Le blog d'eve anne, Madrid.

                              

 

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LII-Les Doutes
 

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Elle marche déjà sur la pointe des pieds
de son absence.

Alain Borne 


                                         Henri vint vers moi :
« Ne bouge pas de là, je vais chercher Claude.
—Je vous attends ici. » Je restai avec Isabelle en l’attendant. Guillemette vint nous rejoindre. Elle était complètement frigorifiée. Isabelle l’emmena se réchauffer près d’un radiateur, et lui offrit un chocolat. Henri revint avec Claude, qui avait suivi la cérémonie dehors. Elle se jeta dans mes bras. Elle avait les lèvres bleues et des larmes coulaient sur son visage. Elle était tellement gelée qu’elle n’arrivait pas à articuler une parole. Je leur posai la question :
« Qu’avez-vous de prévu ? Vous rentrez tout de suite ? Vous avez à faire ici ?
—Non, Henri doit rester avec les officiers. Je vais trouver un coin chaud pour l’attendre.
—Tu veux venir à mon bureau ? Tu verras Claudine, j’ai réussi à la dissuader de venir, il n’était pas nécessaire qu’elle soit là. Et toi, je ne savais pas que tu viendrais. Tu veux venir aussi Isabelle ? Ce n’est pas loin, Vingt minutes, pas plus, C’est à Saint Augustin.
—Avec plaisir. Je préviens le Général. Et je cherche Guillemette.
—Et moi je vais le dire à Henri. Il pourra revenir me prendre avec le Colonel, il sait où c’est. » On se répartit dans ma voiture et dans la voiture du Colonel. Nous fûmes au bureau en moins de vingt minutes. J’avais tenu à ce que toutes les filles soient au travail. Il n’était pas nécessaire pour elles d’assister à la cérémonie Militaire. Elles étaient toutes là. Toutes vêtues d’un pantalon noir, d’un chemisier blanc et d’un foulard noir. J’étais surprise, je n’étais pas prévenue. Claudine arriva, et se jeta dans les bras de Claude. On s’installa dans la salle de communication. Et puis je fis les présentations de Lorena, Linda, Rosine, Laurie, Mathilde, Josépha et Armand. Simone était attendue pour midi. Lorena nous dit qu’elle avait commandé des plateaux repas. Et en attendant on essaya de passer le temps en visitant l’agence. Isabelle fut surprise, elle ne savait pas que Claudine travaillait avec moi, et Claude l’avait appris la veille. Guillemette ne connaissait pas non plus les détails de notre activité. C’est Lorena qui dirigea la visite. Je voyais Isabelle qui ne la quittait pas des yeux. Quand je fus près d’elle, elle me murmura ?
«Où as-tu trouvé cette fille ? Elle est magnifique !
—Oui, magnifique à tous points de vue. Je l’ai trouvée à l’hôpital aux trois quarts morte d’une tentative de suicide, après qu’on se soit fâchées. Elle avait travaillé chez Simone, et je m’en suis souvenue. Son histoire est assez bouleversante. C’est trop pour aujourd’hui. Elle vit en couple avec Rosine.
—Hum, quel joli couple. Comment fais tu pour trouver des filles comme ça ?
—Je ne cherche pas, mais quand j'en vois une, je ne la lâche pas. Il faut de la chance, et avoir le déclic au bon moment.
—Elles ne sont pas amoureuses de toi ?
—J’espère bien que si ! Ce qui m’importe c’est qu’elles soient heureuses de travailler pour moi.
—Elles en ont l’air.
—Tu sais, j’ai bâti cette affaire avec l’espoir qu’elle nous appartiendrait à toutes les deux. Mais Marie-No ne voulait pas vivre dans mon ombre pour reprendre ses paroles. J’ai toujours gardé l’espoir qu’elle me rejoindrait. Sa place était jalousement gardée. Aujourd’hui, je ne sais pas ce que je vais faire, mais j’ai bien peur de perdre la motivation.
