot lui souhaitant de pouvoir découvrir son pays, et d’y vivre un grand bonheur. Et dans la boîte, il y avait une lettre en espagnol qui m’était destinée, cette fois, qui disait à peu près ceci :
« Voilà dix ans, que, pour ne pas avoir compris que tu avais besoin de respirer, nous nous sommes séparées comme si on ne se connaissait que depuis une heure. Malgré ce que tu peux en penser, je n’ai pas cessé une seconde de t’aimer. Même si nos retrouvailles ont eu des conséquences dramatiques, ce n’était pas voulu, j’en suis tout comme toi, meurtrie. De là où je suis, je te regarde vivre, et je te vois faire le contraire de ce que je t’avais imposé. Je t’ai tenue isolée et je t’ai perdue. Et toi tu offres ta femme à tes amies, et elle reste follement amoureuse de toi. Tu as eu raison, et je me suis trompée. Durant tout ce temps, j’ai eu des aventures qui n’ont pas effacé ton image. Aujourd’hui, je me rapproche de toi, en espérant qu’il ne sera pas trop tard. Je prie dieu pour que tu m’acceptes dans ta générosité, afin d’en recevoir une petite part, et de m’en trouver heureuse. Tout ce que je suis aujourd’hui, je te le dois. Tu m’as montré qu’il fallait avoir du courage, et oser l’impossible, fortes de ce que l’on a appris, qui, bien sûr, mérite mieux qu’un poste dans l’enseignement, au milieu de ces gens qui passent leur temps à calomnier leurs collègues. Tu es sortie de l’enseignement en me disant : dans le privé on gagnera le double. Je gagne dix fois plus, et le travail me passionne parce que je l’invente. Et je pressens que tu as encore quantité de choses à m’apprendre. Je voudrais que tu passes au-dessus du mal que je t’ai fait, car j’ai compris les raisons de ton engagement dans l’armée. Et même dans l’armée, tu as été la meilleure. Si je ne reviens pas dans ton ombre, je finirai ma vie comme un cactus dans la sierra. Humblement, accepte-moi. » Je refermais la lettre les yeux humides. Et je me posais la question : Si Marie-No n’avait pas pris les devants, l’aurais-je acceptée ? Je ne le savais pas. Ce dont je suis sûre, c’est que Marie-Noëlle occupe toute la place dans mon cœur. Il n’y a pas possibilité de partager. Je ne sais pas si elle a bien compris. Ce que l’on partage, c’est la relation physique, qui doit être bien sûr accompagnée d’un sentiment particulier. Mais l’amour avec un grand A, celui là s’appelle Marie-No,  il n’est pas négociable.
Le lendemain, Linda et moi avions préparé le bureau de Puce, avec un bouquet de roses. On prit le petit déjeuner ensemble. Je laissai puce aux mains de Linda et j’allais visiter l’appartement. Il était magnifique. Le transformer pour le coller à l’autre et n’en faire qu’un serait une erreur. Il était assez grand pour y vivre confortablement. Il était en bon état, et la propriétaire était d’accord pour laisser le mobilier et toute la déco en place. C’était un prix exorbitant, mais ce quartier là était assez renommé. Je pris une option, durant dix jours. Je me promettais de le faire voir à Marie-Noëlle. Si je lui proposais d’habiter là, peut être renoncerait-elle à partir à l’autre bout du monde ? Je revenais au bureau, et je passais le reste du temps avec Puce, pour bien lui définir ce que j’attendais d’elle. Je lui précisais qu’elle serait responsable à cent pour cent des tâches qui lui seront confiées. Elle n’aura ni aide ni supérieur. Il faudra que tout soit bien, aucun faux pas toléré. Le travail sera basé ici, mais aussi à l’étranger si besoin était. Puce s’engagea sans arrière pensée et sans crainte.
Pour faire face aux marchés qui s’annonçaient, j’aurais besoin d’une autre personne. Et j’avais une petite idée.
Revenue chez moi, je trouvais une réponse de Luigi, qui acceptait avec plaisir mon invitation pour le soir même, sinon, il faudrait remettre à la semaine suivante. J’avais juste le temps de prendre une douche et de me refaire une beauté. Je pris Luigi chez lui, et nous partîmes tous les deux à La Bonne Idée. Dans la voiture, Luigi était silencieux quand soudain il me dit :
« Tu ne peux pas savoir combien je me sens heureux avec toi !
—C’est une déclaration ?
—Je ne sais pas, c’est ce que je ressens là, maintenant, tout de suite.
—Mil mercis Luigi, je pourrais te dire la même chose. C’était la première fois que je me retrouvais dans un restaurant chic, avec un homme, depuis que j’avais quitté Christian.
« Que fais tu comme métier à part séduire, Luigi ?
—Je suis contrôleur de gestion. » Je fus surprise, je m’attendais à tout sauf à ça. « Je suis expert comptable, j’ai été commissaire aux comptes, et maintenant contrôleur de gestion.
—Et tu as quel âge ?
—Trente huit.
—Est-ce que ton homosexualité te gêne dans ton travail ?
—Pas plus que toi, je suppose.
—Aurais-tu envie de travailler pour moi ?
—Je n’en suis pas sûr. J’aime trop faire l’amour avec toi.
—C’est un détail à régler. Mais sur le fond ?
—Je ne peux pas répondre. Pas maintenant.
—Ok » Le repas fut succulent, comme je l’avais voulu, succulent et léger. Luigi se montra très sobre. A la fin du repas, Luigi me prit la main et me dit :
« J’ai une envie folle de faire l’amour avec toi.
—Tu es sûr que c’est une bonne idée ?
—Je n’ai pas dit que je voulais te "baiser." J’ai dit que je voulais faire l’amour avec toi.
—C’est un peu pareil non ?
—Pour beaucoup de monde oui, pour moi, non. Etre ensemble en oubliant tout le reste, en savourant le moment présent. Amour douceur, tendresse. Il y a plein de mots pour décrire tout ça, c’est la preuve que c’est possible.
—C’est un risque Luigi. Si ça marche, je te serai reconnaissante, si ça ne marche pas je te prendrai pour un vulgaire cavaleur !
—Je prends le risque.
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—Moi aussi. »
Je savais que je n’obéissais à aucune logique, et que mes principes partaient à vau l’eau. J’avais un urgent besoin de me vider la tête.


Maintenant peu importe ce qu'il pourra m'arriver.




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Dim 13 mai 2007 1 commentaire

Bouleversante réapparition de Michèle et belle scène d'amour à trois, même si celle-ci est simplement évoquée plus que décrite, car les émotions que j'ai emmagasinées au fis des précédentes pages avec ce que je sais maintenant, en tant que lectrice, de Michèle et de Marie-No, rend ces ébats très forts et très excitants. Tendres baisers. Ophélie

Ophélie Conan - le 24/11/2010 à 16h12

J'essaie de rester lisible par les non-initiées. 

eve anne