—Tu ne peux pas abandonner ! Toutes ces filles, et tous tes mannequins comptent sur toi !
—J’ai tout fait pour que Lorena soit capable de prendre tout en main.
—Elle est très belle, sûrement compétente, mais elle n’aura jamais ton charisme, ce qui a fait ta réussite.
—Pourvu que ça ne cause pas ma perte.
—Le temps passera, tu vivras, et tu reprendras vite le dessus.
—Pourvu que tu dises vrai !
—Le Général avait une véritable affection pour vous deux. Il avait apprécié le sérieux de votre travail à l’une et à l’autre, et il avait admiré l’énergie avec laquelle tu avais défendu Marie-Noëlle quand le Commandant l’avait rejetée. Il parlait de votre amour comme quelque chose de rassurant, et même d’exemplaire. Les gens qui ne connaissent rien aux amours homosexuelles, et qui vous regardaient vivre, étaient, subjugués par la sincérité et l’honnêteté de votre liaison. Il me disait aussi qu’au camp des sablons, vous étiez les deux seules femmes opérationnelles sur à peu près mille cinq cent hommes, et que vous aviez le respect de tous.
—Oui, et il a fallu que ce soit un adjudant chef qui l’agresse dans un exercice de nuit.
—Oui, il m’a raconté ça aussi. La façon dont tu avais mené ton enquête.
—Je ne savais pas que c’était remonté jusqu’à lui.
—Si, il avait été admiratif de la méthode, alors que le Colonel avait été très inquiet.
—Je ne peux pas supporter ce genre d’individu. C’est vraiment ce qu’il y a de plus abject dans la société.
—Je suis bien d’accord avec toi. Mais dis moi, tu as combien de mannequins dans ton agence ?
—Environ deux cents
—Tant que ça ?
—Oui, et quelques hommes depuis peu.
—Et elles sont toutes très belles j’imagine !
—Oui, très belles et les hommes aussi, sont très bien. Pour le choix des hommes, j’ai embauché Armand, que tu as vu, c’est un homo de Compiègne. Il n’embauche que des homos, super craquants.
—Un homo, Armand ? Il n’en a pas l’air !
—Et moi j’en ai l’air ?
—Excuse-moi, ce n’est pas ce que je voulais dire. Les garçons homos ont généralement des manières…
—Détrompe toi, il y a des homos qui sont très class, comme il ya des lesbiennes très séduisantes. L’homo féminisé, c’est l’exception, c’est l’image d’Epinal. Je n’ai que des garçons qui sont au top. Et d’une totale correction.
—Et pourquoi choisir des homos ?
—Parce que ce sont sûrement les seuls qui ont du goût pour se fringuer. Et les autres me fuient.
—Et moi ? Si tu me voyais pour la première fois ? Penserais-tu que je suis lesbienne ?
—Quand je t’ai vue pour la première fois, je connaissais déjà des choses de toi, alors la première impression était déjà faussée. Mais je crois maintenant que tu pourrais l’être et que ça peut t’arriver d'une seconde à l'autre. On va rejoindre les autres ?
—Bien sûr. J’aime admirer les jolies femmes, je le confesse, je ne sais pas où ça me mènera !
—Au paradis sur terre! »
Les autres étaient rassemblées autour de Lorena. Je m’approchai, pour écouter discrètement. Elle racontait comment et par quel miracle elle était arrivée ici. Isabelle et Claude étaient très curieuses de savoir comment Claudine était venue me rejoindre. Elle le raconta aussi, en précisant que je lui avais offert le poste lors de notre repas d’adieu à Compiègne.
« Marie-Noëlle était là, elle était heureuse qu’eve anne ait pensé à moi pour ce travail. Et ici, je me plais beaucoup, je m’éclate, c’est un plaisir de travailler avec ces dames !
—Et encore, tu n’es pas homo, tu ne sais pas ce que tu perds ! » Ça c’était Rosine.
« C’est vrai je ne suis pas homo, mais je n’ai jamais eu de meilleures amies. »
« Claudine fait merveille. Elle est metteur en scène, et ses idées sont inépuisables. Je crois qu’elle est à la base de notre succès.
—Et comment étais-tu sûre qu’elle conviendrait pour ce poste ?
—Mon intime affection, et son élégance naturelle. Je la voyais dans ce rôle, et dans aucun autre. Mais surtout, je la voyais avec moi. »
Josépha se tenait un peu plus loin, et ne disait rien. Son pantalon noir lui moulait les fesses, elle avait la taille fine, et son chemisier blanc était tendu par sa large poitrine. Le chemisier avait le col ouvert, et le foulard était noué à son cou, et porté un peu de travers. Elle avait presque toujours un foulard. Avec ses cheveux noirs, elle avait un petit air rétro, qui me plaisait bien. Elle me fit penser à Ava Gardner dans Mogambo. Elle portait de fines lunettes sans montures, et des boucles d’oreilles discrètes. Ses mains étaient longues et fines, et les ongles longs et soignés, recouverts d’un vernis sombre. Elle paraissait perdue dans un rêve, ou dans un souvenir. Je la trouvais très attirante. C’est très curieux, je m’aperçus que je ne l’avais jamais vraiment regardée. C’était la chasse réservée de Simone, au début, et je m'y suis habituée. Je me dirigeai vers elle, et doucement, je lui pris la main, et déposai un baiser. Elle sursauta.
« Ah c’est toi ? J’étais partie loin dans mes souvenirs. Je pensai que je donnerais ma vie pour qu’elle revienne, sans hésiter. Pour que tu sois heureuse. Vous n’avez pas mérité ça.
—Sans doute que si ! Dis moi Puce, où en es-tu dans tes amours avec..
—Claudine ?
—Oui !
—Pas très loin, je ne veux pas la brusquer. Je la laisse se transformer. Comment veux-tu qu’elle ne le fasse pas, noyée dans notre milieu. Nous l’aimons toutes, et elle est si belle. Ce n’est peut être pas moi qu’elle choisira. Linda est beaucoup plus craquante.
—C’est bien ce que tu fais. Je t’aime tu sais. Si quelques fois j’ai été un peu dure avec toi, il ne faut pas m’en vouloir.
—Tu devras le payer ! Peut être qu’un jour tu verras que je suis là. Quelle sotte j’ai été de te mettre Lorena dans les bras ! J’aurais du penser à moi d’abord.
—Je ne m’attendais pas à ce que tu me dises ça.
—Je plaisantais. Encore que le moment soit mal choisi. Quand je vois ce que tu as fait de Lorena, et qu’en plus tu l’as offerte à Rosine.
—Je n’ai rien fait, elles se sont aimées c’est tout. Lorena est une fille exceptionnelle, ses compétences la mèneront très loin ! Et Rosine c’est la joie de vivre l’amour. Elles vont si bien ensemble qu’on ne peut les séparer.
—C’est quand même toi qui l’as faite. Avec Simone, elle n’était qu’une petite gratte papier. Ces femmes là ne mesureront jamais ce qu’elles te doivent.
—Tu dis n’importe quoi. Je suis heureuse de t’avoir avec moi. Et tu es de plus en plus belle.
—Merci, je saurai ce qu’il faut faire pour te séduire.
—Je suis séduite Puce, depuis longtemps. On ne sait jamais, l’occasion, l’herbe tendre. . . .
—Des fois je me dis que je suis trop vieille, mais je sais que tu fais l’amour avec Maud, alors je ne comprends pas tout.
—Tu n’as qu’à me violer.
—Ok, message reçu cinq sur cinq. » Je reçus un coup de fil de Maud, justement, elle voulait savoir comment j’allais.
« Je me réchauffe, elles sont toutes là. Il ne manque que toi mon amour. Mais tu es dans mon cœur, tu as la meilleure place.
—Alors, ferme bien ton manteau que personne d’autre ne puisse entrer. » Simone arriva quelques temps après. Dès qu’elle fut là, je vis Lorena cesser toute discussion et disparaître, peut être dans son bureau. Je fis un signe à Puce qui comprit, et partit la rejoindre.
« Bonjour à toutes. Je viens vous embrasser en coup de vent, te présenter mes condoléances, et je dois repartir tout de suite. On se reverra Samedi. Et elle nous quitta aussi vite. On s’installa pour déjeuner. Je m’installai à côté de Guillemette, qui semblait avoir repris un peu de vie. Lorena ressortit de sa retraite, et vint s’installer près de moi. Elle me chuchota à l’oreille.
« Puce m’a dit que tu avais besoin que je te dise des mots d’amour.
—Puce en fait trop, mais c’est vrai que ça me ferait beaucoup de bien. »
Avec Guillemette, on parla des obsèques de Samedi à Dijon.
« Arriveras tu à tout préparer, ou veux tu que je t’accompagne pour t’aider ? Non, ça ira, je crois. Les pompes funèbres de la ville se chargent de tout, y compris les boissons chaudes pour les gens qui seront gelés.
—Y aura-t-il un détachement militaire ?
—J’ai refusé. Il y aura simplement un drapeau et un officier avec la légion d’honneur sur un coussin.
—Oui, c’est bien comme ça. Tu repars par le train ce soir ?
—Oui, j’ai un TGV vers 2O heures.
—Ton amie ne t’a pas accompagnée ?
— Non, on n’a pas osé.
—Quelle drôle d’idée, et nous, on n’ose pas peut être ? Promets-moi que l’on gardera le contact, je ne veux pas te perdre.
—Tout le monde dit que tu as un cœur immense, je pense que c’est vrai.
—Je n’ai pas été épargnée pour autant.
—Il faudra que tu vives sans elle. Les autres femmes t’aideront, elles t’adorent.
—L’amour que j’avais pour Marie-No, était bien autre chose que les amours saphiques. C’était mon autre moitié, elle était toute ma vie. Notre séparation, elle l’avait voulue. Quatre ans ! C’était atroce. J’ai cherché dans le lit des autres femmes, les moyens de l’oubli. Je n’y suis jamais parvenue. Beaucoup de gens méprisent les amours homosexuelles, que diraient-ils si, un seul jour ils arrivaient à comprendre combien on s’est aimées ? Il ne faudra pas partir trop tard, il va y avoir du monde pour les départs. Tu es sûre que tu ne préfères pas attendre demain ?
—Non, je dois partir ce soir.
—Comme tu voudras. Embrasse-moi. » Puis je cherchai Henri et Claude, je les trouvai avec Claudine. Je savais que les deux femmes s’estimaient beaucoup, bien qu’elles n’aient jamais eu souvent le loisir de se côtoyer .
« Vous restez là jusqu’à Samedi ou vous repartez ?
—Nous restons pour être avec toi.
—C’est une attention qui me touche. Et vous allez habiter où ? Vous avez prévu quelque chose ?
—Nous allons rester chez Claudine jusqu’à samedi, et on repartira directement de Dijon..
—C’est très bien. Claudine sera heureuse.
—J’espère que l’on gardera le contact. Je sais bien que sans elle, les liens avec l’armée vont disparaître. En plus, l’armée va opérer sa grande mutation.
—Si le lien se perd, ça sera indépendant de ma volonté. Henri a vraiment été l’homme de ma vie. Comment pourrais-je l’oublier ? Tout ce que je suis devenue, je le dois à Henri. Il m’a tout appris. Ne te méprends pas Claude, ne va pas lui faire une scène de jalousie ! » Le Colonel arriva, avec le Général. Et c’est le Général qui déclara :
« Ne vous dérangez pas, je viens chercher ma femme.
—Et moi la mienne.
—Auriez vous le temps de me faire visiter vos installations ?
—Avec plaisir, Et je vais vous présenter Lorena, qui est ma doublure. Elle dirige cette agence de main de maître. » Et je présentais tout le staff au Général et au Colonel. Je pense qu’ils furent agréablement surpris de la beauté de mes femmes. Ils furent très intéressés et écoutèrent avec attention mes explications. Et je répondis à la question universelle ?
« Et combien employez vous de personnes ?
—Un peu plus de deux cents !
—Deux cents ?
—Oui Général, deux cents superbes femmes, toutes plus belles les unes que les autres. Ce sont des filles qui n’ont pas été sélectionnées par les grandes maisons de couture. Mais ces maisons me prennent en permanence la moitié de mon personnel. C’est une rente.
—Et vous faites d’autres choses ?
—Oui, les publicités pour les ventes par correspondance des vêtements de luxe, En live et en vidéo, beaucoup à l’étranger. Nous organisons des séminaires, et des défilés. Et je viens de démarrer une école de mannequins multiraciale, histoire de donner la même chance à toutes les filles. Nous avons lancé aussi des mannequins hommes, ça marche bien.
—Et pour diriger toutes ces activités ?
—Elles sont toutes là.
—Vous n’êtes pas plus nombreuses comme encadrement ?
—Non Général, on s’en sort bien, et notre gestion est très rigoureuse.
—Toutes nos félicitations eve anne, encore une fois vous m’avez épaté. Et madame Dumas, elle occupe quel poste ici ?
—Elle est metteur en scène. Elle s’occupe du côté artistique de nos créations.
—Et je peux témoigner qu’elle en est très heureuse. Elle fait ce qu’il lui plait avec un salaire de ministre. Et quand on lui parle d’eve anne, elle est en adoration !
—N’exagérons rien !
—Je n’exagère pas. Comme Le Général, je suis très impressionné. » De retour avec les autres, je demandai à Lorena ne nous jouer un peu de violon avant qu’on se sépare.
« Lorena compose toutes les musiques qui accompagnent les défilés de Claudine. Si vous avez un instant, écoutez-la. » Lorena joua la partition solo des
« Méditations de Thaïs » La surprise était totale. Je vis Isabelle s’essuyer les yeux à plusieurs reprises. Les gens partirent les uns après les autres. Puce se proposa gentiment pour conduire Guillemette au train. Il n’était pas tard, elles avaient le temps. Puce vint m’embrasser.
« Tu sais, je ne veux prendre la place de personne. C’est seulement s’il te reste un p’tit bout d’amour qui dépasse, et que tu ne sais pas où mettre.
—Oui, tu sais bien que je t’aime. Sois prudente. Je ne viendrai pas demain. Faites pour le mieux. » Et j’allais embrasser les autres personnes, et Lorena à qui je dis :
« Tu as encore étonné beaucoup de monde.
—Et toi ?
—Et moi la première, je ne m’en lasse pas.
—C’est uniquement pour toi que je fais ce que je fais. Ça s’appelle de l’amour. » Comment résister à des mots comme ceux là. J’embrassai les autres, avec passion. Les officiers m’embrassèrent aussi, le protocole fut oublié.
« Merci de votre visite et de votre amitié. » Je retournai à Compiègne, et je retrouvai ma fille et Maud, qui m’attendaient en lisant un livre de légendes espagnoles. Cela me fit un bien immense de les retrouver. Et je me lovai contre Maud avec l’envie d’y ronronner toute la nuit.
« Tu restes avec moi n’est ce pas ?
—Je n’avais pas prévu, je ne savais pas.
—Ton mari te laissera ?
—Je l’appelle. » Pendant ce temps, j’ouvris mon courrier pour y trouver une carte de condoléances de Michèle. Jocelyne, sans doute, l’avait prévenue. On passa une soirée calme, durant laquelle je lui racontai la cérémonie militaire, et l’après midi passé à l’agence. Je passai la nuit nichée entre les seins de Maud. C’était bien le seul endroit où rien ne pouvait plus m’atteindre. Et quand le matin, il faut quitter le nid, c’est un véritable déchirement.
Le lendemain, Maud décida qu’on allait se vider la tête à cheval en forêt. Axelle qui passait souvent ses mercredis au manège, était extrêmement fière de monter entre nous deux un grand cheval tout gris qui se prénommait : « Prince Misty » Pour mistigris sans doute ! Il faisait très froid, et toutes emmitouflées on ne se parlait pas, on profitait de ce spectacle magnifique du givre dans la forêt. Maud montait de façon très académique, moi plutôt cow-boy. J’avais appris toute seule, les ronds dans le manège ne m’avaient jamais amusée. Aussi ai-je appris à tomber plus souvent que les autres.
Le lendemain très tôt, on partit pour Dijon. Maud, Luigi Jane et moi. Jane avait demandé à venir. Je l’avais prévenue :
« Un mot déplaisant, et je te laisse sur le bas côté avec mon pied au cul » C’était efficace, elle resta muette. Luigi avait pris le volant, Jane était à côté de lui, et Maud et moi étions derrière, l’une contre l’autre. Voyager derrière dans cette BM était un véritable supplice.
Ma prochaine voiture sera une C5 Citroën.
C’était presque aussi pire que la veille sur ma jument. Je pensais que je n’aimerais pas que Luigi fasse l’amour avec Jane. C’était sans doute une idée stupide. Mais Luigi, c’était pour moi. Si je pensais à ça, c’est que l’idée était passée dans la voiture, dans l’esprit de quelqu’un. Je ferai une enquête. C’est curieux comme on peut passer du temps à songer à des trucs inutiles. Ainsi, j’acceptais que Luigi apporte du bonheur à toutes mes amies. Mais elle, pas question !
Pendant ce temps, Maud me caressait, tout ce qu’elle trouvait ; ma cuisse, mon dos, ma fesse. Elle arriva même à introduire sa main dans mon dos pour jouer avec l’agrafe de mon soutif. Ce n’était pas sérieux.
Je n’aurais pas dû accepter ma sœur.
On aurait fait l’amour dans la voiture. Pendant que Luigi conduisait. Encore que je ne sais pas si Maud se serait exhibée devant son ancien élève. Ça m’aurait excitée comme une dingue. Il faudra que je lui demande. Et qui sait, peut être pourrons nous le faire plus tard.
On approchait maintenant de Dijon. On longeait le lac Kir.
La cathédrale Saint Bénigne n’est pas particulièrement belle. Aucune allure, aucune sculpture. Je l’avais visitée, jadis, et seule l’orgue et la crypte étaient dignes d’intérêt. Bénigne fut un pauvre martyre horriblement torturé par les (romains ?). C’est tout ce que je me souviens de l’histoire de ce pauvre chrétien.
On s’était donné rendez vous à l’église directement, dans le souci d’épargner les gens ; Le froid, comme souvent à Dijon, était Sibérien. Lorsqu’on entra dans l’édifice, je fus immédiatement saisie par la musique. Un trio d’orgues, de violoncelle et de violon jouait la «Sonate d’église » de Mozart. Je n’hésitai pas une seconde pour reconnaître le violon de Lorena. Mais que faisait-elle ici ? Et comment pouvait-elle jouer au pied levé cette partition avec un organiste qu’elle n’avait jamais vu ? Je me mis à écouter et je ne pensais plus à rien. Au bout d’un moment, je murmurai à Maud :
« C’est le violon de Lorena » Maud me regarda incrédule. La musique amplifiée sous cette voûte avait une puissance extraordinaire. Les gens qui savent jouer comme ça, ont sûrement quelque chose en plus. Je ne pensais plus au froid. J’écoutais, et j’étais sous le charme. Puis le cercueil arriva, suivi de Guillemette. Je lui emboîtai le pas, la pris par le bras, et je l’accompagnai jusqu’au chœur. Sur le cercueil sans drapeau cette fois, il y avait un œillet rouge. Je pensai que c’était un geste de Michèle.



Je devinai qu’elle allait essayer de me culpabiliser.




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Mer 2 mai 2007 Aucun commentaire